« On n’a renoncé à rien » (Philippe Olivier, eurodéputé Rassemblement national)

ENTRETIEN - Le beau-frère et proche conseiller de Marine Le Pen en dit un peu plus sur ce que compte mettre en oeuvre le RN s’il arrive au pouvoir.
L’eurodéputé RN et sa femme, Marie-Caroline Le Pen, qui est est candidate aux législatives dans la Sarthe à Allonnes, le 21 juin.
L’eurodéputé RN et sa femme, Marie-Caroline Le Pen, qui est est candidate aux législatives dans la Sarthe à Allonnes, le 21 juin. (Crédits : © LTD / PATRICK SICCOLI/SIPA)

LA TRIBUNE DIMANCHE - Selon les sondages, le Rassemblement national (RN) aura une majorité de députés à l'Assemblée le 7 juillet, mais Jordan Bardella conditionne son arrivée à Matignon à l'obtention d'une majorité absolue, soit 289 sièges. N'est-ce pas une manière de préparer les esprits à un refus d'exercer le pouvoir ?

PHILIPPE OLIVIER - Soit les Français veulent l'alternance, soit ils ne la veulent pas. Nous, nous allons au pouvoir pour appliquer un programme, et pour cela il nous faut une majorité claire. Si nous n'avons pas la majorité absolue, ce n'est pas la peine, car nous ne sommes pas là pour prendre des places. Tout cela n'a de sens que si nous avons la capacité d'agir. Le corps électoral doit en avoir conscience. S'il est trop indécis, nous aurons une situation qui rappellera la IVe République.

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Estimez être dans un face-à-face avec la gauche ou avec le bloc central ?

Le bloc macroniste s'effondre et n'a plus de chef. Emmanuel Macron a disparu, ses propres troupes n'en veulent plus. Gabriel Attal est transparent. Ce bloc a vécu. Il peut faire entre 15 % et 20 % mais pas davantage, car la tenaille du scrutin majoritaire est mortelle. On va se retrouver face à un nouveau Front, plus crépusculaire que populaire, qui est pro-islamiste, crypto-antisémite, qui prône la violence et le conflit. Beaucoup d'électeurs de gauche qui ne s'y reconnaissent pas soutiendront notre coalition républicaine et patriote, dont je ne me résous pas à dire qu'elle est une coalition de droite. Nous aurons un second tour de recomposition, non pas autour d'un clivage gauche-droite, que je récuse toujours, mais entre deux visions de la société totalement différentes.

En cas de majorité relative à 10 ou 15 sièges près, tendrez-vous la main vers d'autres forces politiques, les LR qui n'ont pas suivi Éric Ciotti, par exemple ?

On ne s'interdit rien, mais ils ne viendront pas. C'est une question de tempérament et de courage. Vous pensez que des personnalités comme Valérie Pécresse ou Bruno Retailleau sont amendables ? Un certain nombre d'entre eux sont déjà passés chez Renaissance et les autres mourront de leur irrésolution. Ils croient que LR va continuer à exister alors que c'est fini : le navire a été touché sous la ligne de flottaison et s'est cassé en trois, entre macronistes, ciottistes et indécis. Les indécis couleront avec le bateau.

Concernant le programme, Jordan Bardella distingue le « temps de l'urgence » du « temps de la réforme ». Le premier volet inclut des mesures comme la baisse de la TVA sur les carburants. Dans le second, il y a une litanie de promesses phares du RN, comme la baisse de la TVA sur les produits de première nécessité, l'abrogation d'une partie de la réforme des retraites... et même l'interdiction du voile islamique dans l'espace public ! Exit la rupture, le RN s'inscrit dans le système ?

Nous avons des institutions, un calendrier et des étapes. D'abord, il faudra ouvrir une session extraordinaire au Parlement pour les premiers textes sur l'immigration, la sécurité et le pouvoir d'achat. Il y a également des mesures réglementaires qu'on pourra prendre dans l'immédiat. Ensuite, il y aura le budget qui inclura nos mesures fiscales. Et à partir de janvier, on aura les réformes. On n'a renoncé à rien, mais ne demandez pas qu'un programme présidentiel prévu sur cinq ans soit mis en œuvre en deux mois ! On fera tout cela dans un timing raisonnable, car tenant compte de nos obligations légales et institutionnelles, et accessoirement des marges de manœuvre budgétaires révélées par notre audit. Si on doit faire autrement, on fera autrement, mais on ne peut pas décider de tout dès juillet. Ceux qui le prétendent sont soit de mauvaise foi, soit ignares.

Votre programme est bien allégé par rapport à celui de 2022... Qu'est-ce qui pourra vous distinguer d'un parti gestionnaire de droite assez classique ?

La cohabitation ne rend pas possible tout ce qu'on veut. On en tient compte et on est attachés à un principe de réalisme. C'est un gage d'honnêteté et de sérieux que de le rappeler. Nos textes législatifs sont prêts, ce qui ne veut pas dire qu'on va les présenter tels quels ; on ouvrira des concertations, on fera les choses tranquillement, avec un esprit d'ouverture. Mais on ne changera pas de cap. On est là pour réformer le pays. On ne s'est pas battus pendant cinquante ans pour ne pas le faire une fois arrivés au pouvoir, sinon on aurait adhéré au RPR ou à l'UDF.

On va se retrouver face à un nouveau Front, plus crépusculaire que populaire

Si Jordan Bardella est « empêché » en matière d'immigration parce que certains de vos engagements sont contraires à la Constitution, quel peut être votre bilan une fois arrivée la présidentielle de 2027 ?

L'application de la loi républicaine telle qu'elle existe, déjà ! Si on exécute les obligations de quitter le territoire [OQTF], on aura fait un énorme progrès. Des tas de choses peuvent se faire par règlement ou par circulaire. Les régularisations d'opportunité, on peut y mettre fin par demande auprès des préfets. On peut aussi négocier avec des pays extra-européens pour qu'ils récupèrent leurs ressortissants. On peut créer de nouvelles places de prison, transitoires, en utilisant d'anciennes casernes. Bref, nous allons accoucher d'une petite révolution des mentalités, grâce à quelque chose qui s'appelle la volonté politique.

Vous ne pourrez pas forcer le président de la République à recourir au référendum via l'article 11 de la Constitution. Qui plus est, son usage pour réviser notre norme fondamentale est sujet à débat...

L'article 11 est applicable. Ce n'est pas Laurent Fabius, certes président du Conseil constitutionnel mais totalement déconnecté du peuple et des réalités, qui en sait davantage que le général de Gaulle. Par ailleurs, mettez-vous à la place de M. Macron si son camp est laminé et s'il a 300 députés RN face à lui. Sa stature ne tiendra que par l'armature des institutions. On n'est pas bêtes, on ne veut pas faire de coup d'État, mais on expliquera aux Français que le président empêche l'expression populaire. Il y aura un débat, M. Macron s'en expliquera. La politique est un rapport de force, non pas conflictuel, mais institutionnel, entre nos corps constitués. Et si on a une force parlementaire très puissante, on disposera de quelques atouts.

Commentaires 2
à écrit le 23/06/2024 à 9:29
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déjà en Europe la France ne représente plus rien avec l'élection d'une bonne partie du RN qui la plupart ont déjà déserté en particulier TIKTOK et qu'aucun groupe ne veut! maintenant le RN s'attaque au national et dans peu de temps c'est la sortie de...

à écrit le 23/06/2024 à 8:44
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Pas aux phrases qui ne veulent rien dire c'est sûr déjà.

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