Epargne, immobilier... Quelle stratégie patrimoniale adopter en ces temps troublés ?

A l’issue des élections législatives, la probabilité de voir la gauche gouverner et alourdir la fiscalité a plongé les ménages des classes supérieures dans un profond questionnement sur la gestion de leur patrimoine. D’après les professionnels de la finance, certains foyers pensent à nouveau à s’expatrier. Une envie qu’Emmanuel Macron avait réussi à dissiper depuis son arrivée à l’Elysée en 2017.
L'arrivée de la gauche au pouvoir sera probablement accompagnée d'une hausse de la fiscalité pour les ménages aisés de l'Hexagone.
L'arrivée de la gauche au pouvoir sera probablement accompagnée d'une hausse de la fiscalité pour les ménages aisés de l'Hexagone. (Crédits : Reuters)

Attentisme, inquiétude... Le résultat des élections législatives, dimanche 7 juillet, où le Nouveau Front populaire (NFP) est arrivé en tête sans obtenir la majorité absolue, a ravivé la crainte des ménages aisés, enfouie depuis l'arrivée au pouvoir d'Emmanuel Macron en 2017, de voir la fiscalité flamber. Et ce n'est pas la lettre aux Français, publiée le 10 juillet, dans laquelle le chef de l'Etat demande à « l'ensemble des forces politiques » de « bâtir une majorité solide, nécessairement plurielle » qui va rassurer cette élite financière, souvent épaulée par des conseillers en gestion de patrimoine.

« J'ai plusieurs clients qui souhaitaient acheter des immeubles pour faire de la location étudiante, des opérations entre 600.000 et 1,5 million d'euros, confesse François-Xavier Sœur, fondateur de Terrae Patrimoine et conseiller en gestion de patrimoine. Ces projets sont aujourd'hui mis en attente, voire annulés. »

« Il est clair que nos clients sont inquiets », abonde Florent Belon, responsable chez Olifan Group. Même son de cloche du côté de Meeschaert Gestion Privée, où le directeur de l'ingénierie patrimoniale, Laurent Desmoulière, considère que les mesures fiscales du Nouveau Front populaire apportent « surtout beaucoup d'inquiétudes » aux clients.

Même s'il n'est pas certain, à ce stade, que l'alliance de gauche gouvernera la France au sein d'une coalition, son programme fiscal donne des sueurs froides à ceux qui détiennent du capital ou encaissent des hauts revenus. En vrac, on y lit le souhait d'« accroître la progressivité de l'impôt sur le revenu à 14 tranches », de « réformer l'impôt sur l'héritage pour le rendre plus progressif », de « supprimer la flat tax », ou encore de « rétablir un impôt de solidarité sur la fortune ».

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Contexte flou

Dans ce contexte d'incertitude politique, les questions des clients argentés fusent auprès des professionnels de la finance qui tentent d'élaborer des stratégies patrimoniales. Pour Laurent Desmoulière, trois questions principales se posent aujourd'hui : « Y a-t-il des opérations à réaliser sans attendre ? ; Faut-il détenir une partie de son patrimoine à l'étranger ? ; Faut-il même envisager une expatriation ? »

C'est ainsi qu'avant même le premier tour des législatives, François-Xavier Sœur a pris la décision de sortir les titres liés aux infrastructures (Eiffage, Vinci, etc.) des portefeuilles boursiers de ses clients. « Parce qu'il y a des risques de nationalisation potentielle avec la gauche au pouvoir », justifie-t-il. Certains clients redoutent même « un risque juridique pour leur épargne », poursuit le conseiller en gestion de patrimoine. En cause, un contexte économique très dégradé, où la dette de l'Hexagone dépasse les 3.000 milliards d'euros et le déficit public atteint 5,5% du PIB.

Pour « sécuriser » une partie de leur patrimoine, des épargnants font le choix, dans cette atmosphère nébuleuse, de souscrire une assurance vie auprès d'une compagnie luxembourgeoise. « Mais le contrat d'assurance vie luxembourgeois n'est pas non plus l'alpha et l'oméga, nuance Florent Belon d'Olifan Group, car le client reste créancier d'un assureur. » Et, en tant que résident fiscal français, le rachat du contrat est soumis à la fiscalité française.

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Envisager une donation dès cette année

Un autre élément peut être envisagé sans tarder par les ménages inquiets : la donation. Car s'il existe des risques de « petite rétroactivité » de la loi fiscale sur certains revenus encaissés en 2024, ce n'est pas le cas pour la donation. « Je pense qu'il faut engager dès à présent une réflexion autour de la donation, reprend Laurent Desmoulière chez Meeschaert Gestion Privée. Car le fait générateur de l'imposition d'une donation est le jour de la donation et, constitutionnellement, une loi de finances ne peut pas modifier rétroactivement la fiscalité. »

« Mais attention à donner des actifs qui prennent de la valeur, comme des titres de portefeuille, prévient Florent Belon. Car les abattements ne se renouvellent que tous les 15 ans, les cartouches sont donc limitées. »

Les difficiles arbitrages autour de la flat tax

En cas d'arrivée au pouvoir, le Nouveau Front populaire a promis de « supprimer la flat tax ». « C'est l'un des gros sujets pour nos clients », confirme Laurent Desmoulière. Mise en place au 1er janvier 2018, le prélèvement forfaitaire unique (PFU) vient frapper les dividendes, intérêts ou encore les plus-values de cession de valeurs mobilières au taux global de 30% (12,8% de taux forfaitaire d'imposition et 17,2% de prélèvements sociaux).

Face à cette possible suppression, quelle attitude adopter ? Faut-il, notamment pour les chefs d'entreprise, se verser davantage de dividendes avant le 31 décembre ? « Le prélèvement forfaitaire unique (PFU) n'est pas libératoire, rappelle Florent Belon. Lorsque vous versez un dividende, la retenue à la source n'est qu'un acompte à l'imposition définitive de l'année suivante. » Ainsi, pour l'expert, « il est possible qu'une loi de finances, adoptée avant le 31 décembre, vienne modifier le taux d'imposition appliqué aux revenus financiers. » Choisir de se verser davantage de dividendes cette année, dans cet environnement mouvant, relève donc du pari.

Se préparer au retour de l'ISF

Sans surprise, les conseillers en gestion de patrimoine anticipent un retour de l'impôt sur la fortune (ISF). Cet impôt, auquel la gauche veut ajouter un volet climatique, a disparu au 1er janvier 2018 pour laisser place à l'impôt sur la fortune immobilière (IFI). « L'ISF, c'est un vrai joujou politique », constate Florent Belon. En cas de réinstauration de l'impôt sur les plus riches - qui réintégrerait dans son assiette le capital financier -, plusieurs stratégies pourraient être mises en place.

« Si ce n'est qu'un surplus de quelques milliers d'euros, on défiscalisera en faisant des dons à des associations ou des souscriptions ISF-PME par exemple, glisse Florent Belon. Pour des montants plus importants, on regardera comment modifier la détention du patrimoine pour réduire l'impôt ou actionner le mécanisme du plafonnement. » A ce sujet, une note rédigée par Marie-Laure Decobert et Elise Dibou, ingénieurs patrimoniaux chez Swiss Life Banque Privée, rappelle que le « mécanisme du plafonnement (a été) sécurisé dans le temps par la jurisprudence constitutionnelle qui garantit aux contribuables que leur charge fiscale globale n'excède pas 75% de leurs revenus ».

Partir à l'étranger ?

« Depuis le résultat des législatives, le sujet est revenu en force dans les conversations, alors qu'il n'était plus du tout abordé depuis cinq ou six ans », déplore Laurent Desmoulière. Rares sont ceux, néanmoins, qui ont déjà « acté » leur décision de s'expatrier, selon le conseiller financier.

Mais des ménages ont d'ores et déjà débuté une lente préparation, en commençant le transfert d'actifs vers l'étranger, notamment via la souscription d'une assurance vie luxembourgeoise. Avec une échéance en tête : être prêt d'ici la prochaine élection présidentielle.

Commentaires 30
à écrit le 13/07/2024 à 16:12
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Ils peuvent partir ou expatrier leurs fortunes financières avec des montages complexes, mais pas leur patrimoine immobilier. Il faut rééquilibrer l’imposition travail/patrimoine, les revenus du patrimoine ayant augmenté 3 fois plus vite que ceux du t...

le 13/07/2024 à 16:52
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le régime de retraite des parlementaires ! une pension qui fait rêver ! au fait les élus participent ils à l effort collectif ? en cumulant. l

le 13/07/2024 à 16:53
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le régime de retraite des parlementaires ! une pension qui fait rêver ! au fait les élus participent ils à l effort collectif ? en cumulant. l

à écrit le 13/07/2024 à 16:02
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il faut arrêter avec ces bricolages hasardeux dont ceux qui en sont à l'origine sont incapables d'en mesurer les conséquences. Le seul moyen pour obtenir du pouvoir d'achat c'est de s'investir pour notre pays en travaillant toujours plus. Pas d'atten...

le 13/07/2024 à 18:02
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"c'est de s'investir pour notre pays en travaillant toujours plus. Pas d'attendre toujours plus d'un l'Etat" La peste ou le choléra.

à écrit le 13/07/2024 à 15:55
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Tous les gens productifs vont partir comme en 81 et la gauche va ouvrir les vannes de l'immigration à fond. Cela finira avec la tutelle du FMI. Quelle décadence de la France... La gauche a pourtant montré que partout où elle sévit, elle ruine les cit...

à écrit le 13/07/2024 à 14:55
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Pour éviter les départs il suffit de faire une loi pour dire qu'un citoyen français où qu'il soit doit payer ses impôts en France.

le 13/07/2024 à 19:30
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Haha, quel propos ridicule! Lextra territorialite des lois est illegale, et seule les usa peuvent le faire, et il se trouve que meme dans ce cas bcp dz yanks ne payent pas leurs 15%... concernant les francais, outre le fait quz cest inapplicable, je ...

le 14/07/2024 à 0:07
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Les américains le font …

le 15/07/2024 à 6:49
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Expatrié les impôts sont payés dans le pays, l'investissement en France préfèrez vous un impôts sur l'investissement en France où un expatrié qui va investir dans un autres pays de l'Union ou pire aux US? Les raccourcis sont plus facile que la réalit...

à écrit le 13/07/2024 à 12:51
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Helas, tout le monde le sait, la seule solution, c'est l'expatriation depuis 2002. La pause du macronisme est en train de se refermer. Hollande avait pratiqué le matraquage fiscal avec des conséquences très nettes sur la compétitivité française. Le...

à écrit le 13/07/2024 à 12:43
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Une taxe sur l'exode. Mais oui, bien sur. Sera t-elle retro-active? Un gonze qui s'est tire de cet enfer fiscal il y a plus de trente ans, va t-il etre mis a contribution ? Et par quel biais ? Pays de dingues.

le 13/07/2024 à 19:29
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"Une taxe sur l'exode." Un bonus/malus sur l'évasion financière serait plus judicieux. "Sera t-elle retro-active?" La rétro-activité n'est pas nécessaire en imposant les revenus de tous les détenteurs d'un passeport français notamment nombr...

à écrit le 13/07/2024 à 12:38
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"D'après les professionnels de la finance, certains foyers pensent à nouveau à s'expatrier." Vivre comme un immigré issu du tiers monde à l'étranger... Cela doit faire rêver plus d'un français! Manifestement les financiers ravagés par la cu...

à écrit le 13/07/2024 à 12:09
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Non, non, je partira pas...

à écrit le 13/07/2024 à 11:06
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Ce qui est admirable dans les promesses des mirifiques programmes des partis, c'est qu'il les font porter par d'autres: les caisses de retraite, les entreprises et les Riches. Il ne leur viendrait pas à l'idée de supprimer le salariat des députés et ...

le 13/07/2024 à 13:02
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"supprimer le salariat des députés et sénateurs (et la caisse de retraite associée)" ça ferait quelle somme économisée ? Vous direz "c'est déjà ça" à défaut d'être énorme, donc significatif. Il faut avoir des députés et sénateurs riches, qui n'ont pa...

à écrit le 13/07/2024 à 10:57
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[...les ménages des classes supérieures...]🤔Que veut dire cette phrase à l'emporte-pièces si ce n'est créer de la confusion dans les esprits! Alors, parlons-nous des ménages des classes supérieures à la classe des prolétaires ou des classes moyennes ...

le 13/07/2024 à 11:38
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Et pourtant pour rétablir un semblant d'équité il suffirait de supprimer quelques niches fiscales dont seuls les plus aisés profitent à l'exemple de la flat tax ( Rien qu'à ma modeste place cette disposition me fait économiser 2.000 euros d'IR par a...

le 13/07/2024 à 11:49
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On ne règle pas ces questions au niveau d'un petit pays sans ruiner ce pays. La taxe sur l'exode pourrait marcher la première année et ne pas montres ses effets dévastateurs sur les esprits dans les macro statistiques pendant quelques années mais to...

le 13/07/2024 à 18:02
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@Idx. Je reste dans le fil de la chronique, c'est-à-dire la volonté de quelques'uns de fuir le pays. Une solution de répression fiscale à cet effet serait facile à mettre en place: "la taxe à l'éxode". Pour le reste, y a tellement à dire et me suis d...

à écrit le 13/07/2024 à 9:58
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ça fait 20 ans qu'il se trompe sur tout , il faut bien une alternative ....

à écrit le 13/07/2024 à 9:55
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En fin de compte, la Gauche cherche a augmenter le nombre de privilégiés par l'accès à du "collectif" sans avoir l'inconvenient de sa possession ! ;-)

à écrit le 13/07/2024 à 9:50
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En fin de compte, la Gauche cherche a augmenter le nombre de privilégier par l'accès à du collectif sans avoir l'inconvenient de sa possession !

à écrit le 13/07/2024 à 9:04
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La démocratie a besoin d'une information loyale et de débats argumentés. Est-il plus sain pour les Français de financer le budget de la nation par l'emprunt sur le marché financier, ou par l'impôt ? Le principe de base d'une économie saine est que le...

le 13/07/2024 à 9:35
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Votre commentaire est très sage. Reste tout de même une question: de savoir s’il sera encore possible de faire appel au marché vu les montants pharaoniques des emprunts (285 milliards à emprunter cette année pour faire rouler la dette et financer not...

le 13/07/2024 à 11:00
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@Daniel Roux. Parfaitement ça👍

le 13/07/2024 à 11:32
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Pour qu'elle cesse il faudrait des sanction financiéres retroactives aux responsables politiques qui la mettent en place

le 13/07/2024 à 11:46
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Sauf que depuis quelques années tous les acteurs économiques ont pris l'habitude dès le moindre aléas d'aller à Bercy , de tendre la sébile et de repartir avec un chèque sans rien changer à leurs habitudes Souvenez vous des restaurateurs sous Sarko a...

à écrit le 13/07/2024 à 8:41
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Le problème est que les patrons qui lisent cet article pensait déjà à s'adapter mais tout ceux qui en auraient le plus besoin eux ne le feront pas. Il faut voir le niveau du patronna actuel hein...

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