Suède : le Parlement approuve un accord de défense avec les Etats-Unis qui relance le débat sur les armes nucléaires

Le Parlement suédois a approuvé mardi à une large majorité un accord de défense avec les Etats-Unis, qui selon ses opposants ouvre la voie à un déploiement d'armes nucléaires et à l'installation de bases américaines permanentes en Suède.
Le gouvernement de centre droit du Premier ministre Ulf Kristersson assure de son côté que l'accord respecte la souveraineté suédoise.
Le gouvernement de centre droit du Premier ministre Ulf Kristersson assure de son côté que l'accord respecte la souveraineté suédoise. (Crédits : Attila Husejnow / SOPA Images via Reuters Connect)

C'est une évolution majeure de la politique de défense de la Suède, qui a renoncé en mars à deux siècles de non-alignement militaire en rejoignant l'Otan. Mardi, une large majorité des parlementaires suédois ont approuvé un accord de défense avec les Etats-Unis, qui permet aux forces américaines d'accéder à 17 bases de défense suédoises et de stocker des équipements militaires, des armes et munitions dans le pays.

Signé par Stockholm et Washington en décembre, l'accord a été approuvé par 266 des 349 députés, 37 votant contre et 46 étant absents.

Crainte sur les armes nucléaires

Mais selon ses opposants, qui plaidaient pour que l'accord interdise la présence d'armes nucléaires en Suède, le texte ouvre justement à un déploiement de ces dernières et à l'installation de bases américaines permanentes dans le pays.

C'est le point de vue partagé notamment par les Verts dont l'une des députés, Emma Beginger, a regretté que « le gouvernement ait malheureusement choisi de signer un accord qui ne ferme pas la porte aux armes nucléaires, et le parti des Verts va voter non à cet accord ».

Dans une tribune au quotidien Aftonbladet dimanche, deux députés du Parti de gauche ont, eux, jugé l'accord « non seulement naïf, mais carrément insensé » et assuré qu'il rendait la Suède moins sûre, car « la politique de défense et de sécurité américaine s'appuie sur les armes nucléaires ».

Lire aussiArmement : des coopérations encore en gestation entre la Suède et la France

Pour être adopté, l'accord devait être approuvé par au moins trois quarts des parlementaires votant et par plus de la moitié de ses 349 élus. Or, avec 42 sièges, Les Verts et le Parti de gauche - qui avaient d'ailleurs voté contre l'adhésion à l'Otan - ne pouvaient bloquer seuls le texte.

« Aucune réserve », contrairement à ses voisins

Egalement opposée au texte et l'une des principales voix critiques contre ce dernier, la Société suédoise de paix et d'arbitrage a, quant à elle, souligné que deux gouvernements suédois successifs avaient insisté, au cours du processus d'adhésion à l'Otan, pour que la Suède adopte la même position que ses voisins, le Danemark et la Norvège, sur les armes nucléaires.

« Mais contrairement aux accords DCA de la Norvège et du Danemark, l'accord suédois ne contient aucune réserve contre l'introduction ou le stationnement d'armes nucléaires en Suède », a écrit Kerstin Bergea, présidente de l'association, dans une tribune.

La Finlande, qui a adhéré à l'Otan en avril 2023, « a une loi qui interdit les armes nucléaires sur le territoire finlandais et l'accord DCA de la Finlande mentionne cette loi », a-t-elle, en effet, expliqué. Et d'ajouter qu'une telle mention par la Suède « renforcerait la région nordique et contribuerait à une désescalade commune face aux armes nucléaires russes ».

Lire aussiRussie, Chine... : mais pourquoi donc l'Europe ne s'est pas réarmée beaucoup plus vite

Positionnement « en temps de guerre »

Mais, de son côté, le Premier ministre suédois s'est montré favorable, en mai dernier, à l'ouverture d'un débat concernant le positionnement d'armes nucléaires « en temps de guerre ». « En temps de guerre, c'est une question complètement différente, cela dépendrait complètement de ce qui se passerait », a-t-il affirmé à la radio publique SR. De quoi susciter la colère des opposants à cette idée, à commencer par le Parti de gauche dont les deux députés ont estimé qu'il s'agissait d'« une déclaration incroyable, totalement à l'opposé de ce que pensent les Suédois et de ce que la Suède défend depuis longtemps ».

Lire aussiUkraine : la Suède débloque une nouvelle aide pour maintenir l'« approvisionnement énergétique » du pays

La souveraineté respectée selon le gouvernement

Kerstin Bergea estime, elle, qu'il n'est pas certain que la Suède pourra refuser l'accès ou les activités des Etats-Unis sur son territoire, si celles-ci devaient violer la loi ou les intérêts suédois. « Un accord fondé uniquement sur la confiance n'est pas suffisant pour des questions aussi importantes que celles-ci », a-t-elle déclaré.

Le gouvernement de centre droit du Premier ministre Ulf Kristersson, soutenu par les Démocrates de Suède (SD, extrême droite), assure pourtant que l'accord respecte la souveraineté suédoise. « Il est très clair que la Suède est une nation souveraine et aucun pays ne pourra forcer la Suède à avoir des armes nucléaires sur son sol », a ainsi répondu le ministre de la Défense Pal Jonson pendant le débat. « Grâce au DCA, la Suède peut bénéficier d'un soutien militaire précoce, rapide et efficace de la part des Etats-Unis en cas de détérioration de la situation en matière de sécurité », a-t-il ajouté.

Hausse de 4,5 milliards d'euros du budget de la défense d'ici 2030

En parallèle, la Suède a vu son budget de la défense grimper. Fin avril, les partis du parlement suédois se sont, en effet, mis d'accord sur une augmentation de ce dernier d'ici 2030, souhaitant ajouter 52,8 milliards de couronnes (4,5 milliards d'euros) à l'enveloppe actuelle. « L'unité qui existe (sur cette question) est une force en période de grandes divisions (...) Il y a des domaines politiques qui en sont exempts », avait alors salué Hans Wallmark, à la tête d'une commission parlementaire sur les questions de défense (Försvarsberedningen).

« La dégradation de la situation sécuritaire, combinée avec les obligations de la Suède en tant qu'alliée (au sein de l'Otan, ndlr) nécessite une ambition accrue en matière de défense militaire », avait également réagi le gouvernement. Le budget de la défense du pays scandinave pour 2024 est évalué à 119 milliards de couronnes. Les forces armées employaient 25.600 personnes fin 2023, dont 10.000 civils. Avec l'augmentation proposée par la commission, ce budget atteindrait 185 milliards, soit 2,6% du PIB, au-dessus de l'objectif de 2% fixé par l'Otan, selon Hans Wallmark.

Lire aussiOTAN : la France devrait consacrer 2% de son PIB en dépenses de défense en 2024

La Suède convoque l'ambassadeur de Russie

La Suède a convoqué mardi l'ambassadeur de Russie à Stockholm après qu'un avion de combat russe de type SU-24 a violé son espace aérien vendredi à proximité de la stratégique île de Gotland, en mer Baltique, a annoncé le ministère suédois des Affaires étrangères. Il ne s'est éloigné qu'après que le pays a fait décoller deux avions de combat, a indiqué samedi l'armée suédoise.

En conséquence, le ministère a convoqué l'ambassadeur russe « pour lui faire part de sa position concernant » cet événement.

Commentaires 4
à écrit le 19/06/2024 à 10:49
Signaler
Plus les peuples se réveillent et plus on leur brandi la menace nucléaire. alors certes sous des formes différentes mais si on prend du recul ce n'est que cela.

le 19/06/2024 à 11:13
Signaler
Comment répondre autrement à la stratégie Russie ou Chinoise , leur logiciel n est pas le nôtre .. et on est obligé de s y adapter si on veut pas être «  annexé «  militairement et / ou économiquement… face à ces états dangereux on doit s adapter à ...

le 19/06/2024 à 11:13
Signaler
Comment répondre autrement à la stratégie Russie ou Chinoise , leur logiciel n est pas le nôtre .. et on est obligé de s y adapter si on veut pas être «  annexé «  militairement et / ou économiquement… face à ces états dangereux on doit s adapter à ...

le 19/06/2024 à 11:19
Signaler
C'est pas ça que je dis, relis.

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.