![Le ministère de l'Economie et des Finances.](https://static.latribune.fr/full_width/2390099/bercy.jpg)
Les mauvaises nouvelles continuent de se déverser en cascade sur le gouvernement. Après la claque des élections européennes et le raz-de-marée de l'extrême droite, le chef de l'Etat Emmanuel Macron veut mobiliser ses troupes dans la campagne éclair des élections législatives les 30 juin et 7 juillet prochains. Lors d'une conférence de presse aux allures de discours de campagne, le chef de l'Etat a promis du « sérieux budgétaire » en cas de victoire du bloc du centre aux prochaines élections.
En pleine tempête budgétaire, Emmanuel Macron, qualifié de « Mozart de la finance » par certains observateurs, veut convaincre de sa détermination à redresser les comptes publics. Mais la tâche pourrait s'avérer très périlleuse. Dans un rapport au vitriol de plus de 200 pages dévoilé ce jeudi 13 juin, la commission des Finances du Sénat a tiré à boulets rouges sur la politique budgétaire du gouvernement. « Le déficit de 5,5% en 2023 n'avait jamais été atteint hors période de crise, sous la Vème République », a rappelé Jean-François Husson (LR), rapporteur de la mission d'information. Déjà, l'agence de notation Standard and Poor's avait infligé fin mai un camouflet à l'exécutif en dégradant la note de la France de AA à AA-. Mais à quelques jours du verdict de la Commission européenne pour procédure de déficit excessif, cette nouvelle publication tombe au plus mal pour la majorité actuellement à la peine dans les projections de sièges à l'Assemblée nationale.
« Opacité dans la communication budgétaire »
Estimé dans un premier temps à 4,9%, le déficit pour 2023 s'est finalement établi à 5,5% du produit intérieur brut (PIB). En mars, « la presse a fait état d'un chiffre inconnu de 5,6% de déficit public en 2023. Or, la prévision dans la loi de finances jusqu'au 31 décembre 2023 était de 4,9%. Après la publication du chiffre de l'Insee de 5,5%, nous avons lancé cette mission flash », a complété, le président de la Commission des finances Claude Raynal (PS) devant les journalistes. Cet écart de 0,6 point entre les prévisions et l'exécution du déficit est inédit sur les 25 dernières années, à l'exception de l'année 2008 en pleine crise financière.
Après cet épisode houleux, Claude Raynal n'a pas hésité à tacler « l'opacité de la communication budgétaire du gouvernement ». Auditionné par le Sénat, le ministre de l'Economie Bruno Le Maire avait réfuté toute dissimulation. « Nous pensons préférable que la commission des finances soit mise au courant de la situation des finances publiques avant les journalistes », a-t-il ajouté. Au moment des investigations, l'élu estime que « l'administration de Bercy a parfaitement joué le jeu. Nous avons pu mieux comprendre les fondements et la fragilité des estimations de l'administration ».
Alertes de l'administration
La politique budgétaire du gouvernement est d'autant plus critiquée que les ministres ont été avertis à plusieurs reprises par des pontes de Bercy. Les sénateurs évoquent notamment « la procrastination d'un gouvernement coupable qui ne tient pas compte des alertes de son administration ». L'exécutif est « resté sourd aux alertes de son administration », a pointé Jean-François Husson.
« Deux notes de fin octobre indiquent des recettes moins fortes que prévu sur les recettes de TVA. Le directeur général des finances publiques indique que ce n'est pas une bonne nouvelle », a ajouté le sénateur de droite. « Les alertes n'ont pas abouti aux modifications en temps et en heure », a regretté Claude Raynal.
Le rapporteur de la mission Jean-François Husson et le président de la Commission des finances Claude Raynal. Crédits: Reuters.
Loi de finances : « une violation manifeste »
Dans sa présentation, Jean François Husson a fustigé « une violation manifeste de la LOLF (la loi organique relative aux lois de finances ». Le gouvernement doit « améliorer l'information du Parlement sur les conséquences des décrets ouvrant ou annulant des crédits, qui ne sont pas retracées de manière satisfaisante dans les lois de finances rectificatives ultérieures afférentes au même exercice. Cela passe par une documentation précise des ouvertures et annulations de crédits réalisées par voie de décret en cours d'année (reports, décrets d'avance ou d'annulation...) ».
En effet, plusieurs institutions comme le Haut conseil des finances publiques, la Cour des comptes ou encore le FMI ont pointé l'absence de documentation précise des 10 milliards d'euros d'économies. Face à cette inaction, les sénateurs considèrent que le parlement a été « privé de l'information nécessaire à l'exercice de ses prérogatives et notamment le vote du budget ». Très remontés pendant le point presse, les sénateurs estiment que «le gouvernement n'a toujours pas respecté les obligations qui lui incombent ».
Des recettes publiques en berne
L'ampleur du déficit s'explique en grande partie par un trou béant dans les recettes fiscales. Le gouvernement comptait sur des recettes colossales de la taxe sur les industries électriques (CRIM, contribution sur les rentes inframarginales) estimées à 12 milliards d'euros. Mais son rendement a été bien moindre qu'espéré. L'Etat n'a réussi qu'à récupérer que quelques centaines de millions d'euros de ce prélèvement. « Les recettes espérées sur la CRIM se sont effondrées », a réagi Claude Raynal. Quant à la baisse de l'impôt sur les sociétés de 33% à 25% défendue par le gouvernement, « son impact aurait dû être plus nuancé ».
Face aux critiques, le gouvernement avait balayé d'un revers de main les questions des oppositions parlementaires sur les rendements attendus de ces nouveaux impôts dans l'hémicycle. Mais l'instabilité politique actuelle pose aussi de vastes questions à l'étranger et dans les milieux financiers. «Les agences de notation ne sont pas notre bible mais elles s'appuient sur cette communication. La dégradation de la note a un impact économique. On ne peut pas tout banaliser. La chute peut être brutale », a averti Claude Raynal. À moins de trois semaines du premier tour des législatives, le gouvernement va devoir sortir les rames.
Pressé par un déficit plus élevé que prévu et le verdict des agences de notation, le gouvernement navigue en eaux troubles pour la préparation du budget 2025. Le ministre des Comptes publics Thomas Cazenave avait débuté il y a quelques semaines les traditionnelles tractations avec les autres ministères pour trancher les recettes et dépenses de chaque mission. Mais l'annonce fracassante de la dissolution de l'Assemblée nationale a complètement chamboulé l'agenda budgétaire. Les comptables de Bercy sont actuellement plongés dans une période de profonde confusion. Le ministre Budget est reparti en campagne pour les législatives à Bordeaux. Quant au ministre des Finances Bruno Le Maire, il a annoncé qu'il ne se représentait pas pour les législatives dans l'Eure mais reste sur le terrain en soutien aux candidats de la majorité.Une préparation du budget 2025 dans la confusion