La machine à financer de l'État peut-elle suivre la course à l'intelligence artificielle ? L'an dernier, Emmanuel Macron avait annoncé à l'occasion du salon Viva Technology plus de 900 millions d'euros d'investissements supplémentaires dans le secteur. Cette année, dans son discours désormais ritualisé, les annonces sont plus vagues. Certes, le président a confirmé sa promesse de financement de neufs clusters universitaires dédiés à l'IA, pour 430 millions d'euros, déjà annoncée l'an dernier, dans le cadre de France 2030.
Mais sur l'autre grand enjeu de la course à l'IA, l'investissement dans les startups, il a simplement évoqué le lancement d'un « un nouveau fonds très significatif », sans en donner l'ordre de grandeur. De quoi inquiéter légèrement l'écosystème : le développement de l'IA nécessite des volumes de capitaux inédits dans l'histoire de la tech, et la capacité des secteurs publics et privés européens à suivre la dynamique américaine et chinoise interroge.
Doubler la capacité financière de l'Union européenne
Pour rassurer sur ses ambitions, Emmanuel Macron a précisé que le nouveau fonds sera lancé « avant la fin de l'année », et que l'État en financera le quart. L'objectif sera notamment de financer « les puces électroniques, le cloud ou encore les LLMs » [grands modèles de langage, ndlr]. Autrement dit, les trois briques essentielles au développement des IA génératives. Il espère que le fonds déclenche « un choc d'investissement », qui entraînera le secteur privé. Et si le fonds se lancera d'abord à l'échelle française, Macron fait part de son souhait d'en faire une initiative européenne. L'objectif, a minima, serait de doubler la capacité financière de l'Union européenne.
Le président se penche aussi sur les débouchés de l'écosystème : il compte ainsi doubler la part de la commande publique consacrée aux startups de la tech française avec le programme « Je choisis la French Tech » (également présenté l'an dernier), avec un objectif d'1 milliard d'euros d'achat dans le secteur, entre 2024 et 2027. Enfin, Emmanuel Macron a lourdement insisté sur un atout moins évident de la France : sa production d'électricité. « Nous avons de loin l'énergie la plus décarbonée et la plus pilotable d'Europe, et nous insistons dans cette direction. Cela nous donne la capacité d'accueillir de nouveaux data centers », vante-t-il.
Plus de 100.000 étudiants par an formés à l'IA
Suite aux promesses de l'an dernier, plus de 400 millions d'euros seront fléchés vers neuf clusters IA, des pôles d'excellence universitaires pluridisciplinaires : quatre à Paris (Université Paris Sciences et Lettres, Institut Polytechnique, Sorbonne Université et Université Paris Saclay), un à l'Université Grenoble Alpes, un à l'Université de Lorraine, un à l'Université Côte d'Azur, un à l'Université de Rennes et un à l'Université de Toulouse. Le principal objectif de ces nouveaux centres sera de plus que doubler le nombre d'élèves formés par an de 40.000 à 100.000 (dont 20.000 en formation continue).
Les universités concernés profiteront de toute une série d'avantages administratifs -« une avance de phase » sur la stratégie de recherche à venir, dixit le président- dans l'objectif d'agir rapidement. Elles pourront aussi ouvrir de nouvelles chaires et bénéficieront d'une priorisation à l'agence nationale de la recherche. Bref : le président souhaite insister sur l'éducation universitaire, d'ores et déjà considérée comme la principale force de l'écosystème français de l'IA.
Aux échelons inférieurs, le président appelle à former aux enjeux de l'IA dès la 6ème, conformément au rapport de la commission sur l'intelligence artificielle. « L'école doit être le lieu de l'autonomisation. Nous ne pourront pas tout contrôler autour de l'IA donc la bataille se fait au niveau de l'éducation », détaille-t-il. Son plan prévoit également des missions de vulgarisation similaire dans les entreprises et au sein de l'administration. « Au moins quatre fonctions essentielles devront être équipées de l'IA générative : l'hôpital, la magistrature, l'éducation nationale et la défense », précise le communiqué de presse de l'Élysée.
Un grand sommet sur l'IA en 2025
Pour compléter cette stratégie de formation, le président entend doter le Conseil du Numérique d'une mission d'acculturation des citoyens à l'IA, dotée de 10 millions d'euros. Elle sera notamment chargée de mettre en place des « cafés IA », une série de débats locaux où sera invitée la société civile. « L'impact sur l'emploi, à ne pas craindre, doit faire partie du dialogue social. Nous ne devons pas reproduire les erreurs que nous avons faites sur la robotisation industrielle », prévient Macron.
Bien décidé à faire valoir une vision française et européenne de l'IA à l'échelle internationale, le chef d'État en a profité pour annoncer officiellement l'organisation de l'AI Action Summit les 10 et 11 février 2025. La France accueillera ainsi les principaux dirigeants et acteurs de l'écosystème. « La seule bonne gouvernance pour moi est mondiale », conclut-il.
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