« Le pire scénario pour Trump est que Biden décide de se retirer » (Romuald Sciora, directeur de l'Observatoire politique et géostratégique des États-Unis à l'IRIS)

ENTRETIEN - Avec ce premier débat tôt dans la campagne, le candidat républicain a pris le risque de laisser au camp démocrate le temps de s’organiser.
Garance Le Caisne
Donald Trump jeudi soir, dans les studios de CNN, pendant une pause lors du débat télévisé avec Joe Biden.
Donald Trump jeudi soir, dans les studios de CNN, pendant une pause lors du débat télévisé avec Joe Biden. (Crédits : © LTD / JUSTIN SULLIVAN / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / Getty Images via AFP)

LA TRIBUNE DIMANCHE - La question du remplacement de Joe Biden agite le camp démocrate, en quoi peut-elle affecter la campagne de Donald Trump ?

ROMUALD SCIORA - Avant de parler de cela, je voudrais partager mon étonnement à propos de la date du débat de jeudi. Donald Trump l'a remporté haut la main, c'est évident, mais pourquoi a-t-il pris le risque de participer à ce débat si tôt dans la campagne ? C'est comme si, par orgueil, comme un gamin frustré et humilié par ses déboires judiciaires, il voulait mettre son adversaire au tapis sans attendre, et partir ensuite tranquillement en vacances.

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Donald Trump a intérêt à ce que Joe Biden reste candidat...

Bien sûr, il a tout intérêt. Il aurait été beaucoup plus sage pour lui d'attendre septembre, qu'il n'y ait plus de procès contre lui, plus rien qui puisse l'inquiéter. Il aurait démoli Biden à ce moment-là. Il aurait été trop tard pour les démocrates pour trouver un remplaçant à la dernière minute. Aujourd'hui, le grand danger qui guette Trump est de se trouver face à un candidat qui pourrait potentiellement le battre. Mais tout dépend des cas de figure.

Quel serait le pire scénario pour le candidat républicain ?

Celui où, convaincu par son entourage et avant la convention démocrate d'août à Chicago, Joe Biden décide de se retirer de la course mais aussi de la présidence, en avançant des problèmes de santé. La vice-présidente, Kamala Harris, se retrouverait donc première femme présidente des États-Unis. Jamais, depuis Lyndon Johnson, le vice-président de John Kennedy, un vice-président n'a été aussi marginalisé. Mais qu'on aime Kamala Harris ou non, les Américains fonctionnent à l'émotion. Il y aurait une sorte de « harrismania » pendant deux, trois mois autour de cette présidente noire. La communauté afro-américaine se réveillerait. Aucun autre candidat sérieux ne pourrait se présenter face à la présidente en titre. Etant beaucoup plus centriste que Biden, elle pourrait obtenir le vote de républicains modérés. Elle aurait une très sérieuse chance de battre Trump. Je pense personnellement qu'elle le battrait. C'est la plus grave menace à laquelle Trump fait face. Sur une échelle de 0 a 10, j'évalue ce danger à 9. D'ailleurs, les milieux trumpistes et les milieux républicains évoquent ce péril. Parce qu'il y a une possibilité que cela se passe ainsi.

Mais alors, et c'est tout le problème, comment justifier qu'il puisse encore être président aujourd'hui ?

Quels sont les autres cas de figure ?

Le deuxième danger pour Trump, c'est le scénario où Joe Biden annonce avant la convention qu'il se retire de la campagne tout en restant président. J'évalue ce danger pour Trump à 6-7 sur 10 parce que la situation sera tout de même compliquée pour les démocrates. Il risque d'y avoir une telle guerre entre eux que cela laissera des traces sur le potentiel candidat qui se retrouvera face à Trump en novembre. Le dernier cas de figure est que, d'un commun accord au sein du Parti démocrate, Biden soit poussé à ne pas se présenter à la convention, même s'il tente de refuser. On irait vers une crise institutionnelle sans commune mesure dans l'histoire états-unienne.

Pourquoi ?

Parce que les démocrates devront expliquer pourquoi ils décident d'éjecter un candidat populaire dans le parti. Ils devront le justifier pour des raisons médicales. Ce sera assez facile de trouver des médecins, et de dire : « Voyez son dossier médical, il ne peut pas être président encore deux, trois, cinq ans. » Il y aurait alors une mesure d'impeachment [mesure de destitution]. Mais alors, et c'est tout le problème, comment justifier qu'il puisse encore être président aujourd'hui ?

Est-ce la raison pour laquelle Donald Trump a repoussé la désignation de son colistier, qui devait avoir lieu ces jours-ci ?

Oui. La plupart des collaborateurs de Trump le poussent à attendre un peu. D'abord, pour évaluer la façon dont le débat télévisé allait se dérouler. Ensuite, pour voir ce qui se passe au sein du Parti démocrate après le séisme auquel on assiste depuis trois jours. Par exemple, si Biden se retire et que Kamala Harris devient présidente, Trump aura tout intérêt à avoir une femme noire comme colistière. Si Biden est remplacé par un candidat plus centriste, Trump devrait avoir un colistier plus centriste pour essayer de regagner cet électorat. Si Biden se cramponne, les choses peuvent être différentes. On peut imaginer que Trump prenne quelqu'un d'encore plus radical que lui, comme le gouverneur de Floride, Ron DeSantis, afin de flatter et de consolider sa base évangélique. La logique veut donc que Trump patiente avant d'annoncer son colistier. Il a le temps d'ici à la convention républicaine de mi-juillet. Mais connaissant Trump, et son impulsivité, on peut avoir une surprise et connaître le nom de son colistier la semaine prochaine.

Garance Le Caisne
Commentaires 2
à écrit le 30/06/2024 à 10:18
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Au lieu d'élire de vénérables vieillards, pourquoi ne pas élire un "fantôme" ? Un(e) président(e) virtuel(le) mu(e) par l'IA, qui fait son apprentissage sur le passé du pays, les actions des présidents précédents, etc. :-) En Big Data c'est peut être...

à écrit le 30/06/2024 à 8:21
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Exposant un message brouillé aux électeurs américains, non s'ils le changent maintenant cela fera au pied levé et donc improvisé, or si les américains n'hésitent pas à mettre des vieillards à la tête de leur pays c'est parce qu'ils aiment d'abord et ...

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