Présidentielle américaine : Biden sème la panique dans son camp

Depuis le débat contre Donald Trump où le candidat est apparu très affaibli physiquement, la perspective de son remplacement agite les démocrates.
Joe Biden lors du débat contre Donald Trump jeudi.
Joe Biden lors du débat contre Donald Trump jeudi. (Crédits : © LTD / Newscom/eyepress124257/EPN/Newscom/SIPA/2406280928)

Jill Biden a rarement été autant surmenée. Depuis jeudi soir, la première dame des États-Unis est au four et au moulin, ardente défenseuse d'un mari qui apparaît très affaibli. Affublée d'une robe bleu foncé sur laquelle est floqué le mot « vote», elle s'efforçait, dès le lendemain du débat avec Donald Trump, de galvaniser une foule d'électeurs venus écouter son mari discourir à Raleigh (Caroline du Nord). Et de leur faire oublier sa piètre performance de la veille, où l'octogénaire n'a pas su épargner aux téléspectateurs ses regards perdus et ses réponses bafouillées, lors d'un premier débat présidentiel raté. « Tu as fait du beau boulot, tu as répondu à toutes les questions », n'a cessé d'encenser l'épouse du président, fermement décidée à ne pas jeter l'éponge. Feint-elle de ne pas voir que le bateau prend l'eau ?

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Un vent de panique souffle sur le parti démocrate, plongé dans une crise de direction historique, et dont la faiblesse physique de Biden, impossible à dissimuler, est le fusible. En interne, on parle déjà de lui trouver un remplaçant pour éviter d'essuyer une défaite monumentale début novembre. Les murmures de couloir qui enjoignaient Biden de renoncer à un second match se sont transformés en suppliques explicites. « Un sérieux mouvement pour le retirer du ticket se dessine, confirme le sondeur d'opinion John Zogby. Sur le plan politique, l'échec de jeudi soir suffit à suggérer une fin de parcours pour Biden. » Encore faudrait-il que ces appels du pied atteignent le president, derrière la muraille protectrice que forme son équipe de campagne et au-delà de la poigne de cerbère de Jill Biden.

« Le président a un rhume »

Cette faillite est le propre fait du parti démocrate, explique l'historien Tristan Cabello, professeur à l'université Johns Hopkins: « C'est sa responsabilité qui est engagée. » L'actuel chef de l'État n'a jamais pris la peine de cultiver une pépinière de jeunes premiers et n'a sorti sa vice-présidente du placard qu'à l'orée de la campagne de cette année. Élu en 2020 sur la promesse d'être un pont pour sortir du chaos trumpien, l'homme se représente toujours en seul rempart capable de résister à un populiste avide d'autoritarisme. Biden a atomisé toute concurrence possible en s'asseyant sur les primaires cet hiver, et le reste du clan a suivi. « Il y a chez eux une tradition de déférence : ils s'en tiennent toujours à leur candidat, pour le meilleur et pour le pire », décrypte Michael Baharaeen, analyste politique pour le site d'information politique The Liberal Patriot.

En position de l'autruche, les conseillers de Joe Biden ont continué de le coacher comme si de rien n'était. Il s'agissait de ménager le candidat, de lui éviter de confronter la presse, d'aménager son emploi du temps... Et de trouver, toujours, une excuse conjoncturelle face aux vidéos soulignant sa démarche fébrile et ses balbutiements répétés. « Le président a un rhume », allèrent jusqu'à dire ses communicants jeudi soir, à l'issue de sa piteuse apparition télévisée face à un Donald Trump calomniateur et remonté comme un coucou.

Barack Obama est lui aussi monté au créneau pour défendre son ancien binôme, minimisant sa désastreuse performance en prenant pour exemple son propre échec oratoire en 2012 face au républicain Mitt Romney. Les présidents sortants sont généralement moins convaincants lors de leur première entrée dans le ring. Mais la chute de Joe Biden, jeudi soir, n'avait pas d'équivalent. « C'est dur de voir un homme se détériorer en face de vous pendant une heure et demie », soupire John Zogby à propos de la séquence.

Casting ouvert

La presse, unanime, est tombée sur le candidat. Dans un éditorial assassin publié vendredi soir, le New York Times, soutien historique des bleus, appelle le président à se retirer de la course. « C'est le plus grand service qu'il puisse rendre à son pays » pour espérer « sauver la démocratie », plaide la « Dame grise », comme les journalistes surnomment le célèbre quotidien. Côté politique, les alliés de Biden n'empruntent pas d'autres chemins. « Il avait une tâche à accomplir, c'était de rassurer l'Amérique en montrant qu'il était encore capable de faire ce job malgré son âge, et il a échoué », a tancé l'ancienne sénatrice démocrate Claire McCaskill sur Fox News. Décidé à écoper le fond de la barque, l'avocat et militant des droits civiques Van Jones regarde à l'horizon : « Il reste du temps à ce parti pour prendre une autre voie s'il nous l'autorise », a-t-il lancé sur le plateau de CNN.

Qui pourrait monter au front et se faire chevalier blanc ? Il y a bien Kamala Harris, actuelle numéro deux du pays, embarquée dans la même galère que Joe Biden depuis qu'il a décidé de se représenter. Le magazine économique Fortune rappelle que l'attelage Biden-Harris disposait de près de 212 millions de dollars de dons fin mai, et qu'il faudrait que cette dernière reste sur le ticket pour que les démocrates puissent injecter l'argent dans une - potentielle nouvelle campagne. Mais la filiation ne va pas de soi et d'autres noms circulent. Celui de Gretchen Whitmer, gouverneure du Michigan, est sur toutes les lèvres. L'étoile montante du parti démocrate se verrait bien candidate en 2028 ; peut-être lui faudra-t-il monter en selle plus tôt. Josh Shapiro, qui dirige la Pennsylvanie, un autre État clé, fait aussi office de favori. Leur confrère Gavin Newsom, en Californie, était également dépeint en héritier de Biden à l'automne, avant que celui-ci ne décide de couper court aux envies de primaire. Parmi les options plus inattendues, mais largement relayées, figure Hillary Clinton, candidate défaite par Donald Trump en 2020.

Il avait une tâche : rassurer l'Amérique en montrant qu'il était encore capable de faire ce job malgré son âge, et il a échoué

Claire McCaskill ancienne sénatrice démocrate

« Il faudrait quelqu'un de vierge, qui ne soit pas associé à l'administration Biden », pousse Tristan Cabello. Andy Beshear, à la tête du Kentucky, est un peu plus conservateur et surtout moins connu, ce qui pourrait jouer en sa faveur. À l'opposé, une personnalité plus à gauche, en rupture avec la position actuelle de la Maison-Blanche sur le conflit israélo-palestinien, serait une main tendue aux jeunes, cette vaste manne électorale que Joe Biden est en train de perdre en raison de son soutien incontesté à l'Israel de Netanyahou. « Les électeurs détestent tellement l'idée de devoir choisir à nouveau entre Trump et Biden qu'une autre proposition pourrait en séduire beaucoup », fait valoir l'analyste Michael Baharaeen.

Si le casting venait à être remanié, il faudrait s'en charger le plus tôt possible car la convention nationale des démocrates avalisera son champion à la fin du mois d'août. Le chef du parti de l'Âne est têtu, et assure qu'il ne déviera pas de la course. « Nous n'avons eu aucune discussion à ce sujet », affirme un porte-parole de sa campagne. La mule est-elle le nouvel emblème du parti ?

Les scénarios pour le remplacer

Même si Joe Biden a exclu de se retirer, la question d'un changement de candidat est relancée dans le camp démocrate. Il existe plusieurs scénarios, avant ou après le scrutin de novembre, et l'investiture de janvier 2025, plus ou moins faciles à mettre en œuvre selon la période.

Avant la convention d'août

Le moyen le plus simple de remplacer Joe Biden, s'il accepte de se retirer, est de le faire lors de la convention démocrate, du 19 au 22 août à Chicago. Les voix des délégués récoltées par Biden lors de la primaire seraient remises en jeu. Les 3 900 délégués choisiraient un autre candidat dans ce qu'on appellerait alors une « convention ouverte ». Plusieurs candidats pourraient alors concourir dans une sorte de mini-campagne, avec de nombreux tours de scrutin et des manœuvres politiques.

Avant l'élection de novembre

Si Biden abandonne la course après la convention, mais avant l'élection de novembre, le comité national du parti, réuni en session extraordinaire, nommerait un remplaçant.

Avant le vote des grands électeurs de décembre
La période la plus trouble pour remplacer Joe Biden se situe entre l'élection en novembre des grands électeurs (le scrutin est en effet indirect aux États-Unis) et le vote de ces grands électeurs en décembre pour élire le Président. Aucune procédure n'est prévue pour remplacer le candidat.

Avant ou après l'investiture de janvier 2025
Si Biden est élu en novembre, mais frappé d'incapacité avant son investiture en janvier ou après, la Constitution stipule que le vice-président devient président.

Commentaires 5
à écrit le 30/06/2024 à 17:35
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à écrit le 30/06/2024 à 9:06
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Les démocrates auraient du sortir Biden du jeu politique depuis plusieurs trimestres. Cette mollesse leurs coute très cher. D'un autre coté, Trump affiche aussi quelques absences, mais reste toujours dans un état physiologique présentable mais bord...

le 30/06/2024 à 9:33
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Je préfèrerais Sanders président français, gauche américaine qui a le programme le plus ambitieux des gauches du monde quand même, que Macron qui a tout dévasté. Les vieux rassurent les américains et au final notre jeunesse en plastique européiste es...

à écrit le 30/06/2024 à 8:24
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Nos médias, trop occupés à spéculer sur les maladies dont souffrirait Poutine :):):), découvrent avec un certain retard (!) que l'état de santé de Biden, président d'un pays belliciste et surarmé, pose vraiment un problème pour le monde entier. Mieux...

à écrit le 30/06/2024 à 8:19
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Le chemin de Trump vers la présidentielle s’éclaircit chaque jour un peu plus.

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