Boris Cyrulnik : « Jamais je n'aurais imaginé revivre ce cauchemar »

REGARDS CROISÉS - Le RN largement en tête aux européennes, la dissolution surprise de l'Assemblée, les législatives anticipées... Pour éclairer cette période politique particulière, Denis Lafay, conseiller éditorial à La Tribune, convoque de multiples regards. Aujourd'hui, dialogue avec Boris Cyrulnik, neuropsychiatre.
« A quoi une société désorganisée aspire-t-elle ? A un sauveur, et peu importe le clan qu’il représente », estime Boris Cyrulnik.
« A quoi une société désorganisée aspire-t-elle ? A un sauveur, et peu importe le clan qu’il représente », estime Boris Cyrulnik. (Crédits : Fleurine Pospiech)

LA TRIBUNE - Vous interveniez à Prague lors d'un congrès de l'Académie des Sciences consacré à la résilience, lorsque la double sentence est tombée le 9 juin au soir : en France, la victoire du pôle d'extrême droite (40% des suffrages) et une heure plus tard la dissolution. Comment vos hôtes ont-ils « reçu » le coup de tonnerre ?

BORIS CYRULNIK - Ils étaient atterrés. Y compris pour eux-mêmes, car ils redoutent que les répercussions sur le fonctionnement et l'avenir de l'Union européenne entraveront leur propre développement. Atterrés et dans l'incompréhension, eux qui ont connu les deux extrémités - nazie et communiste - du spectre totalitaire et qui en 2021 ont écarté le régime du « Trump tchèque » Andrej Babis. Voilà un peuple érudit, polyglotte, habitué aux mixités transfrontalières avec la Pologne, l'Allemagne, l'Autriche et bien sûr la Slovaquie, et qui regarde une France qui, elle, fait le choix de l'enfermement à l'intérieur de ses frontières et du rejet des étrangers. Oui, incompréhensible...

Lire aussiAlain Bauer : « Le problème d'Emmanuel Macron ? Sa relation avec les Français »

On vous sent extrêmement affecté, aussi parce que ce contexte réveille les cauchemars de votre petite enfance, vous qui vous êtes miraculeusement échappé d'une rafle à Bordeaux qui eut raison du sort de votre famille...

Je suis « dans » le dernier chapitre de mon existence, et voilà que j'entends les mêmes mots, j'observe les mêmes haines, je déplore les mêmes lâchetés, je constate la même désunion qui enténébraient le premier chapitre de ma vie, à la fin des années trente et pendant la guerre. Jamais je n'aurais imaginé revivre ce cauchemar, être de nouveau hanté par ces abominables discours désormais prêts à irriguer l'exercice du pouvoir. Les historiens aiment assurer que « l'histoire ne se répète jamais ». J'avoue ne plus les suivre.

Une nuance tout de même : le RN incarne une politique xénophobe et discriminatoire, mais il est presque parvenu, au moins médiatiquement, à se débarrasser de ses oripeaux antisémites - la désignation (avant mise à l'écart) de candidats antisémites aux législatives rappelle toutefois quelque tenace réalité. Et ces oripeaux, c'est à l'extrême gauche dorénavant qu'ils s'expriment. Une inversion des attributs provoquée par le conflit israélo-palestinien, exploitée d'un côté (le RN) pour s'afficher « pro-juifs » (Serge Klarsfeld), de l'autre (LFI) pour draguer les suffrages des Français issus de l'immigration. Rangez-vous LFI et le RN dans le même « sac » de l'intolérance raciste ?

Mélenchon, à mes yeux, c'est l'extrême droite. C'est Doriot, le collaborationniste nazi qui avait fondé le Parti Populaire Français. Je n'ai pas de mots assez durs pour illustrer l'émotion, le dégoût que suscitent au fond de moi les déclarations post 7 octobre des députés LFI, son créateur en tête. Et depuis, leurs tergiversations sur l'acte de barbarie perpétré par le Hamas n'ont pas cessé de m'écoeurer. Aux fins de récupérer les voix des habitants des banlieues issus de l'immigration, ils instrumentalisent le conflit et distillent subrepticement une rhétorique antisioniste et en réalité antisémite répugnante. Charles Maurras « aussi » clamait ne pas être antisémite...  Peste brune et peste rouge m'inspirent une même nausée.

Qu'adviendra-t-il de l'Europe si les 27 pays de l'Union ne s'accordent plus sur le soutien à Volodymyr Zelinsky ?

Vos engagements personnels dans le brasier proche-oriental qui empoisonne la campagne politique française et fracture un peu plus encore la société, sont anciens. Vous avez toujours milité en faveur d'un Etat palestinien, vous êtes régulièrement intervenu en Cisjordanie comme universitaire ou médecin. Non sans risques. L'incohérence rappelle - toutes proportions gardées bien sûr - celle du 7 octobre : la plupart des victimes de l'atroce pogrom du Hamas, résidentes de kibboutz et fêtards, étaient de sensibilité pro-paix...

A plusieurs reprises dans mon existence, mes engagements en faveur de la paix m'ont valu des menaces de mort en provenance des extrêmes droites israélienne et française. Tout comme Edgar Morin, Robert Badinter ou Jean Daniel, mon adresse a été publiée sur internet, accompagnée pendant plusieurs mois d'exhortations à m'assassiner. Des articles négationnistes accompagnés de petits cercueils en bois m'ont été postés. Et je n'ai pas manqué non plus d'être insulté par des individus issus de l'immigration, cette fois pour ma judéité. Bref, des deux côtés d'une adversité que je n'ai jamais cessé de vouloir rapprocher l'une de l'autre et réconcilier, j'ai été la cible. L'indicible histoire de mon enfance s'est à plusieurs reprises brutalement rappelée à moi. Et dorénavant j'éprouve le même vertige.

C'est la construction européenne qui au lendemain de la guerre a initié la réconciliation des nations, et osons le mot : la réhumanisation de peuples qui s'étaient atrocement entredéchiré. Votre génération qui a suivi la libération doit à l'Union européenne la paix, elle a même puisé dans cette construction des éléments du « processus de résilience » que vous avez modélisé et popularisé. Le 9 juin dernier, 40% des suffrages se sont portés vers un rejet de l'Europe, et l'hypothèse de l'arrivée de Jordan Bardella à Matignon pourrait déchiqueter l'UE. Cette peine vous accable-t-elle tout autant ?

Je me répète : l'adage des historiens discréditant toute répétition de l'histoire au nom de contextes sans relation les uns aux autres, me semble présomptueux. Si je fais référence à la xénophobie, au repli sur soi et à l'intérieur de ses frontières, à la stigmatisation de groupes religieux ou ethniques, à la marginalisation des plus faibles et au rejet des étrangers, évoqué-je 1935 ou 2024 ? Bien malin qui peut répondre. Qu'adviendra-t-il de l'Europe si les 27 pays de l'Union ne s'accordent plus sur le soutien à Volodymyr Zelinsky et laissent l'innommable stratégie guerrière de Poutine annexer l'Ukraine ? Personne ne pourra me dissuader de la similitude des époques. Il faut avoir réellement vécu et pas seulement étudié dans les livres l'une et l'autre pour émettre un avis fondé.

Lire aussiAsma Mhalla : « L'extrême droite, c'est l'autoroute vers le techno-fascisme »

La société et le paysage politique français sont aujourd'hui davantage que morcelés : scindés. Deux blocs se font face, enserrant un « centre » qui s'est délité au fil des ans et n'est plus guère attractif. Là encore le parallèle avec les années trente est significatif.

Cette période ante Seconde Guerre mondiale en effet était fortement clivée. Au PPF de Doriot ripostait un Front populaire dominé par la montée en puissance des communistes. Le « centre » était invisible. Un activisme de gauche violente s'opposait à des mouvements de droite violente. L'extrême violence des deux clans divisait et inquiétait la société, et finalement la radicalité de l'un s'est superposée sur celle de l'autre jusqu'à banaliser la violence elle-même. Cette complicité des extrêmes est la même que celle à laquelle nous sommes aujourd'hui confrontés. J'y ajoute une nouveauté : l'érotisation des comportements extrémistes, qui s'applique à l'expression du sadisme et de la démonstration de force.

Cette complicité des extrêmes, qu'illustre-t-elle de notre organisation sociale ?

Justement, son antonyme : la désorganisation sociale. Or à quoi une société désorganisée aspire-t-elle ? A un sauveur, et peu importe le clan qu'il représente.

Qu'avons-nous collectivement perdu, méprisé, négligé, qui a créé ce climat de haine instrumentalisé par les pôles extrémistes et qui affaiblit si dangereusement notre démocratie ?

En premier lieu la capacité de débattre dans l'écoute, le respect, la nuance. Notre goût du débat démocratique est intoxiqué, le désaccord est synonyme de division alors qu'il est par nature source d'enrichissement mutuel, nous peinons à trouver des espaces de dialogue.

La radicalité est devenue la norme des échanges, elle a dévoyé la démocratie

Ceux-ci semblent réduits aux réseaux sociaux, à des biais algorithmiques, et à des chaines de télévision qui hystérisent les relations humaines et donc défigurent le débat politique censé éclairer le débat public. Comment y faire face ?

La qualité du débat politique est à l'image de l'offre politique incarnée par les deux pôles extrémistes : démoralisante. La profusion d'insultes, la quasi obligation de « faire le buzz » pour être repris sur les réseaux sociaux, le diktat des éléments de langage établis par les « services communication », la hâte qui caractérise les formats des émissions, rendent le débat politique, c'est-à-dire la confrontation utile d'idées, impossible. La radicalité est devenue la norme des échanges, elle a dévoyé la démocratie, elle a légitimé et popularisé le visage de l'autoritarisme ; faut-il s'étonner alors que le 8 juillet soit peut-être désigné à Matignon Jordan Bardella ou Jean-Luc Mélenchon ? La place qu'occupe la technologie dans nos sphères professionnelle et personnelle n'est pas étrangère à ce constat. Elle est devenue si importante qu'elle nous coupe de la réalité sensible ; la communication par la technologie s'est imposée à celle de la parole, du regard, de l'écoute, du geste, du silence, de l'attention, de la considération, c'est-à-dire à la communication par l'humanité. Le débat politique reflète cette vérité. Quant aux réseaux sociaux, nous savons que leurs algorithmes enferment les utilisateurs dans des schémas et des groupes endogames, dressant ensuite ces groupes les uns contre les autres - avec souvent la complicité complotiste et conspirationniste - et brisant alors la possibilité même de débat respectueux et profitable. Lorsque j'étais adolescent et sensible au communisme, je me complaisais dans des lectures de journaux qui me confortaient dans mes convictions. Moi-même donc m'enfermais. Mais nous avions accès librement à d'autres journaux, et donc plus tard j'ai pu choisir une presse plurielle grâce à laquelle j'ai découvert l'abomination stalinienne et ai remis en question des certitudes - un séjour en Roumanie à l'âge de 15 ans m'y aida aussi.... Ce choix, ce libre-arbitre, aujourd'hui la force de frappe technologique nous en dépossède. De plus, comme la lecture a tendance à décliner, une partie de la population s'en remet à ces funestes réseaux sociaux pour construire ses croyances et son argumentaire. Bref, c'est un cycle infernal.

Redoutez-vous que, s'il accède au pouvoir, le RN étende sa stratégie de normalisation et de séduction initiée après 2017 et arraisonne, petit à petit, la capacité de discernement, de libre-arbitre, et donc de résistance d'une partie de la population ?

Ce risque de sédimentation idéologique est à mes yeux l'un des plus sournois et plausible. Je vais l'illustrer par un témoignage. Il y a peu, j'écoutais un journaliste français en poste à Moscou. Il se pensait tout à fait imperméable à la propagande poutinienne, surtout armé de sa conscience et de son expérience de journaliste censées le protéger des influences et des ingérences. C'est seulement une fois de retour en France, confronté à un tout autre environnement informationnel, professionnel, familial, amical, qu'il a découvert et pris conscience combien en réalité il s'était laissé contaminer, malgré lui. Preuve que même équipé des plus fortes convictions, on ne résiste pas au martèlement permanent et multicanal du récit collectif, et donc à la subreptice tentation de la résignation ou de l'abdication.

Lire aussiDominique Méda : « Le RN nous promet le chaos civil et écologique »

Vous évoquez la figure du « sauveur ». N'est-ce pas d'elle qu'Emmanuel Macron se revendique ? N'est-elle pas l'origine de son autocentrisme décisionnel, de sa cécité face à l'évidence de son impopularité, in fine de son acte au soir du 9 juin ? Ce dernier, massivement qualifié d'incompréhensible, d'irrationnel, et même de suicidaire, résulte-t-il de la redoutable combinaison de l'hubris et de la blessure narcissique ?

Je connais bien Emmanuel Macron... et avant même sa naissance (rires) ; en effet, dans le cadre de mon internat, j'avais sous ma responsabilité deux jeunes externes : ses parents, dont je conserve un excellent souvenir. J'ai travaillé avec lui pendant presque deux ans dans le cadre de la commission Attali puis j'ai piloté à sa demande le rapport des « 1 000 premiers jours » (de l'existence) remis en 2020. D'Emmanuel Macron, je retiens d'abord une volonté et une capacité réelles d'écoute et d'attention, une culture et une élégance délicieuses. Son intérêt pour l'opinion d'autrui est sincère. Mais parfois les actes ne reflètent pas les intentions ou les impressions. Son refus d'entendre certains appels de la communauté scientifique pendant la pandémie Covid-19 et de décider seul contre eux, seul contre les plus compétents, en est une illustration. Ce que révèle son inexplicable décision le 9 juin, c'est sans doute en effet un hubris démesuré qui s'est traduit par un délire. Délire à considérer bien sûr dans son acception non psychotique - on peut être parfaitement équilibré et déclencher un acte délirant. Son attrait vraisemblablement obsessionnel pour l'extraordinaire, que matérialise et consolide sa trajectoire politique et professionnelle, peut isoler. Isoler de la raison, du sang-froid, de la lucidité, des contrepouvoirs, car on cherche alors à exister seulement dans l'extraordinaire. Ce qui peut conduire à la faute. La solitude obstrue la clairvoyance et la raison.

L'un des marqueurs d'Emmanuel Macron et dont sa décision du 9 juin est symptomatique, c'est aussi l'hyper-impatience, l'hyper-précipitation. En cela il est à l'aune d'une époque que les outils technologiques ont transformé en injonction de « faire immédiatement ». Le temps est devenu un adversaire quand il est sous contrôle ou mis à distance, un allié lorsqu'on le comprime sans limite et qu'on le laisse nous submerger. L'ivresse du temps est l'ennemi de la raison.

Ce juste constat s'applique à l'échelle de l'individu bien sûr, mais aussi à celle d'un pays. Exemple ? Les Etats-Unis. Voilà le plus pays le plus riche, et celui où l'on recense les pathologies les plus dévastatrices liées à la consommation et au stress. L'espérance de vie des femmes recule, les taux de suicide et la gangrène des opiacés impressionnent, le fléau de l'obésité (et donc du diabète) est vertigineux. Dans un domaine que j'ai bien étudié, l'anxiété des bébés, le constat est effarant. Impossible de les calmer lorsqu'ils pleurent. Pourquoi ? Parce que mère et père évoluent dans une société où tout est vitesse, consommation, écrans, bruit, vulnérabilité, où rien n'est concentration, silence, apaisement, sécurité.

Une famille qui se déchire c'est parce qu'elle manque de structure ; un pays qui se déchire, c'est parce son organisation sociale est affaiblie

Où les gains de l'existence, établis et normés par l'hyper-compétition et l'hyper-insatiabilité, sont dictés par le gain de temps...

Exactement. Quand les parents sont à ce point stressés par la nécessité de « faire vite », il est naturel que les bébés soient contaminés. Est-ce irrémédiable ? Je ne crois pas. Chacun connait l'esprit de compétition exacerbé au Japon, qui affecte les plus jeunes écoliers. Il se traduit par ce qu'on dénomme la « deuxième école » ; le soir, après la fin des cours officiels, les enfants rejoignent des formations complémentaires. Les plus riches d'entre eux étudient dans de confortables établissements, les autres dans des cafés ou même des caves. Bref, le temps de la scolarité s'étend sur une journée et demi ! Les pouvoirs publics se sont inspirés du rapport « Les 1 000 premiers jours » pour fermer les portes de ces « deuxièmes écoles », à la fois parce qu'elles attentent évidemment à la santé psychique des enfants, et aussi parce qu'elles consolident les inégalités sociales.

Le pays tout entier, mais aussi chaque groupe social - familial, amical, professionnel, associatif - auquel on appartient s'expose à des déchirements, tant l'abîme idéologique est abyssal entre pro et anti-RN, entre pro et anti-Nouveau Front de gauche (celle-ci liée à la présence de LFI). Comment pouvons-nous anticiper et cautériser ce péril ?

Par le passé, l'affaire Dreyfus avait radicalement divisé et fracturé jusque dans les familles. Chaque conflit, chaque guerre tracte son lot de déchirures, parfois sanglantes. Lors de la guerre civile en Espagne, républicains et franquistes s'affrontaient physiquement lors des banquets de famille. Et les exemples sont infinis. Ce que les cas de déchirement ont en commun, c'est la désorganisation. Une famille qui se déchire c'est parce qu'elle manque de structure ; un pays qui se déchire, c'est parce son organisation sociale est affaiblie. Quelle que soit l'échelle qu'on observe, ceux qui échappent aux déchirements ont réussi à cultiver et à préserver un espace de dialogue, d'écoute, de respect même lorsque l'objet de la communication est aussi aigu que celui auquel nous sommes aujourd'hui confrontés. Ils acceptent le désaccord...

Lire aussiLégislatives : « Tout ça va mal finir » (François Dubet, sociologue)

... et pour cela distinguent l'opinion - contestée - de celle ou celui - respecté(e) - qui l'exprime. Ces déchirements ne sont pas un péril pour tous. Ils deviennent précieux dans les mains de ceux qui les instrumentalisent. A commencer chez les forces politiques extrémistes, et particulièrement chez les personnalités les incarnant qui cherchent à tresser un lien de fascination et de subordination auprès de leur électorat. Le désordre profite toujours à quelqu'un...

Cette réalité, incontestable et pourtant peu visible, je vais l'illustrer par une apparente digression. L'envahissement des nouvelles technologies favorise la destruction des liens à laquelle elle substitue l'illusion des liens. Celle-ci confère au « bonheur » d'être accessible immédiatement et par tous.  Qui en profite ? Notamment le - prolifique - commerce du bien-être et du développement personnel. Prospère alors une cohorte de coachs, de conseils, d'associations ad hoc, de traités fallacieusement présentés comme scientifiques, sans autre légitimité que celle autorisée par l'absence de règlementations et par l'appât du gain. Ils agissent comme des tranquillisants, dont l'enjeu est d'alléger leurs proies de leurs responsabilités. En résumé : « Si je n'accède pas au bonheur, ce n'est pas de ma faute. Et si je recours à un tranquillisant, je vais y parvenir », pensent-elles. Pour cela, la figure incarnant celle ou celui qui va l'extraire du tunnel et l'amener vers la « lumière » est cardinale. En effet, elle doit détourner sa « victime » de l'essentiel : son libre-arbitre, et donc son exercice de la responsabilité. Au procès de Nuremberg, les prévenus se dédouanaient de toute culpabilité, affirmant avoir simplement obéi : « On m'a donné l'ordre de tuer. J'ai donc tué ». Le tranquillisant prend souvent la forme d'une personnalité, charismatique, une sorte de gourou en qui on voit un « sauveur ». Les dictateurs parvenus au pouvoir par les urnes ont cette particularité en commun. La priorité pour riposter à la dilution des liens est de réapprendre à négocier la présence de l'autre. Chacun est en transaction avec autrui, c'est-à-dire qu'il doit respecter des règles grâce auxquelles autrui existe à ses yeux et il existe aux yeux d'autrui. Ces règles sont induites dans la culture, dans la parole, dans l'écoute, grâce auxquelles nous apprenons à contrôler nos pulsions et à construire cette transaction. La culture est tout sauf élitiste, elle n'est pas seulement un grand opéra mozartien, elle est tout autant un livre simple, une chanson légère.

Elle est ce qui nous émancipe, nous libère, nous autonomise. Et nous lie.

Oui ! Alors cultivons la culture !

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaires 35
à écrit le 27/06/2024 à 1:46
Signaler
Je ne suis pas d'accord sur un point. Lorsque monsieur Cyrulnic met sur le même plan lfi et le rn. Non ce n'est pas la même chose. L'extrême gauche avec aussi ses problèmes et sa tendance parfois à pousser le curseur n'est pas issu d'une matrice tota...

à écrit le 26/06/2024 à 19:01
Signaler
Les chiens de garde du système qui les gave en panique , du pur bonheur !

à écrit le 26/06/2024 à 15:06
Signaler
Merci Boris

à écrit le 26/06/2024 à 14:10
Signaler
Bla bla bla...pas mieux que Mélenchon mais Mélenchon fait plus court!

le 27/06/2024 à 22:19
Signaler
Bonjour, Je pense que si vous avez lu l'entretien de B.C., vous ne pouvez pas faire de telles comparaisons. Je suppose donc que vous ne l'avez pas lu.

à écrit le 26/06/2024 à 11:51
Signaler
Excellent article de Cyrulnik à lire et à relire . Cultivons la culture. C’est la phrase qui résume tous nos problèmes actuels. Le passage sur Macron est très bien analysé.

le 27/06/2024 à 1:51
Signaler
Oui et non car la culture est bien svt l'apanage de l'élite et la marque d'un entre soi excluant. L'élitisme ambiant est une marque de mépris, une forme de racisme de caste ? Sous couvert de culture on exclut ?

à écrit le 26/06/2024 à 8:36
Signaler
"Mélenchon, c'est l'extrême droite" "En premier lieu, nous avons perdu la capacité de débattre dans l'écoute, le respect, la nuance." Pourquoi donnez vous la parole à des personnes séniles en plein AVC ???

à écrit le 25/06/2024 à 13:10
Signaler
Triste. Cyrulnik est passé d'intellectuel respectable à un rhinocéros partageant la propagande de la violence de sa propre enfance. Le lavage de cerveau des médias est efficace. Immédiatement disqualifié quand il avance que LFI c'est l'extreme d...

à écrit le 24/06/2024 à 21:47
Signaler
Ces pseudos centristes qui qualifient les oppositions d’extremistes commencent à agacer. Je n’aime pas Melenchon, pour autant je lui reconnais que c’est le seul qui met dos à dos les criminels de guerre des 2 camps au proche orient, c’est la position...

à écrit le 24/06/2024 à 18:39
Signaler
Maurras clamait ne pas être antisémite... et clamer que d'autres le sont est-ce plus digne quand on n'a pas le début du commencement d'un argument tangible à avancer sur des accusations pourtant gravissimes ? Passer sa vie à tenter d'éclairer sur le ...

le 25/06/2024 à 9:01
Signaler
C'est vrai ça ! Pourquoi l'antisémitisme existe t'il ?

à écrit le 24/06/2024 à 17:36
Signaler
Relisez ce qu'à vraiment dit et écrit Mélanchon, par ailleurs maladroit et emporté, ce qui n'excuse pas tout. Il parle de résistance légitime d'un peuple occupé et opprimé, pas d'autre chose.

à écrit le 24/06/2024 à 17:19
Signaler
Comme le souligne @ matins calmes, la vieillesse est un naufrage, encore que la lecture des tweets du philosophe Edgar Morin puissent laisser penser le contraire. Il y a boire et à manger dans ces réflexions, mais elles montrent notamment que M. cyr...

le 24/06/2024 à 18:24
Signaler
Les spécialistes en neurosciences et leurs biais cognitifs. Les cordonniers sont les plus mal chaussés :D

à écrit le 24/06/2024 à 14:24
Signaler
A lire Cyrulnik, le freluquet est respectable et il va bien d'un point de vue psychotique. Ben voyons. La vieillesse est un naufrage, dixit Chateaubriant.

à écrit le 24/06/2024 à 13:38
Signaler
Bonjour, à pousser ainsi les discours "extrême droite = extrême gauche", "la gauche est antisémite"...vous, journalistes, portez une responsabilité dans l'ascension du RN et son accession au pouvoir. La gauche s'appuie sur des fondamentaux, comme l'...

à écrit le 24/06/2024 à 12:26
Signaler
Tous les totalitarismes occidentaux et leurs derives inhumaines sont imputables au socialisme extrême et donc à son étatisme tentaculaire et planificateur. Que ça soit du socialisme national ou du national socialisme. Sans exceptions il s'agit de pro...

le 24/06/2024 à 12:58
Signaler
Et où mettez vous TRUMP là dedans ?

à écrit le 24/06/2024 à 12:25
Signaler
Tous les totalitarismes occidentaux et leurs derives inhumaines sont imputables au socialisme extrême et donc à son étatisme tentaculaire et planificateur. Sans exceptions il s'agit de produits dérivés du socialisme anti-libéraux. Aujourd'hui ce dang...

à écrit le 24/06/2024 à 10:59
Signaler
"Au procès de Nuremberg, les prévenus se dédouanaient de toute culpabilité, affirmant avoir simplement obéi : « On m'a donné l'ordre de tuer. J'ai donc tué »." C'était là tout naturel car un prévenu qui se doute bien qu'il joue sa peau va essayer de ...

le 24/06/2024 à 17:39
Signaler
L’expérience de Milgram était une étude de psychologie sociale menée par Stanley Milgram en 1963. Elle avait pour but d’étudier le comportement humain face à l’autorité et la soumission à celle-ci, et consistait à tester la capacité des individus à o...

à écrit le 24/06/2024 à 10:35
Signaler
Le compromis n'est pas tellement dans la culture française, encore moins la vieille droite qui hait tout le monde et qui se fait toujours plus virulente depuis les années 70/80, Macron s'inscrivant bien dans cette droite orléaniste autoritaire et sui...

le 24/06/2024 à 12:42
Signaler
J’aurais dit la même chose de la gauche maoïste et communistes, toujours amis de la coercition, des impôts, jalouse et rance, prompt à la violence verbale et physique à l’encontre de tout ceux qui ne pensent pas comme eux, même quand ils racontent n’...

le 24/06/2024 à 13:57
Signaler
@math : on parle peut-être dss mêmes car il n'est pas rare que es neo-conservateurs thatcheristes ou reaganiens soient d'ex-maoïstes rapidement embourgeoisés dans les années 70.

à écrit le 24/06/2024 à 10:05
Signaler
Il serait temps que Mélenchon prenne sa retraite !

à écrit le 24/06/2024 à 10:02
Signaler
C'est incroyable de ramener tout à de l'extrême droite. Le danger est bien islamo-gauchiste mais, même avec le nez dedans, ils disent encore que ça n'en est pas...

à écrit le 24/06/2024 à 9:38
Signaler
Et donc comme cela ne change rien, autant voter extrême gauche plutôt qu'extrême droite, juste pour faire mentir la télé!

le 24/06/2024 à 10:06
Signaler
C'est vrai que 90% des journalistes sont de droite, que le service public est en grande majorité de droite et que tous les journaux sont de droite et d'extrême droite et je ne parle pas des intellectuels et des artistes ! Donc votons a gauche pour no...

à écrit le 24/06/2024 à 9:25
Signaler
attendez, attendez!!!!!!!! quand a gauche on extermine des gens ( par millions ou par millier), c'est topujours avec bienveillance dans la tolerance reenchantee!!!!!!!!!!!! demandez aux indiens PEMON, chez l'ami de Melenchon, qui n'a rien de ultra ne...

à écrit le 24/06/2024 à 9:20
Signaler
Le propos est intéressant, par contre quand il parle de la disparition du centre il a raison mais qui a tué ? La droite, la droite qui n'a jamais accepté les compromis dits sociaux. Qui a passé 7 années à conspuer la présidence Hollande et de ce fa...

à écrit le 24/06/2024 à 8:34
Signaler
Tellement juste, tellement vrai et humain ! Merci Monsieur pour ce moment de raison et d'experience qui fait grand bien.

à écrit le 24/06/2024 à 8:29
Signaler
Sur quelle base les journalistes et médias s’ appuient ils pour prétendre que 35% de suffrages exprimés aux européennes représente 40% des votes pour les législatives : un français sur 2 n a pas voté aux européennes… à suivre

à écrit le 24/06/2024 à 8:29
Signaler
Vous entendez aussi et toujours les mêmes médias qui se déresponsabilisent de ce qu'ils racontent tant que l'argent (de la pub) entre en caisse !

à écrit le 24/06/2024 à 8:09
Signaler
Ouais c'est ce que dit la télé aussi et donc ? Comment cela se fait qu'il soit à la tête d'un parti aux idées opposées ? Là ce serait intéressant de comprendre.

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.