En ouverture ce matin, au lendemain de l'annonce par le président Emmanuel Macron de la dissolution de l'Assemblée nationale, les marchés accusaient clairement le coup. L'indice phare de la place de Paris, le CAC 40, affichait, ensuite, un repli de l'ordre de 1,9% dans l'après-midi, soit trois plus que l'indice européen Stoxx 600. L'effet est également visible sur l'obligation d'Etat française à 10 ans qui prend presque douze points de base dans la journée à 3,22%, contre seulement six points de base pour l'obligation allemande à dix ans (à 2,67%). Enfin, l'euro perd du terrain face au dollar, mais ce mouvement doit sans doute davantage à la politique monétaire moins restrictive de la Banque centrale européenne (BCE).
Pas de menace sur la croissance
Mais cette réaction à chaud des marchés devra s'apprécier sur la durée, alors que les indices boursiers sont encore proches de leur plus haut. « Depuis quelques années, nous constatons que les marchés ont toujours tendance à relativiser le risque politique tant qu'il n'y a pas de menace immédiate sur la croissance », réagit Benoît Peloille, directeur des investissements chez Natixis Wealth Management (WM). Certes, la grande coalition de centre droit au Parlement européen sort affaiblie de ces élections européennes, mais les conséquences économiques de la montée des partis nationalistes et populistes en Europe demeurent encore floues.
L'objectif européen de mettre fin à la commercialisation des voitures neuves thermiques en 2035, qui doit être voté en 2027, est clairement remis en cause désormais. A court terme, cette moindre pression devrait profiter aux constructeurs, et plus généralement, a l'industrie exposée à la transition énergétique. Les constructeurs automobiles ont d'ailleurs plutôt bien encaissé cette journée, à l'exception de Renault qui s'est résolument engagé dans la voiture électrique avec de nombreux nouveaux modèles. L'équipementier Michelin a également bien résisté. Les valeurs bancaires française ont en revanche particulièrement souffert, preuve sur le secteur financier est plus sensible à l'instabilité politique que d'autres.
Perception dégradée
« Ce qui est plus embêtant, c'est la perception d'une lente dégradation de la solidité de la France », estime Benoît Peloille. Car l'une des grandes forces de la France, qui fait également la qualité de sa signature sur les marchés, comme le soulignent d'ailleurs régulièrement les agences de notation, c'est la stabilité de ses institutions. Or, depuis la révolte des gilets jaunes, les émeutes liées à la réforme des retraites, puis la crise des agriculteurs, et aujourd'hui une dissolution qui risque de porter au pouvoir l'extrême-droite, désormais bien ancrée dans la paysage politique, la visibilité dans ce domaine devient de moins en moins évidente.
« La fragmentation politique ajoute à l'incertitude quant à la capacité du gouvernement à continuer à mettre en œuvre des politiques qui augmentent le potentiel de croissance économique et qui s'attaquent aux déséquilibres budgétaires », a d'ailleurs avancé, le 31 mai dernier, l'agence de notation Standard & Poor's dans son argumentaire pour expliquer sa décision de dégrader d'un cran la note de la France à AA-. « Ma grande crainte, c'est le sujet politique, c'est une situation de blocage, notamment sur le budget », nous confiait récemment un grand banquier de la place.
Or, cette crise politique aiguë risque de réveiller des craintes jusqu'ici enfouies, comme une croissance poussive et des déficits historiques, et faire peur aux investisseurs. La France doit en effet gérer un déficit de 5 % du PIB, faire face à ses besoins de transition énergétique estimés à 80 milliards d'euros par an, soit 4% du PIB, et donc, quelque soit la majorité sortie des urnes, affronter une sérieuse cure d'amaigrissement, aux effets forcément récessifs.
Tout ces éléments risquent de compter dès lors que les investisseurs auront l'impression de ne plus comprendre la situation politique de la France, ou que cette situation soit mal maitrisée par le pouvoir en place. L'investisseur ne prend pas de risque et retournera logiquement dans sa zone de confort, les marchés américains où les rendements sont encore élevés.