Alors que les relations entre la Hongrie et l'UE patinent, celles avec la Chine sont au beau fixe. A tel point que le gouvernement hongrois, en difficulté financière, s'est tourné vers Pékin pour emprunter de l'argent. Les banques chinoises ont ainsi versé un milliard d'euros au printemps au pays d'Europe centrale, d'après le site d'information hongrois Portfolio. Une information ensuite confirmée jeudi par l'Agence nationale de la dette du pays (AKK).
Dans le détail, l'accord a été conclu en avril entre la banque d'Etat China Development Bank, la Banque d'import-export de Chine et la branche hongroise de Bank of China Limited. Objectif ? « Financer les dépenses dans les domaines de la haute technologie et de la construction d'infrastructures, des transports et de l'énergie » précise le site d'information hongrois Portfolio.
Le prêt a été contracté sur une période de trois ans avec un taux d'intérêt variable et doit ainsi être remboursé avant le 19 avril 2027. Mais les conditions du prêt restent encore inconnues et son « objectif exact » est flou, pointe le média hongrois, qui souligne par ailleurs qu'aucune annonce du gouvernement concernant le prêt n'aurait été faite auparavant.
Des investissements qui se multiplient
Les deux pays se sont rapprochés au fil des années avec l'arrivée au pouvoir en 2010 du Premier ministre nationaliste Viktor Orban et les investissements chinois en Hongrie se sont multipliés depuis 2022. Pékin est même devenu le premier investisseur du pays en 2023.
En tout, plus de 15 milliards d'euros d'investissements chinois sont prévus sur plusieurs années, d'après le ministre des Affaires étrangères, Peter Szijjarto. Des investissements qui ont principalement été alloués au secteur des voitures électriques et des batteries en Hongrie. Néanmoins, l'opposition dénonce souvent l'opacité de ces prêts. Beaucoup de ces projets auraient ainsi permis aux proches du président de s'enrichir.
Un des plus grands prêts, d'une valeur de 900 millions de dollars, a été accordé dans le cadre du programme des « Nouvelles routes de la soie », appelé officiellement « La ceinture et la route ». Initié en 2013 et surnommé le « projet du siècle » par Xi Jinping, Les Nouvelles routes de la soie visent à relier la Chine et l'Europe, par un large réseau routier et ferroviaire. Et la Hongrie a été l'un des tout premier pays en Europe à signer un accord de coopération avec la Chine en 2015 dans le cadre de ce vaste plan. Une ligne ferroviaire à grande vitesse doit ainsi voir le jour entre Budapest et Belgrade, même si le projet a pris du retard.
Une économie à la peine
Des investissements qui sont une aubaine pour le pays en difficulté sur le plan économique. Budapest avait, en effet, dû reporter cette année des investissements sur fond de croissance morose, le pays n'ayant pas échappé à la récession en 2023. La Hongrie a notamment été touchée de plein fouet par la hausse des prix : en 2023, le taux d'inflation a même été parmi les plus élevés de l'UE, avec une moyenne de 17,5% d'après une note de BNP Paribas, même s'il a commencé à refluer depuis septembre dernier.
Côté finances publiques, le déficit s'élève à 4,5% du PIB, soit au-delà de la limite fixée à 3% du produit intérieur brut (PIB) par le Pacte de stabilité. La Hongrie fait ainsi partie des six pays concernés, dont la France, par les procédures pour déficits publics excessifs menées par la Commission européenne en juin. Qui plus est, Budapest cherche davantage de financement à l'extérieur de l'UE, car Bruxelles a récemment gelé des milliards d'euros - plus de 20 milliards - en raison des manquements à l'état de droit au sein du pays.
Des liens diplomatiques conflictuels avec l'UE
Les liens entre l'UE et la Hongrie sont, en effet, houleux depuis plusieurs mois, le rapprochement du Premier ministre avec la Chine n'étant également pas vu d'un très bon œil par Bruxelles. Xi Jinping a été reçu en mai en grande pompe à Budapest, où il a vanté des relations bilatérales « à leur apogée ». Viktor Orban, qui occupe actuellement la présidence tournante de l'UE, s'est même rendu le 8 juillet à Pékin dans le cadre d'une « mission de paix » visant à mettre fin à la guerre en Ukraine. Un déplacement non mandaté par l'UE, qui a provoqué un tollé à Bruxelles et dans la plupart des pays européens.
Le président hongrois entretient par ailleurs des relations ambiguës avec Vladimir Poutine. Il s'est déplacé en Russie début juillet, suscitant également l'ire de ses voisins européens. Le Premier ministre hongrois critique régulièrement les sanctions contre la Russie et l'aide militaire à Kiev et a constamment cherché à freiner les efforts de l'UE dans ces domaines. Pour rappel, fin 2023, le président hongrois a bloqué une aide européenne à l'Ukraine de plus de 50 milliards d'euros. Il s'est aussi rendu à Kiev au début du mois, pour rencontrer le président Zelensky, jugeant que le pays devait accepter un cessez-le-feu.
Au terme de son périple à Kiev, Moscou et Pekin, le Premier ministre nationaliste a rencontré mi-juillet, à l'issue du sommet de l'Otan à Washington, l'ancien président américain Donald Trump en Floride.
(Avec AFP)
