Nouvelle-Calédonie  : regain de tension après l'incarcération de militants indépendantistes en métropole

Une nouvelle flambée de violences a eu lieu en Nouvelle-Calédonie, dans la nuit de dimanche à lundi, après l'incarcération en métropole de militants indépendantistes.
La Nouvelle-Calédonie a été une nouvelle fois en proie à une flambée de violences (photo d'illustration).
La Nouvelle-Calédonie a été une nouvelle fois en proie à une flambée de violences (photo d'illustration). (Crédits : Reuters)

[Article publié le lundi 24 juin à 8h, mis à jour à 12h] La Nouvelle-Calédonie retombe dans la violence. La nuit de dimanche à lundi « a été agitée et marquée par des troubles sur l'ensemble de la grande terre (l'île principale, ndlr), sur l'île des Pins et Maré, nécessitant l'intervention de nombreux renforts : prises à partie des forces de l'ordre, incendies volontaires et barrages », a indiqué, ce lundi dans un communiqué, le Haut-commissariat représentant de l'Etat français en Nouvelle-Calédonie.

Une enquête a notamment été ouverte à la suite du décès d'un homme de 23 ans en état de « détresse respiratoire » après s'être rendu sur des barrages à Nouméa, a annoncé, lundi, le procureur de la République. « Dans la soirée (de dimanche), vers 20h30, les parents du jeune homme ont appelé les secours en raison de l'état de détresse respiratoire de leur fils, à son retour au domicile familial, après s'être rendu sur des barrages à Kaméré », a indiqué le procureur Yves Dupas dans un communiqué. « Compte tenu des entraves à la circulation sur la voie publique, l'équipe du SAMU n'a pu intervenir », poursuit le procureur.

Un automobiliste qui avait pris à contresens la voie express menant vers le nord de l'île a aussi été tué, ce lundi, dans un choc frontal au niveau de la commune de Païta, ont annoncé à l'AFP les pompiers de Dumbéa, une ville du Grand Nouméa. L'automobiliste « avait dû faire demi-tour sur la voie express en raison d'un barrage édifié par des militants indépendantistes », ont précisé les pompiers. Depuis le 13 mai et le début des émeutes et violences consécutives au projet de réforme constitutionnelle visant le dégel du corps électoral, neuf personnes ont été tuées dans les violences, dont deux gendarmes, selon le dernier bilan officiel.

Un transfert en métropole pour « permettre la poursuite des investigations de manière sereine » (procureur)

Ce regain de tension intervient après le transfèrement en métropole, dans la nuit de samedi à dimanche, de plusieurs figures indépendantistes calédoniennes. Sept militants  liés à un collectif soupçonné d'avoir orchestré les troubles contre la réforme électorale en Nouvelle-Calédonie, dont le porte-parole Christian Tein, ont été transférés en métropole dans l'Hexagone pour y être incarcérés, a indiqué, dimanche, le procureur de Nouméa.

« Ce transfert a été organisé au cours de la nuit au moyen d'un avion spécialement affrété à cette mission », a souligné le procureur de la République, Yves Dupas, dans un communiqué. Le magistrat a expliqué qu'il a été « ordonné une affectation dans un établissement pénitentiaire en métropole pour les sept personnes placées en détention provisoire, dont Christian Tein, en raison de la sensibilité de la procédure ». Selon lui, cette mesure doit « permettre la poursuite des investigations de manière sereine, hors de toute pression ou concertation frauduleuse ».

Samedi, 11 personnes interpellées mercredi lors d'un vaste coup de filet visant la Cellule de coordination des actions de terrain (CCAT), ont été mises en examen pour plusieurs chefs, dont complicité de tentative de meurtre, vol en bande organisée avec arme, destruction en bande organisée du bien d'autrui par un moyen dangereux pour les personnes, participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un crime. Neuf personnes ont fait l'objet d'une mesure de placement en détention provisoire, « décision conforme aux réquisitions du parquet et à la demande des magistrats instructeurs », a précisé le procureur. « Parmi elles, deux mis en examen ont sollicité un débat différé afin de préparer leur défense qui se tiendra en début de semaine, et qui a été suivi de leur incarcération provisoire ». Joël Tjibaou, l'un des fils du leader indépendantiste Jean-Marie Tjibaou assassiné en 1989, est l'un de ceux ayant demandé un débat différé. Deux des onze personnes mises en examen samedi ont été placées sous contrôle judiciaire.

« Nous exigeons la libération et le retour immédiat des frères et sœurs pour être jugés sur leur terre », a répondu la CCAT dans un communiqué, ce lundi, dénonçant les « tactiques coloniales » de la France après l'arrestation et le transfert de ces indépendantistes, dont le porte-parole de la CCAT, Christian Tein. « Le verdict à l'encontre des 11 interpellés est intolérable, inacceptable et surtout injuste et injustifié », poursuit le communiqué de la CCAT, qui précise que les « prisonniers politiques » ont fait appel et que la justice doit statuer sous quinze jours.

Des affrontements entre les forces de l'ordre et des militants indépendantistes

En attendant la réponse de la justice, les tensions montent. A Dumbéa, au nord de Nouméa, chef-lieu de la Nouvelle-Calédonie, les locaux de la police municipale ont brûlé ainsi qu'un garage. Quatre véhicules blindés dont un de dernière génération - un Centaure - sont intervenus, a constaté un journaliste de l'AFP. Les affrontements se sont déroulés près d'un garage automobile où des voitures étaient en feu. Quatre militants encagoulés se tenant derrière des barricades de fortune ont lancé des projectiles vers les forces de l'ordre en les invectivant, a observé un journaliste de l'AFP. Près d'un grand magasin de matériel de sport entièrement détruit situé dans les environs, des indépendantistes campaient devant les forces de l'ordre, lundi en début d'après-midi, l'un d'eux lançant « Libérez nos prisonniers ! ».

Lire aussiNouvelle-Calédonie : la réforme du corps électoral « suspendue » par Emmanuel Macron

Des affrontements ont aussi opposé les forces de l'ordre à des indépendantistes à Bourail, commune située à moins de 200 km au nord de Nouméa, qui se sont soldés par un blessé, a appris l'AFP. La personne blessée n'a pas été touchée par une balle et n'est pas membre des forces de l'ordre, a précisé le haut-commissariat.

Lundi, dans le quartier de la Vallée-du-tir, une unité de policiers a délogé des émeutiers d'un barrage en flamme sur un rond-point, a indiqué un policier à l'AFP. Selon la même source, un homme agitait un drapeau kanak jusqu'à l'intervention de la police, qui déblayait le barrage pour la deuxième fois lundi.

Le Haut-commissariat a fait état « de plusieurs incendies maitrisés », en particulier à Ducos et dans le quartier de Magenta, ajoutant que « les locaux et des véhicules de la police municipale et de véhicules de particuliers » ont été incendiés. « Des exactions, destructions et tentatives d'incendies ont également été commises à plusieurs endroits sur Païta », a ajouté le Haut-commissariat, soulignant que « la brigade territoriale de Maré a également été prise à partie ».

La route qui mène à l'aéroport a été bloquée, des centres de soins fermés

La route qui mène à l'aéroport était bloquée, lundi en début d'après-midi, en raison d'une opération de déblaiement par les forces de l'ordre, selon des journalistes de l'AFP. Le pont aérien entre l'aérodrome de Magenta, situé dans le quartier du même nom à Nouméa, et l'aéroport international de La Tontouta, qui devait être levé totalement, lundi, a été réactivé pour les passagers à l'arrivée ou au départ lundi, a annoncé la chambre de commerce et d'industrie (CCI), gestionnaire de l'infrastructure.

Par ailleurs, lundi matin, de nombreuses écoles étaient fermées en raison du regain de violences et la voie express menant à l'hôpital est bloquée des deux côtés, au niveau du pont des érudits Apogoti.

L'association de prévention et de traitement de l'insuffisance rénale (ATIR) a annoncé, lundi dans un communiqué, que leurs « unités de dialyse du Grand Nouméa (Robinson, Koutio, DSM) sont actuellement fermées et dans l'incapacité de pouvoir accueillir patients et soignants en sécurité ».

L'archipel du Pacifique sud est en proie à de violents troubles depuis le 13 mai, nées de la contestation d'un projet de loi de dégel électoral. Les événements ont fait neuf morts, dont deux gendarmes, et d'immenses dégâts, chiffrés à plus d'un milliard d'euros. Emmanuel Macron a suspendu mi-juin le projet de loi qui a mis le feu aux poudres et cristallisé la colère du camp indépendantiste : il prévoyait une réforme constitutionnelle modifiant les critères électoraux pour les élections provinciales calédoniennes, ce qui aurait eu pour conséquences, selon ses opposants, de marginaliser le poids du peuple autochtone kanak.

(Avec AFP)

Commentaires 3
à écrit le 25/06/2024 à 18:58
Signaler
Bonjour, bon ils étaient claires que l'attestation des chef indépendantistes aller déclencher de nouvelles émeutes... Maintenant le jugement devra être équivalent au action personnelle... Maintenant s'ils ne reconnaît pas l'autorité de la France, no...

à écrit le 24/06/2024 à 11:56
Signaler
"Nouvelle-Calédonie : regain de tension après l'incarcération de militants indépendantistes en métropole" A l'évidence une nouvelle guerre de décolonisation est en marche non plus pour le pétrole algérien mais pour le nickel kanak tandis que le...

à écrit le 24/06/2024 à 9:56
Signaler
D'un point de vue pratique, l'accès routier à l’hôpital était de nouveau barré, il est vrai que l’hôpital soigne tout le monde et même ces jeunes grièvement brûlés avec un tantinet d'amphétamines dans les poches... Génération sacrifiée au profit de q...

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.