Bourse : record d'actions des fonds activistes au premier semestre 2024, selon Lazard

Les campagnes des fonds activités ont augmenté de 29% au premier semestre par rapport à la moyenne des cinq dernières années dans le monde, selon Lazard. Une augmentation aussi constatée en France et qui a de fortes conséquences sur les entreprises ciblées.
Maxime Heuze
Les campagnes des fonds activistes peuvent faire fortement chuter les cours des entreprises ciblées.
Les campagnes des fonds activistes peuvent faire fortement chuter les cours des entreprises ciblées. (Crédits : KAI PFAFFENBACH)

C'est le dernier séisme en date dans le monde de la finance. Eurofins Scientific a dévissé de 16% sur la seule journée du 24 juin après que le fonds activiste Muddy Waters a accusé le laboratoire coté au CAC 40 de malversations. Une attaque sanglante et qui est pourtant loin d'être un cas isolé. Si Muddy Waters s'est spécialisé dans la vente à découvert des sociétés dont il met en avant un problème ou une irrégularité pour tirer profit de la baisse du cours, d'autres fonds cherchent à intégrer le conseil d'administration de sociétés pour changer leur politique économique. C'est notamment la stratégie Bluebell Capital, un fonds londonien entré au capital de Worldline et qui réclame depuis décembre une refonte de la gouvernance du groupe français.

Derrière ces quelques affaires ayant fait grand bruit, les attaques des fonds activistes deviennent une véritable tendance de fonds. Selon une étude du société de conseil financier Lazard, publiée ce mardi, au premier semestre 2024, 147 nouvelles campagnes activistes ont eu lieu dans le monde, soit une augmentation de 29% par rapport à la moyenne historique de cinq ans. Un chiffre « marquant le semestre le plus chargé jamais enregistré », alerte Lazard.

Lire aussiFace aux « activistes », TotalEnergies appelle les actionnaires à soutenir Patrick Pouyanné

Les données extra-financières scrutées de près

Si en Europe, 36 campagnes ont été enregistrées au premier semestre, soit le même montant qu'en 2023, 19% de ces campagnes ont été réalisées en France, contre 12% en moyenne entre 2019 et 2023. « Les 7 nouvelles campagnes observées en France au premier semestre égalent ou dépassent déjà le total annuel de 4 des 5 dernières années », pointe encore l'entreprise de conseil.

Comment expliquer la multiplication de ces campagnes ? Difficile à dire selon les auteurs de l'étude. « Les critères extra-financiers et de management des entreprises cotées en Bourse sont de plus en plus simples à obtenir, donc cela permet à ces fonds d'analyser plus facilement d'éventuels problèmes ou irrégularités », juge cependant Emeric Blond, gérant action chez Tailor AM. Ce dernier constate aussi un changement de stratégie chez les activistes. « On les entend davantage. Il y a quelques années, ils faisaient surtout du lobbying dans l'ombre mais maintenant ils communiquent lors des assemblées générales et par voie de presse », analyse-t-il.

A noter aussi, parmi les 39 investisseurs ayant lancé des campagnes en Europe au premier semestre, 36% d'entre eux lançaient une campagne pour la première fois selon Lazard. « De nombreux fonds sont devenus activistes récemment car cette pratique peut s'avérer efficace pour impulser un changement stratégique », estime Christopher Couvelier, responsable des activités de conseil aux actionnaires en Europe chez Lazard.

Parmi les fonds les plus actifs, le géant américain Eliott Management (30 milliards de dollars d'actifs sous gestion) se classe en haut du podium pour le premier semestre au niveau mondial avec six campagnes aux Etats-Unis, trois en Asie et deux en Europe. Mais c'est bien Bluebell capital (250 millions d'euros d'actifs) qui est le plus agressif sur le Vieux continent avec trois campagnes initiées sur le seul premier semestre 2024.

Des conséquences non-négligeables pour les entreprises ciblées

Et ces fonds à l'activité croissante ont de véritables conséquences sur les entreprises visées.

En Europe, les attaques de ces fonds conduisent fréquemment à un changement de direction, même lorsque ce n'est pas une demande initiale explicite : les entreprises ciblées par les activistes voient leur PDG partir dans les 12 mois suivant le lancement de la campagne à un rythme presque deux fois supérieur à celui des sociétés non ciblés du Stoxx 600, selon Lazard. Pour y parvenir, ces derniers organisent fréquemment des « "chasses en meute" (qui) continuent d'être une caractéristique de l'activisme en Europe », explique l'étude qui précise que 16% des entreprises ciblées au premier semestre ont fait l'objet d'une campagne de plusieurs activistes simultanément ou successivement.

Ainsi, pour éviter d'être emportés dans les duels entre sociétés cotées et fonds actif, les gérants se tournent « de plus en plus vers des sociétés et des fonds labellisés (ISR, finansol, Greenfin) qui imposent davantage de contrôle sur les critères extra-financiers (environnementaux, sociaux ou de gouvernance) ce qui nous permet de réduire la possibilité de subir des attaques de fonds activistes », confie Emeric Blond.

Lire aussiFinance durable : Bercy exclut TotalEnergies du label ISR

Un changement de comportement qui laisse à penser que les fonds activistes, ayant aujourd'hui mauvaise presse, pourraient finalement contribuer à rendre la finance moins opaque.

Maxime Heuze

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 1
à écrit le 03/07/2024 à 7:10
Signaler
"Les données extra-financières scrutées de près"Quand je dis que notre milieu européen financier pourri par les affaires de toutes sortes ont fortement intérêt à ce que la justice française passe avant l'américaine ce n'est pas pour rien, la notre se...

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.