![Le président du RN Jordan Bardella.](https://static.latribune.fr/full_width/2399087/jordan-bardella-rn.jpg)
La campagne des législatives entre dans sa dernière ligne droite. À la veille du scrutin crucial de dimanche, les trois blocs jettent leurs dernières forces dans cette bataille à couteaux tirés. En tête dans les sondages, les candidats du Rassemblement national (RN) continuent de surfer sur leurs résultats obtenus aux élections européennes. Le bloc nationaliste (RN, Reconquête) espère placer un maximum de députés à l'Assemblée nationale après le camouflet de la majorité présidentielle. Après le ralliement d'Eric Ciotti, le Rassemblement national (RN) entend bien durcir la politique migratoire de l'Hexagone mais s'expose beaucoup moins sur les questions économiques européennes.
Législatives : l'Europe, angle mort du programme économique du RN
Écartant le scénario d'une sortie de l'euro et des traités européens, Jordan Bardella a tenté d'infléchir la position du parti lepéniste sur l'Europe. En 2017, la proposition de Marine Le Pen figurant dans son programme officiel de revenir à une monnaie nationale avait provoqué une vague de stupéfaction dans les milieux bruxellois. La sortie de l'Eurosystème aurait sans doute exacerbé les tensions avec les partenaires de la zone euro.
Huit ans après ces déclarations fracassantes, le RN a très peu évoqué l'Europe lors des débats de cette campagne éclair. « L'Europe est très absente dans le programme législatif du RN. La seule mention est la défense de la souveraineté. Or, c'est sans doute la position de la plupart des Etats européens en ce moment », explique l'économiste de l'OFCE Jérôme Creel, spécialiste des questions européennes. Et malgré ces revirements sur l'euro ou les traités, « le programme économique est construit sur une ligne antieuropéenne. Beaucoup de mesures dérogent aux règles européennes », complète Mathieu Plane, directeur adjoint des prévisions à l'OFCE.
Une difficile baisse de la contribution de 2 milliards d'euros au budget
Absente du programme économique du RN, l'Europe est néanmoins régulièrement vilipendée par les poids lourds du parti d'extrême droite. Symbole de cette défiance, la baisse drastique de la contribution de la France au budget de l'Union européenne. Dans la lignée de Margaret Thatcher, porte-voix du « I want my money back» à la fin des années 70 au Royaume-Uni, le Rassemblement national veut serrer la vis sur l'autonomie budgétaire de l'UE et « renationaliser » certaines politiques économiques.
Mais cette stratégie pose question. « Le budget européen est le résultat d'une programmation pluriannuelle de 2021 à 2027. Cela rend difficile une baisse de la contribution de la France à court terme. Cette discussion pourrait seulement commencer à partir de 2027 », souligne Jérôme Creel, directeur des études à l'OFCE. Rappelant que « l'Allemagne avait déjà bénéficié d'une ristourne », l'économiste considère que cette baisse est tout à fait possible. Mais cette décision « risque d'engendrer une crise européenne ». Hostile à tout instrument de mutualisation des dettes, le parti de Marine Le Pen a prévu peu de sources de financements. Mathieu Plane n'hésite pas à parler « d'illusion des économies ». Ce programme est « financé sans augmentation d'impôts mais il prévoit de faire des économies sur les aides sociales destinées aux étrangers. Les financements sont largement contestés. Il n'y a pas de rentrées et beaucoup de dépenses ».
A cela s'ajoute, la possible réduction des aides de la Politique Agricole Commune (PAC) pour les agriculteurs. « La France est certes contributeur net mais elle reçoit des subsides importants notamment pour la politique agricole commune », rappelle Jérôme Creel. Un tour de vis sur ces subventions risque de mettre le feu aux poudres dans les rangs d'une profession déjà aux abois.
Déficit excessif : un agenda brûlant au cœur de l'été
Sous surveillance de la Commission européenne, la France s'est fait taper sur les doigts il y a quelques jours pour ses déficits jugés excessifs. Officiellement, la procédure n'est pas encore ouverte. Mais celle-ci doit intervenir le 16 juillet prochain dans le cadre d'un conseil des ministres des finances (Ecofin), soit une semaine après le second tour des élections législatives.
Dans l'hypothèse où le Rassemblement national serait à la tête du gouvernement, les négociations promettent d'être très périlleuses avec les instances bruxelloises compte tenu de la position hostile du parti nationaliste à l'égard de Bruxelles. Au plus tard le 20 septembre, le gouvernement devra soumettre à la Commission européenne « un plan fiscal et structurel de moyen terme ». « On s'attend à de nouveaux dérapages des finances publiques si le Rassemblement national applique vraiment son programme », déclare Hadrien Camatte, économiste chez Natixis.
Finances publiques : un bras de fer à venir entre l'UE et la France si le RN arrive à Matignon
Pour l'instant, la France est « loin d'une trajectoire de rétablissement des finances publiques ». « Il y a sans doute des marges de manœuvre avec la Commission européenne. Jusqu'à la semaine dernière, la Commission avait laissé la porte ouverte à de la souplesse », indique Jérôme Creel. Dans le cadre des nouvelles règles du Pacte de stabilité, la France pourrait certes décider ne pas respecter ses engagements européens mais les mesures budgétaires présentées jusque-là « sont encore floues et vagues », souligne Hadrien Cammate.
Lors de la présentation de son programme, Jordan Bardella a annoncé qu'il allait faire un audit des finances publiques. Là encore, cette initiative peine à convaincre. « C'est un tour de passe-passe car la situation budgétaire et financière est connue. On a déjà beaucoup d'éléments budgétaires », explique Mathieu Plane. Outre la Cour des comptes, le Haut Conseil des finances publiques et la mission du Sénat sur la dette avaient déjà alerté sur l'état des finances publiques. Une manière pour le RN de préparer les esprits à des renoncements encore plus importants en cas de victoire le 7 juillet prochain.