![Jordan Bardella au soir du premier tour des législatives.](https://static.latribune.fr/full_width/2400898/jordan-bardella-rn.jpg)
L'extrême droite n'a jamais été aussi proche des portes du pouvoir. Au lendemain du premier tour des élections législatives, le Rassemblement national (RN) est ressorti en position de force (33%) à l'issue d'une campagne éclair. Viennent ensuite le bloc de gauche (à 28%) et le bloc du centre (20%). À une semaine du second tour, il reste de nombreuses incertitudes compte tenu du nombre inédit de triangulaires et des possibles désistements sur les quelque 500 circonscriptions encore en jeu. Mais la position du RN sur la majorité législative a déjà changé. Le parti lepéniste a affirmé qu'il était prêt à gouverner même avec une majorité relative.
Dans l'hypothèse où un gouvernement RN accédait à Matignon, le futur ministre en charge du budget va devoir rapidement trouver des pistes de finances publiques crédibles s'il ne veut pas se retrouver sous le feu des critiques. Les marchés et les agences de notation vont scruter de près les grandes orientations budgétaires du prochain exécutif. L'un des grands chantiers à venir est d'ailleurs la préparation du budget 2025. Pour rappel, le gouvernement Attal avait annoncé, au printemps dernier, 20 milliards d'économies à réaliser en 2024 et 20 milliards d'euros en 2025.
Opposé à toutes hausses d'impôts, le programme budgétaire du RN peine à convaincre les économistes interrogés par La Tribune. « Le programme économique pose plein de questions et de problèmes. Il y a la volonté d'augmenter le niveau de vie de la population française par différents soutiens. Le problème est que les mesures annoncées sont imprécises et on ne sait pas si elles seront mises en place. C'est difficile de s'y retrouver », juge l'économiste de l'OFCE, Mathieu Plane.
Budget : immigration, agences de l'Etat, millefeuille territorial dans le viseur du RN
Le RN est, en effet, resté relativement vague sur sa stratégie budgétaire dans son programme. Tenté de rassurer les milieux financiers et patronaux, Jordan Bardella a annoncé qu'il allait faire « un audit » des comptes publics à son arrivée à Matignon. Partant des résultats de cet audit, le RN espère dresser « des pistes d'économies ».
Interrogé par l'U2P (Union des entreprises de proximité) sur sa politique économique pour réduire la dette, le RN a déjà posé sur la table quelques propositions dans un courrier. «Nous rationaliserons les dépenses publiques, notamment en réduisant le coût de l'immigration, les dépenses de fonctionnement des agences de l'Etat (suppression des ARS, plan de rationalisation des agences publiques dès le PLF 2025) et du millefeuille territorial », a expliqué le parti dans sa réponse au patronat.
Des pistes d'économies en trompe l'oeil
Mais sur les trois leviers mentionnés, les économies espérées seraient loin de permettre un rétablissement des comptes publics. Sans prélèvements obligatoires supplémentaires, le montant de la rigueur budgétaire à réaliser serait de l'ordre de 80 milliards d'euros, selon des calculs de l'OFCE pour parvenir à 3% de déficit d'ici 2027. Mathieu Plane n'hésite pas à parler de « l'illusion des économies » du RN.
« Ce programme est financé sans augmentation d'impôts, mais il prévoit de faire des économies sur les aides sociales destinées aux étrangers. Les financements sont largement contestés. Il n'y a pas de rentrées et beaucoup de dépenses », explique l'économiste.
Dans le viseur du RN, l'immigration est, en effet, loin d'être une source d'économies substantielles. Une étude de l'OCDE passant au crible les comptes publics dans 25 pays riches concluait que, « dans tous les pays, la contribution des immigrés sous la forme d'impôts et de cotisations est supérieure aux dépenses que les pays consacrent à leur protection sociale, leur santé et leur éducation».
Quant à la suppression des agences régionales de santé (ARS), l'institut de Montaigne a chiffré les économies attendues à 3,6 milliards d'euros. S'agissant du millefeuille territorial, un récent rapport remis au gouvernement a estimé son coût à 7,5 milliards d'euros. Mais le RN, s'il arrive au pouvoir, devra encore documenter ces pistes étant donné le flou de son programme. Une situation qui risque d'envenimer encore plus les relations déjà dégradées entre l'Etat et les collectivités.
Un budget 2025 explosif
L'annonce fracassante de la dissolution par le chef de l'Etat a complètement chamboulé l'agenda du budget 2025. Le ministre des Comptes publics, Thomas Cazenave, avait entamé la traditionnelle séquence de tractations avec chaque ministère pour arrêter les grandes lignes du PLF 2025. Mais ces législatives risquent de compliquer la préparation du budget 2025 pour l'automne, surtout si une majorité claire ne se dessine pas à l'Assemblée nationale. Les deux dernières années ont montré toutes les difficultés du gouvernement à faire passer ses textes budgétaires, sans article 49-3.
Confrontée à une dette importante supérieure à 110% du PIB, la politique budgétaire du prochain exécutif sera scrutée de près. Le RN a certes prévu des économies en appliquant le principe d'une préférence nationale. Mais cette logique budgétaire discriminatoire basée sur des critères d'identité risque de mettre le feu aux poudres dans des zones géographiques déjà minées par la pauvreté. Une perspective particulièrement sombre dans une France déjà fracturée.
En plein marasme budgétaire, la prochaine majorité au pouvoir va rapidement devoir présenter une trajectoire de finances publiques pour les prochaines années à la Commission européenne. Le 16 juillet prochain, le conseil des ministres des Finances de l'UE devrait entériner officiellement la procédure de déficit excessif pour la France recommandée par la Commission européenne. Et le 20 septembre, la France devrait soumettre « un plan fiscal et de moyen terme » aux autorités bruxelloises. La réforme du Pacte de stabilité vise à rendre les trajectoires budgétaires plus flexibles. Mais ces nouvelles règles prenant en compte la situation spécifique de chaque pays devraient être plus appliquées que les précédentes.Déficit excessif : le gouvernement sous pression