Dans la zone euro, la croissance continue sa fragile progression

ANALYSE. Alors que les analystes s'attendaient à un ralentissement en zone euro, le PIB affiche au deuxième trimestre une progression de 0,3%. Néanmoins, des politiques budgétaires restrictives pourraient venir casser cette dynamique.
La croissance économique de la zone euro a été plus élevée que prévu au deuxième trimestre avec un PIB en hausse de 0,3% par rapport aux trois mois précédents.
La croissance économique de la zone euro a été plus élevée que prévu au deuxième trimestre avec un PIB en hausse de 0,3% par rapport aux trois mois précédents. (Crédits : Leonhard Foeger)

Bonne nouvelle pour l'Europe. La croissance économique de la zone euro a été plus élevée que prévu au deuxième trimestre avec un PIB en hausse de 0,3% par rapport aux trois mois précédents, confirmant son rebond depuis janvier, a annoncé ce mardi Eurostat. D'autant que les analystes interrogés par Bloomberg et Factset s'attendaient en moyenne à un léger ralentissement de la croissance à 0,2% entre avril et juin.

Au premier trimestre, la zone euro avait déjà affiché une progression du PIB de 0,3%, s'extirpant de la stagnation enregistrée au deuxième semestre de l'an dernier (0%). Pour l'ensemble de l'Union européenne, la croissance a également conservé au deuxième trimestre son rythme de 0,3% atteint en début d'année.

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L'Allemagne à la peine

Parmi les acteurs fragiles de la zone euro, l'Allemagne est en première ligne. Le pays a enregistré au deuxième trimestre une baisse de 0,1% de son produit intérieur brut (PIB), signe du marasme persistant que connaît la première économie européenne, a indiqué ce mardi l'office national des statistiques. Au cours du premier trimestre de cette année l'activité économique avait progressé de 0,2% par rapport au trimestre précédent.

La plus grande économie de la zone euro a connu des difficultés pendant la majeure partie de l'année 2023, son secteur industriel étant embourbé dans une profonde récession due à des ventes à l'exportation anémiques. La demande s'est toutefois redressée ces derniers mois, suggérant que l'économie allemande pourrait connaître un début de reprise.

« Le modèle allemand subit les conséquences de la guerre en Ukraine et de l'augmentation des prix de l'énergie », commente pour La Tribune Christopher Dembik, économiste chez Pictet AM. « Le ralentissement en Chine est aussi un gros bémol pour l'économie allemande », complète-t-il.

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Les pays d'Europe du Sud voient leurs PIB augmenter

De son côté, la croissance espagnole est restée élevée. Le PIB espagnol a ainsi progressé de 0,8% au deuxième trimestre, grâce au dynamisme des exportations et à une consommation des ménages solide, selon une estimation provisoire publiée ce mardi par l'Institut national des statistiques (INE). Cet objectif, qui place l'Espagne dans le peloton de tête des économies les plus dynamiques de la zone euro, est proche des attentes du FMI, qui parie sur une hausse du PIB de 2,4%, et de la Banque d'Espagne, qui table sur 2,3%.

Par ailleurs, au Portugal le PIB a progressé de 0,1% au deuxième trimestre par rapport au trimestre précédent, après une hausse de 0,8% enregistrée au cours des trois premiers mois de l'année. Pour rappel, en 2023, le Portugal avait connu une croissance économique de 2,3%, parmi les plus fortes de l'Union européenne, portée notamment par les exportations. Pour cette année, la croissance devrait s'établir à 1,5%, puis à 1,9% l'année prochaine, selon les dernières prévisions publiées à la mi-avril dans le programme de stabilité pour la période 2024-2028 remis à Bruxelles. De son côté, la Banque du Portugal table sur une croissance de 2% cette année puis 2,3% en 2025.

« On constate une inversion en termes de dynamique de croissance par rapport à ce qui prévalait dans la zone euro avec des pays d'Europe du Sud, l'Espagne et le Portugal, qui tirent leur épingle du jeu », commente l'économiste.

Des déficits élevés

Quant à la France, le PIB a atteint 0,3%, une hausse plus forte que celle anticipée par l'INSEE. L'activité économique a été soutenue par le commerce extérieur et un rebond des investissements des entreprises. Cette première estimation de la croissance est également supérieure à la prévision de l'Insee d'une hausse de 0,1% par rapport au premier trimestre. La Banque de France s'était montrée plus optimiste, avec une anticipation de 0,3% conforme au niveau de croissance effectif.

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L'Italie a également vu son produit intérieur brut (PIB) augmenter de 0,2% au deuxième trimestre par rapport au précédent, grâce à la bonne tenue du secteur des services, a annoncé ce mardi l'Institut national des statistiques (Istat). L'acquis de croissance pour l'année en cours s'est établi à 0,7%. Le gouvernement de Giorgia Meloni avait abaissé en avril ses prévisions de croissance pour l'ensemble de l'année, tablant sur une hausse du PIB de 1%, suivie de 1,2% en 2025.

Mais ces bonnes nouvelles sur le front de la croissance ne sauraient faire oublier leur important déficit. « La croissance de l'Italie a été financée par un déficit budgétaire extrêmement important », analyse ainsi Christopher Dembik. Le pays a ainsi enregistré en 2023 un déficit public de 7,4% du PIB. En France, ce chiffre atteint 5,5%.

Si bien que la Commission européenne a ouvert formellement vendredi dernier des procédures pour déficits publics excessifs contre sept pays de l'UE, dont la France et l'Italie. Les autres pays concernés sont la Belgique, la Hongrie, la Pologne, la Slovaquie, Malte et la Roumanie. Tous ont dépassé l'an dernier la limite de déficits publics fixée à 3% du produit intérieur brut (PIB) par le Pacte de stabilité.

Une croissance plus faible à venir

Globalement, la performance européenne reste très inférieure à celle des Etats-Unis et de la Chine, les deux géants ayant affiché une croissance de 0,7% au deuxième trimestre, plus de deux fois supérieure à celle de l'UE.

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Sur le Vieux continent, la Banque centrale européenne anticipe une croissance de 0,6% en 2024, contre 0,8% prévu en décembre. Le Fonds monétaire international (FMI) a, lui, pronostiqué le 16 juillet une croissance du PIB de 0,9% dans la zone euro, contre 2,6% aux Etats-Unis et 5% en Chine.

Mais avec les déficits excessifs, « il faut s'attendre à ce que la croissance se réduise davantage sur la deuxième partie de l'année et surtout en 2025 avec les politiques budgétaires restrictives qui vont se mettre en place », pointe Christopher Dembik.

À cela s'ajoute la dépendance de la croissance de la zone euro, principalement tirée par le commerce extérieur et non par la consommation et l'investissement. « La croissance est dépendante d'éventuels vents contraires qui peuvent avoir lieu à l'international », précise l'économiste, comme par exemple les élections américaines.

Un casse-tête pour la BCE ?

Les divergences très marquées entre les Etats membres pourraient par ailleurs constituer un casse-tête pour la Banque centrale européenne (BCE) qui doit définir une politique monétaire adaptée à l'ensemble des 20 pays partageant la monnaie unique. Se pose ainsi la question de la prochaine baisse des taux, car les gardiens de l'euro ne donnent à ce stade aucune indication sur les décisions ultérieures de politique monétaire, qui « s'appuieront sur les données » d'inflation et de croissance notamment.

Lors de sa réunion de juillet, la BCE a décidé de ne pas procéder à une nouvelle baisse de ses taux. Un statu quo, alors que l'institution monétaire les a diminués d'un quart de point début juin, une première en cinq ans. Le conseil des gouverneurs, présidé par Christine Lagarde, « conservera les taux directeurs à un niveau suffisamment restrictif, aussi longtemps que nécessaire », pour atteindre l'objectif de 2% à moyen terme, avait même précisé un communiqué, à l'issue de la réunion de l'institution.

Néanmoins, des analystes penchent sur une prochaine baisse en septembre, à l'instar de Christopher Dembik qui assure : « La baisse par la BCE est objectivement quasiment actée en septembre, et le différentiel de croissance est moins un sujet pour la politique monétaire que s'il y avait un gros différentiel d'inflation, l'objectif principal de l'institution monétaire ». Si la date reste encore à confirmer, la BCE procédera donc sûrement à une deuxième baisse des taux cette année.

(Avec AFP)

Commentaires 2
à écrit le 31/07/2024 à 10:17
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C'est un peu facile de faire de la "croissance" quand on exporte vers nos filiales off-shore pour faire du "chiffre". La réalité est que notre modèle économique reposait sur une énergie fiable et bon marché, et qu'elle est plombée depuis que le march...

à écrit le 30/07/2024 à 18:05
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La croissance est un rapport entre la production/ exportations et la consommation/ importation.. l'Union européenne dois maintenir les investissements et trouver des marchés pour pouvoir exporté... Nous devons trouvé une voie entre les USA et la Ch...

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