Inflation : « La bataille a été gagnée », se félicite Bruno Le Maire

Par latribune.fr  |   |  1336  mots
Le ministre de l'Economie et des Finances, Bruno Le Maire. (Crédits : CLAUDIA GRECO)
Le ministre de l'Economie estime que « l'inflation est derrière nous », après que l'Insee a indiqué mi-mai que les prix avaient augmenté de 2,2%, sur un an, en France au mois d'avril. Lors de sa dernière réunion en avril, la BCE a jugé « plausible » de commencer à baisser ses taux directeurs en juin si les données confirment le retour de l'inflation en zone euro à 2%.

L'inflation est « derrière nous ». Voilà ce qu'a affirmé ce mardi matin Bruno Le Maire au micro de CNEWS-Europe 1. Le ministre de l'Économie estime en effet que « la bataille a été gagnée » contre la hausse des prix en France. « J'avais aussi annoncé que nous serions autour de 2% d'inflation début 2024, nous sommes fin mai 2024, et nous sommes autour de 2% d'inflation, donc le pari a été gagné », a-t-il déclaré.

Les dernières données de l'Insee sur le sujet vont dans le sens de cette affirmation. Selon l'institut statistique, les prix ont ainsi augmenté de 2,2% en avril sur un an, confirmant sa première estimation d'un léger ralentissement de l'inflation, sur fond d'une hausse plus modérée des prix alimentaires.

Après une inflation de 2,3% en mars, la baisse « résulte du ralentissement sur un an des prix de l'alimentation (+1,2% après +1,7%) et du tabac (+9,0% après +10,7%) », a précisé l'institut. Les prix des produits manufacturés se sont même légèrement repliés, de 0,1% (après +0,1% en mars). Les prix des services, qui représentent près de la moitié de la consommation, ont augmenté sur un an au même rythme qu'en mars, +3%, selon ces données définitives.

L'ombre du coût toujours élevé des logements

« On a des prix à la pompe qui aujourd'hui sont stables ou en légère diminution, on a quelques produits alimentaires qui diminuent, mais il n'empêche que le coût du logement reste très élevé dans beaucoup de zones où c'est tendu », nuance Bruno Le Maire.

« On a encore des difficultés structurelles à résoudre mais sur le chiffre même de l'inflation, il était cinq points au-dessus il y a encore quelques mois. On s'est beaucoup battus pour le ramener à 2%. J'avais pris un engagement : 2% d'inflation mi-2024. Nous y sommes, l'engagement est tenu », s'est félicité le ministre de l'Économie.

Baisse des taux directeurs « plausible » en juin

Sur un an, l'indice des prix à la consommation harmonisé (IPCH, qui permet les comparaisons avec les autres pays de l'UE et intéresse particulièrement la Banque centrale européenne pour sa politique monétaire) augmente de 2,4% en avril 2024, comme en mars, et de 0,6% sur le mois, après +0,2% en mars.

Lire aussiRoyaume-Uni: l'inflation au plus bas depuis près de trois ans, proche de la cible des 2%

Lors de sa dernière réunion en avril, la BCE a jugé « plausible » de commencer à baisser ses taux directeurs - actuellement à leur plus haut - en juin si les données confirment d'ici là le retour anticipé de l'inflation dans la zone euro à la cible de 2%, selon le compte rendu publié la semaine passée. Les gardiens de l'euro s'attendent à un retour de l'inflation à cette cible en 2025, après 2,3% en 2024.

« Nous sortons progressivement de la crise inflationniste et nous allons inverser le cycle des taux », a déclaré le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau, auditionné par la commission des Finances de l'Assemblée nationale.

« Il y aura peut-être des variations de court terme de l'inflation dans les mois à venir mais nous allons ramener l'inflation à 2% d'ici l'an prochain au plus tard », a-t-il ajouté.
« Donc le temps est venu de décider la première baisse des taux courts, selon toute probabilité début juin. Ensuite, le rythme des baisses sera décidé à chaque réunion en fonction des données et des prévisions européennes », a-t-il précisé.

La baisse des taux dépendra de l'inflation pour mai

Toutefois, les perspectives d'une baisse du taux directeur de la Banque centrale européenne (BCE) le mois prochain semblent quelque peu atténuées en amont des chiffres de l'inflation pour mai, attendus vendredi.

Bien que le marché s'attende encore à ce que la Banque centrale européenne annonce une baisse de ses taux directeurs à l'issue de sa prochaine réunion de politique monétaire, le 6 juin, cette probabilité a légèrement baissé depuis la semaine dernière, note Kathleen Brooks, de XTB. « Les attentes de réduction des taux de la BCE dépendent de l'inflation de mai » en zone euro, publiée vendredi, conclut l'analyste.

Lundi pourtant, « les intervenants de la BCE ont exprimé des orientations plutôt accommodantes, le membre français du Conseil des gouverneurs », le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau « suggérant qu'ils ne devraient pas exclure des réductions (de taux) l'une à la suite, en juin et juillet », remarquent les analystes de la Deutsche Bank.

Lire aussiÉtats-Unis: des responsables de la Fed prêts à relever les taux directeurs face au rebond de l'inflation

Cependant, « si l'inflation s'accélère en Europe, la BCE ne pourra pas se permettre de baisses consécutives des taux », tempère Ipek Ozkardeskaya, analyste de Swissquote Bank. « Le rythme des réductions de taux sera plus lent en cas de surprises à la hausse de l'inflation sous-jacente » ou « du niveau de la demande, donc si l'économie européenne montre des signes d'une reprise tirée par la demande », a ainsi déclaré le chef économique de l'institution monétaire, Philip Lane, lundi à Dublin. Il a ajouté que l'inverse était vrai en cas de « surprises à la baisse » de l'inflation.

La croissance des salaires incite la BCE à la prudence

Par ailleurs, la croissance des salaires, faisant craindre un retour de l'inflation, pourrait inciter la BCE à la prudence pour ses prochaines décisions. Celle-ci a légèrement accéléré au premier trimestre 2024 dans la zone euro, selon des chiffres publiés jeudi dernier par la BCE.

Les salaires en zone euro ont augmenté de 4,69% au premier trimestre après 4,45% au cours des trois mois précédents, les salariés continuant de négocier à la hausse afin de compenser les pertes de revenus réels liées à l'inflation. La BCE prévoit une hausse de la rémunération de 4,5% en zone euro cette année, de 3,6% en 2025 et de 3,0% en 2026.

De fait, les membres au biais restrictif (« faucons ») du Conseil des gouverneurs pourraient s'appuyer sur ces chiffres pour éloigner de nouvelles baisses plus tard dans l'année. Isabel Schnabel, Pierre Wunsch, Klaas Knot, Joachim Nagel et Martins Kazaks avaient suggéré qu'une deuxième baisse des taux en juillet pourrait être prématurée.

La BCE affirme qu'une croissance des salaires nominaux de 3% serait compatible avec son objectif d'inflation de 2%, une croissance supérieure suggérant l'existence de pressions salariales excessives générant de l'inflation.

Lire aussiCroissance au rendez-vous, inflation en baisse : l'économie de la zone euro reprend des couleurs

Pour autant, la banque centrale a aussi déclaré que les travailleurs méritaient d'être compensés pour la perte de leurs revenus et qu'une période modeste de croissance plus rapide des salaires était acceptable, d'autant que les marges bénéficiaires des entreprises pouvaient absorber une grande partie de cette augmentation.

Bruno Le Maire appelle à ne pas « noircir le tableau »

Interrogé sur ce sujet ce mardi, Bruno Le Maire « ne partage pas cette analyse » des faucons de la BCE. « Je considère qu'il ne faut pas noircir le tableau, a déclaré le ministre de l'Economie. On a réussi à gagner la bataille contre l'inflation, on a maîtrisé les prix, on a des salaires qui sont plus dynamiques que les prix, tant mieux. On ne va pas non plus se battre pour avoir des salaires qui progressent moins vite que l'inflation ».

« Je ne pense pas que ça fera rebondir l'inflation. C'est l'analyse des faucons de la Banque centrale européenne ou de certains faucons des milieux financiers européens, qui dès qu'il y a un frémissement sur les salaires vous disent : "C'est terrible, il faut immédiatement augmenter les taux d'intérêt" », a-t-il déploré. « Si à chaque fois que les salaires augmentent on nous dit : "C'est tragique, c'est catastrophique, il faut serrer la vis", c'est complètement décourageant pour ceux qui travaillent », insiste le ministre.

(Avec AFP et Reuters)