Le Rassemblement national entretient le flou sur son programme et cherche à rassurer. Dans un entretien accordé lundi au Parisien, Jordan Bardella en a esquissé les principales mesures en cas d'accession au pouvoir, notamment l'abrogation de la réforme des retraites « à partir de l'automne ». « Nous verrons », éludait encore la semaine dernière le président du RN, jugeant le sujet « important » mais pas « prioritaire », le reléguant à « un second temps » d'un éventuel exercice gouvernemental.
Le zigzag illustre les contorsions du parti à la flamme, désormais allié avec le président de LR Eric Ciotti et qui a opéré un rapprochement avec l'ex-zemmouriste Marion Maréchal, deux figures qui s'étaient prononcées en faveur de la réforme menée par le gouvernement Borne et dont les accents libéraux tranchent avec la ligne économique du Rassemblement national.
Lundi soir, Eric Ciotti a estimé au 20H de France 2 « qu'il (n'était) pas dit que la réforme des retraites sera abrogée », renvoyant aux « marges de manœuvre qui seront données » par un audit des finances publiques. « C'est le RN qui conduit cette coalition », lui a sèchement répondu Jordan Bardella. Son parti défend la réforme proposée par Marine Le Pen, « à savoir que les personnes qui ont commencé à travailler tôt, avant 20 ans, sous réserve d'un certain nombre de trimestres évidemment, pourront partir avant 60 ans » a précisé le député RN sortant Jean-Philippe Tanguy lundi sur BFMTV.
Une baisse de la TVA de 20 à 5,5% sur les énergies et le carburant
Après une semaine noire à la Bourse de Paris, Jordan Bardella affirme désormais qu'il est « extrêmement réaliste sur l'état financier du pays » disant vouloir « exposer (son) sérieux budgétaire ». À propos de la baisse de la TVA sur les énergies et le carburant, qu'il souhaite faire passer de 20 à 5,5%, il entend la mettre en œuvre dès cet été, via un projet de loi de finances rectificatif lors d'une session parlementaire extraordinaire.
Cette dernière ne pourrait toutefois se tenir qu'après un décret signé par le président de la République. Il renvoie en revanche la suppression de la TVA sur les produits de première nécessité à « un second temps ». Côté recettes, Jordan Bardella propose de supprimer des « niches fiscales », notamment celles sur les armateurs, et abaisser de 2 milliards d'euros la contribution de la France au budget de l'Union européenne.
Il entend également ressusciter les peines planchers en matière de stupéfiants et atteintes aux personnes dépositaires de l'autorité publique, et réitère sa proposition de suspendre les allocations familiales aux parents de mineurs délinquants récidivistes. La suppression du droit du sol et le remplacement de l'aide médicale d'Etat par un fonds d'urgence qui « ne couvrira que les urgences vitales » sont aussi au programme.
Le patron du RN a par ailleurs précisé qu'en cas d'accession au pouvoir, il ne « modifierait pas » le « dispositif » de Paris 2024, en disant accorder « une totale confiance aux services de l'État ».
Le parti à la flamme doit publier depuis des semaines son « livret économique », un vade-mecum censé compiler et mettre à jour ses propositions en la matière. Interrogée la semaine dernière sur TF1 sur son intention de le rendre public, Marine Le Pen a répondu « on pourrait le faire... », un conditionnel en forme de réponse négative, en disant vouloir « concentrer (ses) efforts sur des propositions très claires ».
Prévenir un risque de déception
Mais, a-t-elle tempéré, en cas de victoire aux législatives anticipées le 7 juillet, « nous serions en cohabitation, c'est-à-dire dans un cadre contraint par la Constitution » et « contraint aussi par la situation budgétaire désastreuse laissée par Emmanuel Macron ».
Jordan Bardella semble par ailleurs poser une condition pour enfiler le costume de Premier ministre si son parti devait l'emporter lors des législatives (30 juin - 7 juillet). « Je dis aux Français : pour nous essayer, il nous faut la majorité absolue », a-t-il insisté dans son entretien accordé lundi au Parisien. « Personne » ne peut croire « qu'on pourra changer le quotidien des Français avec une majorité relative ».
Toutes ces précautions visent un double objectif. D'abord, prévenir un risque de déception, alors que le parti s'est longtemps présenté comme protestataire, promettant de renverser les tables comme d'autres prônent le grand soir. Ensuite, il s'agit, paradoxalement pour les mêmes raisons, de « rassurer » l'électorat, les propositions du RN étant jugées « pas crédibles » par 68% des Français, selon un sondage OpinionWay paru samedi.
(Avec AFP)