Nouvelle-Calédonie : un homme tué par un policier, portant le bilan à sept morts

Par latribune.fr  |   |  1087  mots
Les violences ont causé, depuis le 13 mai, la mort de six personnes, dont deux gendarmes mobiles, ainsi que la destruction et le pillage de nombreux bâtiments et commerces. (Crédits : Delphine Mayeur / Hans Lucas via Reuters Connect)
Un homme de 48 ans a été tué vendredi par un policier en Nouvelle-Calédonie. L'archipel est dans l'incertitude au lendemain de la visite d'Emmanuel Macron, qui a promis que la réforme électorale contestée sur l'archipel ne passerait « pas en force », mais a maintenu le cap d'une sortie de crise d'ici à fin juin.

[Article publié le 24 mai 2024 à 8h16, mis à jour à 11h16] Septième mort depuis le début de la crise en Nouvelle-Calédonie. Un homme de 48 ans a été tué vendredi sur l'archipel par un policier, qui avait été « pris à partie physiquement » par des manifestants, a annoncé le procureur de Nouméa. au lendemain de la venue d'Emmanuel Macron.

Alors qu'ils circulaient à Dumbéa, au nord de Nouméa, deux policiers ont été « pris à partie physiquement par un groupe d'une quinzaine d'individus » et l'un d'eux a fait usage de son arme, a expliqué le procureur Yves Dupas. « Dans des circonstances qu'il reste à déterminer, le fonctionnaire aurait fait usage de son arme de service en tirant un coup de feu, pour s'extraire de cette altercation physique », poursuit-il.

« Les premières constatations font état de la présence de traces de coups sur le visage des fonctionnaires », ajoute le communiqué. Le policier ayant tiré a été placé en garde à vue et une enquête pour homicide volontaire par personne dépositaire de l'autorité publique a été ouverte, selon le ministère public.

Les investigations seront menées « avec toute l'objectivité et l'impartialité nécessaires à la manifestation de la vérité », a souligné le procureur. Sept personnes, dont deux gendarmes, ont été tuées en Nouvelle-Calédonie depuis le début de la crise, le 13 mai. C'est la première fois qu'une personne est tuée par un membre des forces de sécurité.

Aucun vol commercial jusqu'à mardi

La vie reprenait doucement ce vendredi. La Banque de l'archipel a annoncé la réouverture vendredi de cinq de ses 18 agences. Trois d'entre elles ont été incendiées. En revanche, l'aéroport international de La Tontouta, reste fermé depuis le 14 mai. Aucun vol commercial n'aura lieu jusqu'à mardi, a annoncé vendredi son exploitant, la Chambre de commerce et d'industrie. Emmanuel Macron, qui sera resté sur l'archipel 18 heures, a prévenu que « l'objectif est de rétablir l'ordre dans les jours à venir ».

« Nous allons donc reprendre pas à pas chaque quartier, chaque rond-point, chaque barrage », avec entre autres « 3.000 forces de sécurité intérieure » a déclaré le chef de l'Etat. Dans un entretien télévisé avec des journalistes calédoniens diffusé vendredi, Emmanuel Macron a ainsi justifié les forces engagées : la Nouvelle-Calédonie, « c'est pas le Far West. »

Les violences ont causé, depuis le 13 mai, la mort de six personnes, dont deux gendarmes mobiles, ainsi que la destruction et le pillage de nombreux bâtiments et commerces. « Ce que je demande de manière immédiate, c'est la levée de tous les blocages, la levée des points de violence, et qu'il y ait un appel clair à ces levées. Par le FLNKS, la CCAT - une organisation radicale indépendantiste accusée par les autorités d'attiser la violence (NDLR) - et tout responsable », a ajouté le chef de l'Etat.

L'état d'urgence continue de prévaloir

Sur la côte est de la Grande Île, le carrefour entre la route qui en traverse le centre et celle qui longe l'océan est par exemple toujours bloqué. Le passage n'est accordé qu'aux véhicules de secours. L'état d'urgence instauré le 16 mai continue de prévaloir, avec les mesures qui l'accompagnent : couvre-feu de 12 heures quotidiennes, interdiction de rassemblement, de transports d'armes et de vente d'alcool, bannissement de l'application TikTok. Cette dernière mesure, attaquée devant le Conseil d'Etat, a été confortée par la juridiction administrative jeudi.

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« On attend tous la décision du FLNKS », a affirmé la cheffe de file des loyalistes, Sonia Backès, sur la radio RRB. « Un accord est possible si tout le monde est de bonne foi (...) Si tout le monde est de bonne volonté pour montrer qu'on est prêt à vivre ensemble sur cette terre, ça fonctionnera », a-t-elle estimé. « Les opérations qui sont menées quartier par quartier demandent des moyens phénoménaux (...) Les forces de l'ordre se font tirer dessus à balles réelles. Les barrages sont quand même très lourds à débarrasser. »

Des mesures de soutien économique

Pour aider la Nouvelle-Calédonie à se relever, une mission interministérielle dédiée à la reconstruction doit, selon Calédonie la 1ère, « chiffrer les dégâts, décliner les modalités de mise en place des mesures d'urgence » et proposer « la gouvernance et les pistes pour la reconstruction et la diversification de l'économie ». Les banques se sont engagées « à soutenir la trésorerie et l'investissement des TPE et PME néo-calédoniennes ».

Elles sont nombreuses à être en grande difficulté, près de 400 entreprises et commerces ont subi des dégradations. L'intersyndicale de la Société Le Nickel (groupe Eramet) a ainsi lancé un « SOS » aux salariés pour qu'ils permettent l'acheminement de minerai vers l'usine, faute de quoi l'avenir de l'entreprise serait compromis.

« Sans une reprise, dans les tout prochains jours, du chargement des minéraliers sur tous nos centres miniers, les fours de Doniambo, par un manque de minerai en qualité et en quantité suffisantes, vont être irrémédiablement endommagés et s'arrêter définitivement de fonctionner », a expliqué l'intersyndicale.

Cette usine pyrométallurgique de Nouméa traite le minerai 24 heures sur 24, dans trois fours électriques « parmi les plus puissants au monde », selon l'entreprise. L'exploitation du nickel est le pilier de l'économie calédonienne, qui traverse une crise sans précédent après la chute de plus de 45% en 2023 du cours de ce métal.

Par ailleurs, de nombreux commerces ont profité de la crise sécuritaire qui secoue la Nouvelle-Calédonie pour appliquer des tarifs excessifs, y compris sur des produits réglementés, une pratique « inacceptable et intolérable », a dénoncé jeudi le gouvernement local. « Face à la situation actuelle, il a été constaté que certains commerçants profitent des circonstances pour augmenter de manière exagérée les prix de leurs produits dont certains sont réglementés », rendant cette pratique totalement illégale, a écrit le gouvernement collégial dans un communiqué.

« Cette pratique est d'autant plus inacceptable et intolérable » que la solidarité et la responsabilité collective doivent primer, a-t-il ajouté, « alors que des craintes de pénuries d'alimentation et de médicaments parcourent l'archipel ».

Lors de sa visite, Emmanuel Macron s'est dit « déterminé à protéger le pouvoir d'achat » des Calédoniens et a rappelé aux commerçants « l'importance de pratiquer des prix contrôlés, justes et raisonnables.»

(Avec AFP)