![Le ministère de l’Économie et des Finances, à Paris, le 27 mars.](https://static.latribune.fr/full_width/2383212/bercy.jpg)
Trois interviews en vingt-quatre heures, une vidéo sur YouTube... Bruno Le Maire se démultiplie pour éteindre l'incendie. Il y a le feu. Dans la soirée de vendredi, l'agence de notation financière Standard & Poor's (S&P) a dégradé la note de la dette française. Une décision rare, qui sonne comme un désaveu de sa gestion des caisses du pays après sept années à Bercy. Le ministre des Finances s'emploie donc à rassurer l'opinion : « Il n'y aura pas de rigueur, il n'y aura pas d'austérité », et pas de hausse d'impôts pour redresser la barre.
La sanction ne pouvait pas plus mal tomber, à huit jours des élections européennes. Pour les oppositions, c'est du pain bénit. Marine Le Pen s'est plu à fustiger une « gestion catastrophique des finances publiques par des gouvernements aussi incompétents qu'arrogants », le président des Républicains, Éric Ciotti, a critiqué « la piteuse gestion [...] du duo Macron/Le Maire ! », tandis que le président LFI de la commission des finances, Éric Coquerel, pense que l'exécutif va « se servir de cette décision pour justifier de nouvelles coupes budgétaires ».
De fait, la dégradation de la note a davantage d'effets politiques qu'économiques. Elle n'aura guère d'impact sur les conditions de financement du pays. Le trou dans les caisses tricolores est connu de toutes les banques et institutions financières du monde. Cela ne les dissuade pas d'y placer leurs fonds. Elles sont même disposées à y mettre plus d'argent. Lors du dernier appel aux créanciers, mi-mai, Bercy avait besoin de 12 milliards d'euros. Elles étaient prêtes à fournir plus de 33 milliards. Sans augmenter les taux d'intérêt, qui ne s'éloignent pas des taux allemands - la référence en Europe.
L'ultimatum de Le Pen
Même avec des comptes dans le rouge, la situation reste confortable pour l'État : les établissements financiers ont toujours beaucoup d'épargne à placer et la France est devenue l'un des plus gros emprunteurs publics au monde. Revers de la médaille, les frais à payer s'additionnent. Selon les calculs de Bercy, les intérêts représenteront en 2027 une charge supérieure à 70 milliards d'euros - la première dépense de l'État, supérieure au budget de l'Éducation nationale. C'est cette embolie qui inquiète et qui justifie les alarmes de Pierre Moscovici, premier président de la Cour des comptes (lire l'entretien exclusif ici).
En attendant, S&P fournit donc aux oppositions une arme supplémentaire pour mettre en joue le gouvernement. À l'offensive sur les finances publiques depuis l'hiver, Marine Le Pen et Éric Ciotti ont réclamé une loi de finances rectificative pour pouvoir débattre des mesures d'économies actées par Bruno Le Maire en février. La première en a fait un ultimatum. Cela se traduira demain par l'examen d'une motion de censure à l'Assemblée - la seconde qu'affronte Gabriel Attal. LFI a pris la même initiative. L'addition de leurs voix ne suffira toutefois pas à faire chuter le gouvernement.
Des promesses ambitieuses
Le cas de LR est différent. Le parti n'a pas voulu s'associer aux deux motions de censure et reste divisé sur le sujet. Certains de ses députés pourraient les voter demain pour se distinguer, sans que cela soit décisif. Le choix a été fait de repousser les hostilités à plus tard. Rendez-vous est pris pour le débat de l'automne sur le projet de loi de finances 2025, pour lequel le gouvernement fait la promesse très ambitieuse d'inscrire 20 à 25 milliards d'euros d'économies, et qui devrait de nouveau passer au 49-3. Dans nos colonnes, le ministre délégué au Budget, Thomas Cazenave, tend la main à la droite pour préparer le terrain (lire ici).
L'exécutif n'a pas fini de subir les foudres des oppositions. Deux jours après le scrutin européen, le 11 juin, il tentera de faire adopter la loi de règlement pour 2023, qui équivaut à une clôture de comptes annuels. Or, depuis deux ans, ces lois - purement formelles - ne sont plus adoptées faute de majorité. Puis, deux jours plus tard, il fera face à une proposition de loi du groupe Liot (qui rassemble des députés centristes et des ultramarins) sur l'assurance chômage. Le texte entend l'empêcher de durcir les conditions d'indemnisation. Une réforme annoncée par le Premier ministre dans nos colonnes le week-end dernier et critiquée par la gauche et le RN. Juste après les européennes, la tentation sera forte pour ces derniers d'enfoncer le clou.
C'est la troisième fois que Standard & Poor's, la plus influente agence de notation mondiale, baisse la note de la dette française, qui passe de AA à AA-. En 2012, à la fin du quinquennat de Nicolas Sarkozy, elle avait privé la France de son triple A, équivalant à un 20/20. En 2013, ce fut au tour de François Hollande d'être sanctionné. Moody's et Fitch, les deux autres grandes agences, ont baissé leurs notes respectivement en 2015 et 2023. Leur travail consiste à éclairer les investisseurs dans leurs choix de placement, en les orientant parmi les titres proposés sur les marchés financiers. Leur étoile a toutefois pâli avec la crise financière de 2008, qu'elles n'ont pas permis d'anticiper.Une sanction rare