Biden fait de la résistance

Alors que la fronde au sein de son parti prend de l’ampleur et s’organise, le chef de l’État américain refuse d’abandonner la course à la présidence.
Le président Biden et sa vice-présidente, Kamala Harris, le 29 mai à Philadelphie.
Le président Biden et sa vice-présidente, Kamala Harris, le 29 mai à Philadelphie. (Crédits : © LTD / Joe Lamberti/AP/SIPA)

Le voilà doublement isolé. Reclus dans sa résidence du Delaware puisque toujours positif au Covid-19, Joe Biden voit ceux qu'il considérait comme ses amis politiques il y a encore quelques semaines le lâcher un à un. Il est vrai que le flot de démocrates lui demandant de se retirer de la course à la présidentielle ne cesse de prendre de l'ampleur. Et la Maison-Blanche ne semble pas en mesure de stopper l'hémorragie.

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Pourtant, en apparence, l'équipe du président ne veut rien changer à ses plans. Têtu, Biden a même annoncé qu'il reprendrait meetings et bains de foule dans les jours qui viennent, comme si de rien n'était. Si sa directrice de campagne a concédé que les dernières semaines avaient été « difficiles », elle a enfoncé le clou. « Joe Biden est plus déterminé que jamais à battre Donald Trump », a-t-elle claironné vendredi. Comme si les gaffes et errements du président-candidat étaient déjà de l'histoire ancienne.

C'est autour de Hunter et Jill Biden, fils et épouse du leader démocrate, que la résistance des loyalistes s'organise. Les contre-révolutionnaires cherchent à étouffer la fronde en sécurisant la candidature du patriarche lors d'un vote en ligne. Ils aimeraient le sceller début août, quelques jours avant la convention démocrate. Officiellement, pour que le nom de Biden puisse être inscrit sur le bulletin de l'Ohio puisque, dans cet État, toute candidature à la présidentielle doit être certifiée quatre-vingt-dix jours avant le scrutin, soit le 7 août. Officieusement, cela permettrait à l'octogénaire de se présenter à la grand-messe du parti sans risque de contestation.

Pour s'imposer, Joe Biden peut encore compter sur le soutien de l'influent Congressional Black Caucus, qui regroupe les élus noirs du Parlement. La très médiatique élue du Bronx Alexandria Ocasio-Cortez a pour sa part tancé les séditieux, avertissant vendredi du chaos qui menacerait les démocrates en cas de retrait du candidat naturel. « L'intérêt du parti serait de dissoudre ce peloton d'exécution improvisé et de tourner nos tirs vers Trump », plaide de son côté Cornell Belcher. Ce stratège et ancien conseiller de campagne de Barack Obama met en cause « une élite décidée à miner » leur chef. Sur le terrain, veut-il croire, les Américains sont encore pleinement confiants. « Aujourd'hui, il est impossible d'imprimer un nom plus puissant que Joe Biden sur un bulletin de vote », relève Lauren Harper Pope, à la tête d'un comité d'action destiné à faire élire des démocrates.

Pour les frondeurs, il y a urgence

Pourtant, les sondages disent autre chose. Selon une récente enquête publiée par Associated Press et le centre de recherche de l'université de Chicago, près de deux tiers des démocrates souhaitent désormais que Biden se retire au profit d'un autre candidat. Une étude de l'Emerson College assure aussi que Trump devance l'actuel président dans sept États-clés. Certaines régions du pays, qui étaient jusqu'alors acquises aux démocrates, sont sur le point de devenir des « swing States ». Les argentiers du parti sont aussi très inquiets : les rentrées de chèques se font plus rares. L'équipe de campagne espérait récolter 50 millions de dollars en juillet. Ce devrait être finalement deux fois moins.

Pour les frondeurs, il y a donc urgence à agir. « Il y a beaucoup d'angoisse, de ner- vosité chez eux », confirme Kate deGruyter, la directrice des communications de Third Way, un think tank de centre gauche. D'une vingtaine en début de semaine, le camp des rebelles est passé à trente-neuf élus vendredi. « Les plus pressés sont ceux qui se présentent dans des circonscriptions menacées par les républicains », observe Henry Olsen, chercheur à l'Ethics and Public Policy Center. La survie politique de ces rebelles est en jeu : « Si Biden n'est pas remplacé, le parti se présentera en novembre sans espoir de gagner la Maison-Blanche et avec le risque de perdre le Congrès », affirme Ross Baker, politologue de l'université Rutgers.

Si retrait il y a, restera un sujet majeur à résoudre : qui pour prendre la suite ? Kamala Harris semble la mieux placée

Plusieurs organisations de la société civile soutiennent également la solution du putsch. « Il nous faut avoir une alternative claire à Trump, que des indépendants, voire des républicains puissent soutenir », plaide Daniella Ballou-Aares. La fondatrice de Leadership Now Project, une association qui regroupe des chefs d'entreprise décidés à protéger la démocratie, déclare que 80 % des membres de son organisation attendent que Joe Biden passe la main.

Ce scénario d'un retrait a pris davantage de consistance après que des poids lourds du parti ont rejoint la révolte. Le représentant californien Adam Schiff en fait partie. Sa marraine politique Nancy Pelosi, bien décidée à reprendre la Chambre des représentants aux trumpistes, a également fait part de son inquiétude à Joe Biden. Le même ressenti est partagé par Chuck Schumer, qui mène les sénateurs, et Hakeem Jeffries, chef des députés.

Biden serait furieux contre Barack Obama

En privé, Biden n'aurait pas de mots assez durs pour condamner ces félons. Il serait aussi particulièrement furieux contre Barack Obama. L'ancien président s'est pourtant bien gardé de prendre position publiquement. Mais le clan Biden considère qu'il est l'un de ceux qui tireraient les ficelles en coulisses.

Devant une telle opposition, Biden pourra-t-il résister à la pression qui risque encore de s'accentuer ces prochains jours ? Ses plus fidèles soutiens assurent que oui. Mais, selon le New York Times, Biden lui-même commencerait à se faire à l'idée d'un abandon. Le quotidien affirme que la question du lieu et du moment de cette annonce serait en discussion. Le président américain ne souhaiterait pas le faire en début de semaine, alors que Benyamin Netanyahou est encore dans le pays (lire ci-dessous).

Si retrait il y a, restera un sujet majeur à résoudre : qui pour prendre la suite ? Kamala Harris semble évidemment la mieux placée. « Si elle le remplaçait, cela redynamiserait la campagne et inciterait les donateurs à réagir », estime Ross Baker. Pour des raisons financières et légales, il semble impossible de se passer de la vice-présidente puisque cela consisterait à faire une croix sur le butin de campagne et les dizaines de millions de dollars déjà récoltés. Reste que le clan Biden ne la tient pas en haute estime. Et ne fera rien pour lui faciliter la tâche.

Commentaires 2
à écrit le 21/07/2024 à 10:03
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La 1ère photo est vraie, Trump a installé de façon visible sur l'estrade 3 afro-américains conservateurs avant de faire ses appels du pied aux électeurs afro-américains. Il s'agit du président de l'association des conservateurs afro-américains, d'un ...

à écrit le 21/07/2024 à 7:54
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Son corps va peut-être abandonner avant lui.

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