Nouvelle-Calédonie : la réforme du corps électoral « suspendue » par Emmanuel Macron

La réforme du corps électoral à l’origine de la violente crise que connaît l’archipel depuis un mois a été « suspendue » par Emmanuel Macron, ce mercredi, dans la foulée de la dissolution de l’Assemblée nationale. Une décision du chef de l’Etat bien accueillie par les indépendantistes.
La Nouvelle-Calédonie connaît une poussée de violence depuis un mois. (image d'archive)
La Nouvelle-Calédonie connaît une poussée de violence depuis un mois. (image d'archive) (Crédits : Delphine Mayeur / Hans Lucas via Reuters Connect)

Ce mercredi, Emmanuel Macron a-t-il mis fin à la crise calédonienne ? Lors de sa conférence de presse au Pavillon Cambon à Paris, le chef de l'Etat, qui a choisi de dissoudre l'Assemblée nationale à l'issue des résultats des élections européennes dimanche, a abordé le sujet de la Nouvelle-Calédonie : « Le projet de loi constitutionnelle (...) j'ai décidé de le suspendre parce qu'on ne peut pas laisser l'ambiguïté dans la période », a annoncé le président de la République. Avant d'ajouter vouloir « donner toute sa force au dialogue sur place et au retour à l'ordre ».

Pour rappel, le texte, adopté successivement par le Sénat en avril puis l'Assemblée nationale le mois dernier, devait encore être adopté avant le 30 juin par les deux chambres réunies en Congrès à Versailles. Poussé par le camp loyaliste, il visait à élargir le corps électoral, gelé depuis 2007, pour les élections provinciales programmées à la fin de l'année. Une option contre laquelle le camp indépendantiste s'est catégoriquement opposé, au motif qu'il marginalisait les électeurs autochtones. Concrètement, environ 25.000 électeurs, natifs de l'archipel ou y résidant depuis dix ans, pourraient intégrer la liste électorale.

De violentes émeutes depuis un mois

Depuis le 13 mai, le vote de la réforme a nourri de violentes émeutes dans le territoire français du Pacifique Sud, les plus graves depuis la crise politique qui l'a secoué dans les années 1980. Ces émeutes ont fait neuf morts, des centaines de blessés et d'importants dégâts, selon le dernier bilan officiel. Des violences qui ont plongé l'économie de l'île au bord de l'asphyxie. Et ce alors que l'île connaît depuis plusieurs mois une crise économique importante liée au nickel.

Dans ce contexte très difficile pour le territoire calédonien, le député macroniste Philippe Dunoyer s'est réjoui de l'annonce présidentielle. « C'est la bonne décision », a-t-il réagi auprès de l'AFP. « Il est très, très urgent (...) de retrouver un climat d'apaisement, que les barrages se lèvent, qu'on retrouve les fils d'un dialogue », a ajouté l'élu, candidat à sa réélection au Palais Bourbon. « La priorité absolue, ce n'est pas de faire campagne (...), c'est de rétablir la paix. »

Rapporteur du projet de loi à l'Assemblée, son collègue Nicolas Metzdorf (Renaissance) continuait, avant la conférence de presse présidentielle, de croire à une adoption possible. « Le texte reste dans le circuit », a-t-il indiqué sur la chaîne de télévision Nouvelle-Calédonie La 1ère. Il devrait s'exprimer jeudi matin devant la presse.

Lire aussiNouvelle-Calédonie : une commission pour renégocier le très contesté « pacte nickel » de Bruno Le Maire

 « Le président a perdu la main »

Le camp indépendantiste n'a lui pas réagi immédiatement. Mais, ces derniers jours, il avait déjà tiré un trait sur la réforme. « Le président a perdu la main, c'est nous qui l'avons maintenant et nous disons qu'il faut aller vers des élections provinciales avec un corps gelé », a jugé Daniel Goa, président du principal parti indépendantiste, l'Union calédonienne (UC).

« Nous pouvons convenir ensemble que les élections européennes auront eu raison de la loi constitutionnelle », écrivait plus tôt, mercredi, le Parti de libération kanak (Palika).

Le mouvement indépendantiste modéré a appelé, de son côté, à « lever les barrages et les blocages ».

Un retour du texte improbable

Le scénario d'un retour du texte devant les parlementaires après les législatives des 30 juin et 7 juillet paraît fort improbable. « En théorie, il serait tout à fait envisageable de pouvoir poursuivre le processus de révision constitutionnelle ultérieurement, une fois que l'Assemblée nationale sera de nouveau constituée », a noté Léa Havard, maître de conférences en droit public à l'université de Nouvelle-Calédonie.

« On pourrait imaginer adopter cette révision constitutionnelle fin juillet ou en août, même si elle mentionne une entrée en vigueur début juillet », poursuit-elle. « D'un point de vue strictement juridique, ce n'est pas impossible. Mais d'un point de vue politique, ça n'a pas vraiment de sens. »

L'indépendantiste Daniel Goa ne semble, en tout cas, pas perturbé par l'éventualité que son prochain interlocuteur soit le Rassemblement national (RN), en cas de victoire du parti de Marine Le Pen aux prochaines législatives, voire à la présidentielle.

« Que ce soit Macron ou Le Pen, ça ne changera pas grand-chose (...) Le Pen ne nous fait pas peur, ce sont des nationalistes. Nous sommes aussi des nationalistes, mais dans notre pays. Ce n'est pas le cas de Macron », lance-t-il.

Le RN a récemment revu l'ensemble de sa doctrine calédonienne, après avoir été l'un des plus virulents contempteurs des accords de Matignon en 1988 et de celui de Nouméa dix ans plus tard.

Alors que Marine Le Pen considérait « définitif » le résultat du troisième référendum sur l'indépendance en 2021 - boycotté par les indépendantistes, qui ne reconnaissent pas la victoire du « non » -, elle a suggéré en mai une nouvelle consultation d'ici « quarante ans ».

(Avec AFP)

Commentaires 2
à écrit le 12/06/2024 à 20:43
Signaler
"Une décision du chef de l'Etat bien accueillie par les indépendantistes." Simple concours de circonstance au regard du trouble politique en métropole cependant il n'y a pas de quoi se réjouir car le régime autoritaire MacRon n'est pas du genre...

à écrit le 12/06/2024 à 20:17
Signaler
Puisqu’Emmanuel Macron a finalement décidé de suspendre la réforme électorale en Nouvelle Calédonie, chose qu’il n’aurait sans doute pas fait s’il n’avait pas dissous l’Assemblée, je pense qu’il est utile de rappeler, surtout en ces temps où l’on s’a...

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.