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Législatives : les derniers des macronistes

La 7e circonscription des Hauts-de-Seine reste l’un des rares fiefs de la majorité présidentielle. Journée de campagne dans les pas du député sortant, Pierre Cazeneuve.
Pierre Cazeneuve en campagne dans les rues de Rueil-Malmaison, jeudi.
Pierre Cazeneuve en campagne dans les rues de Rueil-Malmaison, jeudi. (Crédits : © LTD / SEBASTIEN LEBAN POUR LA TRIBUNE DIMANCHE)

Ce village d'irréductibles macronistes résistera-t-il encore et toujours ? Dans la 7e circonscription des Hauts-de-Seine les militants engagés derrière le député Pierre Cazeneuve se sont mobilisés dès l'annonce de la dissolution de l'Assemblée nationale. « Le 9, à 21 h 05, j'ai appelé mon imprimeur pour le tract de campagne ; à 21 h 10, j'ai appelé mon banquier pour obtenir un prêt », raconte celui qui dès lors, dans le bistrot où il dîne ce soir-là, les yeux rivés sur un écran de télévision, redevient candidat. La nuit est blanche jusqu'au lendemain. Avec ses collaborateurs, une équipe de jeunes trentenaires, il organise les trois semaines à venir. L'objectif est d'aller convaincre « un à un » les électeurs de Garches, Rueil-Malmaison et Saint-Cloud, ceux qui hésitent, tentés par un vote de gauche, déçus par Emmanuel Macron, ou séduits par les promesses de Jordan Bardella.

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« Pendant les européennes, on a senti moins d'engouement sur le terrain, décrit Pierre Cazeneuve, qui fut de 2020 à 2022 chef de cabinet adjoint à l'Élysée. Notre électorat de centre gauche a choisi Raphaël Glucksmann. D'autres, qui ne nous ont pas trouvés assez durs sur les sujets régaliens, sont allés chez Bardella ou Bellamy. Après sept ans de mandat du président, on observe une lassitude à notre égard. » L'usure du pouvoir, des petites phrases qui ont déplu et une incompréhension face à la dissolution sont les raisons invoquées pour expliquer le rejet dont fait l'objet le chef de l'État.

En tête aux dernières européennes

Aujourd'hui, pour ces législatives anticipées, Les Républicains ne présentent pas de candidat face à la liste Ensemble de la majorité présidentielle. La circonscription, pourtant, est historiquement de centre droit, réputée « modérée », longtemps aux mains de l'UMP, puis de LR, convertie au macronisme en 2017. « Un terreau fertile où je peux compter sur un plus grand nombre de militants que dans certains départements », explique Pierre Cazeneuve. Exploit : Renaissance y est arrivé en tête aux dernières européennes, avec 24,49 % des voix. « Je ne sais pas si cela fait de nous un bastion macroniste, interroge Cazeneuve. On a tout de même perdu 16 points depuis le scrutin de 2019... »

Législatives : les derniers des macronistes

Pierre Cazeneuve en compagnie des pensionnaires d'une résidence pour personnes âgées à Rueil. (© LTD / SEBASTIEN LEBAN POUR LA TRIBUNE DIMANCHE)

À 29 ans, ce diplômé de Sciences-Po et de HEC en est à sa septième campagne électorale. Au lycée, à Saint-Cloud où il est né, il avait lancé avec une trentaine de camarades le parti Allons enfants et était parvenu, lors des élections municipales de 2014, à mettre le maire UMP en ballottage et à chasser le Front national du conseil municipal. « À jamais ma plus belle victoire », glisse celui qui, à l'époque, précurseur, milite contre le clivage gauche-droite. C'est naturellement qu'il se rapproche ensuite du mouvement En marche.

« Ici, les gens ont plus peur de Mélenchon que de Bardella »

Pierre Cazeneuve, député sortant

Bastion Renaissance et résidence RN

Sa motivation d'alors fait écho au danger d'aujourd'hui. Gamin de Saint-Cloud, Pierre Cazeneuve ne supporte pas que sa ville soit associée au parti frontiste qui y avait établi son siège, le « Paquebot ». C'est aussi là que se trouve Montretout, domaine privé où a longtemps résidé la famille Le Pen. La circonscription, un territoire plutôt bourgeois prisé des jeunes cadres avec enfants, plaît aux lepénistes puisque, depuis peu, Jordan Bardella    est domicilié dans la ville de Garches. Jean-Marie Le Pen, lui, vit avec son épouse dans une vaste maison de Rueil-Malmaison. L'homme de 96 ans, physiquement affaibli, y aurait reçu Bardella, il y a un an environ, et en penserait « du bien », confie l'un de ses interlocuteurs. « Jean-Marie marche encore, dans son jardin et il suit l'actualité, assure ce témoin qui y a ses entrées. Il était évidemment très heureux des résultats des européennes. C'est la suite de l'histoire pour lui. Il dit souvent : "Le Pen avait raison." Et il tiendra jusqu'à ce que Marine soit à l'Élysée. » « Ils habitent tous là et se présentent ailleurs, quelle hypocrisie ! » commente Pierre Cazeneuve.

Lors du scrutin du 9 juin, le RN a remporté ici 13,89 % des voix et Reconquête, le parti d'Éric Zemmour, 7,24 %. Des scores moins forts qu'ailleurs, mais en progression, sans doute renforcés par la crainte qu'ont inspirée les émeutes d'il y a un an à Nanterre, ville mitoyenne de Rueil, où un policier a tué le jeune Nahel lors d'un contrôle routier. Pour le premier tour, ce 30 juin, les deux partis d'extrême droite présentent des candidats méconnus, Christine Pastor et Rémi Carillon, dont les visages sont absents des affiches de campagne. « Ils sont inexistants », balaie leur opposant macroniste, osant affirmer : « Ici, les gens ont plus peur de Mélenchon que de Bardella. » Cazeneuve assure ne pas faire d'équivalence entre le RN et LFI mais « combattre les deux car ils ont pour projet de monter les Français les uns contre les autres ».

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Pierre Cazeneuve en campagne dans les rues de Rueil Malmaison, jeudi. (© LTD / SEBASTIEN LEBAN POUR LA TRIBUNE DIMANCHE)

Une après-midi mouvementée

Le jour où nous le suivons, dans les rues de Rueil à la rencontre des habitants (80 000 recensés sur la commune), l'enfant du pays prononce davantage le nom de Mélenchon que celui de Bardella, s'appliquant à faire oublier l'union de la gauche sous la bannière NFP. Il se présente comme un « député circuit court », comprendre implanté localement, proche des administrés, accessible, traditionnel argument de campagne d'un candidat en goguette. Éducation et sécurité sont les deux premiers thèmes inscrits au dos de sa profession de foi. En serrant les mains, il martèle le nombre de postes de policiers et de gendarmes - 12 000 - créés par le gouvernement depuis 2017. Arpentant les mêmes marchés, frappant aux mêmes portes des quartiers HLM de Rueil (qui compte 26 % de logements sociaux), Lucas Peyret, 34 ans, est le candidat LFI investi par le Nouveau Front populaire dans la circonscription.

Selon lui, « la préoccupation environnementale domine » parmi les électeurs qui lui promettent leurs voix. Il constate lui aussi « une lassitude envers Macron », sans que ce soit le sujet principal des conversations. « On me parle beaucoup plus du nombre trop faible de professeurs dans les écoles ou du manque de places dans les crèches », dit-il. Ce juriste, adhérent à La France insoumise et dont c'est la première candidature à une élection, ne s'attend pas à ce que le RN arrive au second tour ce dimanche soir, mais, analyse-t-il, « si les LR se sont associés avec les macronistes, ça montre leurs craintes ». S'il est qualifié, Lucas Peyret pourra probablement compter sur le report des voix de la candidate d'extrême gauche Lutte ouvrière et de celle de la candidate écologiste du parti Équinoxe.

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Échange tendu avec les pensionnaires d'une résidence pour personnes âgées à Rueil. (© LTD / SEBASTIEN LEBAN POUR LA TRIBUNE DIMANCHE)

Dans une résidence pour personnes âgées, ce 27 juin, l'accueil est d'abord chaleureux pour Pierre Cazeneuve, habitué des lieux. Une quinzaine de seniors l'attendent pour partager une glace et l'écouter parler. Sans surprise, il commence par aborder le sujet des retraites, « valorisées », dit-il, puis du « grand choc » de la dissolution qui « a foutu le bazar » mais qui   « permet de redonner la décision aux Français ». Le public semble acquiescer. Le député sortant serait-il en terrain conquis ? Assis au fond, un homme fait tout basculer. Il interrompt le jeune candidat : « Je ne suis pas déçu des scores du 9 juin, lance-t-il, hargneuxOn voit les attaques au couteau à la télé. Il faut les virer, ces gens-là ! » « Le RN promet monts et merveilles », poursuit Cazeneuve, assurant de répondre après aux questions et « aux inquiétudes ».

« Vous voulez nous faire croire que c'est un cadeau, cette dissolution ? coupe un autre retraité, tout aussi virulent. La vérité, c'est que c'est un coup de poker ! Renaissance va exploser, vous allez disparaître. » L'après-midi sera finalement mouvementée. Pris à partie, Pierre Cazeneuve résiste et défend le bilan du président Macron, avec lequel il s'est entretenu récemment et dont il vante « l'énergie, l'engagement, l'écoute ». Fidèle jusqu'au bout ? « S'il n'en reste qu'un, ce sera moi », lâchet-il. Jusqu'à ce que l'un de ses interlocuteurs les plus corrosifs tranche : « Entre un candidat LFI et vous, je vote pour vous. » Ouf, le macroniste respire.

Commentaire 1
à écrit le 30/06/2024 à 10:18
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Les macronistes une espèce en voie de disparition.

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