Bruno Le Maire, un septennat dans le chaudron de Bercy

Le gouvernement Attal doit rendre sa démission ce soir au président de la République Emmanuel Macron. De la révolte des gilets jaunes au marasme budgétaire, le ministre de l'Économie Bruno Le Maire a dû affronter sept années de tempête à bord du paquebot Bercy. Un record de longévité au ministère des Finances secoué par ces années de crises.
Grégoire Normand
Bruno Le Maire à la sortie du Conseil des ministres ce mardi 16 juillet 2024.
Bruno Le Maire à la sortie du Conseil des ministres ce mardi 16 juillet 2024. (Crédits : Reuters)

« Je resterai ministre jusqu'à la dernière minute ». Après sept années de secousses passées aux manettes de l'économie française, Bruno Le Maire s'apprête à faire ses cartons. Dans son bureau qui domine l'hôtel des ministres, l'heure est au déménagement. Les fonctionnaires se préparent à tourner une page importante. En effet, Bruno Le Maire est le seul ministre sous la Vème République à avoir fait autant d'années consécutives à la tête du «paquebot » Bercy.

Affichant une volonté de briguer un poste à l'international, le ministre des Finances a finalement rempilé à tous les remaniements ministériels et lors de la réélection d'Emmanuel Macron en 2022. Mais une fois parti de l'exécutif, l'ancien ministre de l'Agriculture sous Nicolas Sarkozy pourrait à nouveau postuler pour une place dans une instance internationale. A 55 ans, il espère bien encore peser sur la scène extérieure dans un monde plus que jamais fragmenté. Dans son entourage, une page importante se tourne également. « Efficacité », « courageux », « ministre qui a pris de l'épaisseur  »...ses proches au ministère des Finances loue les qualités de cet agrégé de lettres. Après le ministère des Finances, l'ancien haut fonctionnaire devrait selon nos informations se consacrer à l'écriture et à l'enseignement.

Budget : la France dans le collimateur de la Commission européenne et du FMI

A quelques jours de son départ, Bruno Le Maire a envoyé un courrier de notifications de 5 milliards d'euros à tous les ministères. Ces nouvelles coupes s'ajoutent aux 20 milliards d'euros déjà annoncés au printemps pour 2024 et aux 20 milliards pour 2025.  Contestant le programme économique du Nouveau Front populaire, le ministre de l'Économie a tiré la sonnette d'alarme. Mais la situation jugée inquiétante des finances publiques risque de laisser des traces sur le bilan de Bruno Le Maire.

Initialement prévue ce 16 juillet, l'officialisation de la procédure pour déficit excessif devrait avoir lieu dans une dizaine de jours. Ce sursis de la Commission européenne n'exempte pas la France de critiques. Lors de la présentation de la mise à jour de ses perspectives économiques ce mardi 16 juillet, le Fonds monétaire international (FMI) a mis en garde l'Hexagone sur l'incertitude politique actuelle et sa trajectoire budgétaire. Un nouveau coup dur pour Bruno Le Maire après l'avertissement de la Cour des Comptes la veille.

Attaché au totem de la baisse de la fiscalité, le ministre a défendu coûte que coûte une politique de l'offre durant ses années à Bercy. Mais cette baisse ininterrompue de la fiscalité a fait chuter lourdement les recettes fiscales de l'Etat lourdement mis à contribution durant toutes ces années. En effet, les administrations centrales et celles de la sécurité sociale ont encaissé une grande partie des immenses chocs qui ont frappé l'économie française.

Bercy en première ligne dans la crise des « gilets jaunes »

La colère des « gilets jaunes » a plongé Bercy dans une crise particulièrement délicate à gérer. En novembre 2018, des milliers de Français se retrouvent au milieu des ronds-points partout sur le territoire pour contester la politique fiscale de l'exécutif. En cause, la hausse de la taxe carbone sur le carburant. Le ministre du Budget de l'époque et proche de Nicolas Sarkozy, Gérald Darmanin est obligé de mettre sur pause la trajectoire d'augmentation de la taxe sur les carburants. L'application de cette taxe a mis le feu aux poudres en seulement quelques jours.

Comme la plupart des taxes sur la consommation, la fiscalité carbone est par nature régressive car elle pèse en proportion plus sur les ménages les plus modestes. Compte tenu du poids des dépenses de transports chez les ménages à bas revenus, cette taxe sur la consommation de carburant est depuis mise au placard. Confronté à une violente contestation, les ministres de Bercy sont obligés de desserrer l'étau budgétaire. Le chef de l'Etat et Bruno Le Maire vont mettre sur la table près de 20 milliards d'euros pour déminer la bombe sociale. Mais la demande des « Gilets Jaunes » de rétablir l'impôt sur la fortune sera toujours balayée par le ministre de l'Économie Bruno Le Maire. Au contraire, le locataire de Bercy va défendre jusqu'au bout de son mandat une politique économique pro-business et se montrer inflexible sur les hausses d'impôts sur les plus hauts revenus à l'échelle nationale.

Gilets jaunes Gironde

Une manifestation de « gilets jaunes » en novembre 2018 en Gironde. Crédits : Reuters

La pandémie amorce le « quoi qu'il en coûte »

L'éclatement de la crise sanitaire en 2020 va provoquer un électrochoc dans les couloirs de Bercy. En un week-end, les comptables du ministère des Finances vont basculer dans une gestion de crise inédite pour limiter l'impact de la pandémie sur l'économie. Partout sur la planète, les Etats vont fermer leurs frontières et mettre à l'arrêt des secteurs entiers pour enrayer la propagation du virus. Décidé dans l'urgence, le confinement va provoquer une chute spectaculaire du produit intérieur brut (PIB) de 8,3% en 2020, un plongeon record depuis la Seconde guerre mondiale.

A Bercy, Bruno Le Maire va tenir une série de conférences de presse particulièrement alarmantes pendant cette période brûlante. Rapidement, l'ancien directeur de cabinet de l'ancien Premier ministre Dominique de Villepin va lancer « le quoi qu'il en coûte » (PGE, chômage partiel, fonds de solidarité). Bercy « a su faire face à la pandémie avec les PGE », souligne le directeur général de Rexecode Denis Ferrand, contacté par La Tribune. L'économiste salue « la réactivité » du ministère. Face à la crise, la Banque centrale européenne (BCE) avait assoupli considérablement sa politique monétaire, amorçant un vaste programme d'urgence (Pandemic Emergency Purchase Programme, PEPP).

Bruno Le Maire Pandémie

La guerre en Ukraine met Bercy sous pression

Le conflit en Ukraine est une nouvelle épreuve pour le ministère des Finances. En février 2022, la Russie de Vladimir Poutine décide d'envahir l'Ukraine sous le regard incrédule du monde entier. En Europe, les Etats se retrouvent rapidement confrontés à une poussée de fièvre des prix de l'énergie et de l'alimentaire. En première ligne, le ministre de l'Economie va devoir une nouvelle fois faire de grandes rallonges budgétaires face à la hausse des coûts de production pour les entreprises et la flambée du coût de la vie pour les ménages. Cette stratégie n'a d'ailleurs pas vraiment convaincu les économistes. « Il y a clairement eu un manque de calibrage face à la crise énergétique », juge Denis Ferrand. «La politique du chèque à tous les ménages n'était pas la plus adaptée. Les contraintes des familles n'étaient pas les mêmes face à la crise », poursuit l'économiste, pointant « un manque de ciblage. »

Le bouclier tarifaire va jouer le rôle d'amortisseur face à cette inflation inédite depuis les années 70. Mais cette mesure ne va pas résoudre complètement la question de la dépendance de l'économie française à l'énergie fossile. Pour réduire cette dépendance à la Russie, la France va certes se tourner vers les Etats-Unis avec le GNL mais cette stratégie va se révéler rapidement critiquée compte tenu des engagements de l'Hexagone en matière de transition. Surtout, Bruno Le Maire avait fait du redressement du déficit commercial une de ses priorités lors de la campagne présidentielle de 2022. Force est de constater que la guerre en Ukraine a anéanti tous ses espoirs de réduire le déficit du commerce extérieur de la France. Un point noir dans le bilan de son septennat.

Un septennat et quatre ministres du budget

Entre 2017 et 2024, le ministre de l'Économie aura connu quatre ministres du Budget et des comptes publics. Cette instabilité contraste avec sa propre longévité au gouvernement.  Aux manettes des Finances tricolores en 2017, Gérald Darmanin va rester trois ans aux côtés de Bruno Le Maire. Sont arrivés ensuite Olivier Dussopt, Gabriel Attal et Thomas Cazenave. Candidat élu aux dernières élections législatives, ce dernier devrait rejoindre les rangs de l'Assemblée nationale ce jeudi pour le début de la nouvelle session parlementaire.

Grégoire Normand
Commentaires 27
à écrit le 18/07/2024 à 8:28
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comment definir un ministre des finances de la france qui une fois son job fini part en suisse de lache , de deserteur dans ce cas plus de retraite ni de pension de la france et tous ces biens sur le sol francais saisi idem pour les comptes banqua...

le 18/07/2024 à 10:42
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Pas étonnant, c'est le chouchou des retraités partis s'installer au Portugal pour bénéficier de privilèges fiscaux...

à écrit le 17/07/2024 à 20:57
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Au revoir Monsieur Le Maire. A vrai dire j'espère qu'il s'agira plutôt d'un adieu. Vous resterez dans l'Histoire comme le probable plus mauvais ministre de l'économie de la Ve République. Sans regrets.

à écrit le 17/07/2024 à 14:20
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Je pressens que la production littéraire de Mr Le Maire va encore s'accentuer maintenant qu'il aura plus de temps pour expédier les affaires courantes.

à écrit le 17/07/2024 à 13:55
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Bruno Le Maire figurera dans les livres d'histoire comme l'homme qui a provoqué l'effondrement de la France. On précisera qu'il passait une partie de son temps à écrire des romans pornos que personne ne lisait.

le 17/07/2024 à 17:15
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Effectivement : Bruno Le Maire a vendu 1.774 exemplaires de son dernier livre sorti fin mars.

le 17/07/2024 à 23:25
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@lachose "Effectivement : Bruno Le Maire a vendu 1.774 exemplaires de son dernier livre sorti fin mars." Un succès littéraire à éclipser la carrière musicale d'Hélène Rollès...

à écrit le 17/07/2024 à 10:31
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Il n’est pas totalement responsable de la faillite de la France : 1) il était aux ordres d’un Président incompétent 2) il a au moins eu le courage de donner sa démission de l’administration pour se consacrer à la politique Donc pas de pantoufles à la...

le 17/07/2024 à 14:18
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Ne serait-ce pas des fois JUSTEMENT car il a démissionné de la FP que Le Maire est allé à la soupe chez Macron? Enfin je dis ça, je dis rien...

le 17/07/2024 à 14:38
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Franchement je vois pas quel talent a Le Maire. Meme ses livres ne montrent pas un talent litteraire. Quant a ses talents en tant que ministre (je passe sur sa periode a l agriculture sans savoir ce qu est un hectare) il suffit de voir le bilan : +10...

le 17/07/2024 à 16:32
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Pas totalement responsable mais incompétent. Une des actions majeure montre le côté lunaire et incompétent du ministre. Un cas que je connais parfaitement lors du open bar du chéquier, le compétent !!! ministre selon vous, a pour les petits restaura...

à écrit le 17/07/2024 à 9:12
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Beaucoup d'articles sur Bruno le Maire ces temps-ci. Décoré par les Allemands pour services rendus à la nation, c'est à se demander si couler la France n'était pas un objectif.

à écrit le 17/07/2024 à 8:08
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Le pire Ministre de l’Economie depuis Jacques Coeur, et ce point est indiscutable!

le 17/07/2024 à 8:22
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la il y a une veritable revendication a demander par tous les Français et autre résidant en France d'exiger que les dettes créer par le president et les ministres soit en parti rembourser sur leur patrimoine et ces biens doivent etre mis sous reser...

le 17/07/2024 à 11:37
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Jacques COEUR avait su créer des relations économiques et avait réussi à financer la fin de la guerre de 100 ans. M. Le Maire n'a réussi qu'à financer son ego surdimensionné.... Les biens de Jacques Cœur ont été saisi : je pense qu'il faudrait fai...

le 17/07/2024 à 15:09
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@René MONTI et pour cause, les coupes épargnaient SYSTEMATIQUEMENT les libéraux en carton votant pour la Macronie et les LR alors que ce serait les premiers qu'il conviendrait de mettre au régime sec dans le cas d'une baisse sérieuse et en bon ordre...

à écrit le 17/07/2024 à 2:06
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Un expert cet ecrivain de gare, un maitre.

à écrit le 16/07/2024 à 21:22
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Bruno LeMaire : un " littéraire " ( enfin un ancien élève de N.S. auteur comme Schiappa d' ouvrages érotiques vendus à 1500 exemplaires ) pour " piloter " l' Economie et les Finances Publiques alors qu' il n' est pas sûr qu' il soit à même de lire ...

à écrit le 16/07/2024 à 20:53
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a part le goût de brûlé et un déficit dur a récurer il ne restera pas grand chose de ces 7 ans passés a toujours promettre le retour a une saine gestion pour demain.

à écrit le 16/07/2024 à 20:47
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Il va partir sans rembourser !!

à écrit le 16/07/2024 à 19:27
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Les autres pays ont fait au moins aussi bien que nous avec une augmentation de la dette bien moindre. Le Maire aurait du alerter le pays dès 2022 se comparer humblement aux pays voisins et faire un discours de vérité sur les sacrifices nécessaires au...

le 16/07/2024 à 23:45
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@ Adieu bce : la Rn et l Espagne était sous les 60% de tx d endettement avant le covid la France était à 90%… l Espagne et la Gb sont à 100% de tx d endettement nous a quasi 115%..on n a moins augmenter À 25% contre 40%..que les allemands Anglais ...

le 17/07/2024 à 9:41
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De fin 2019 à fin 2023, la dette publique s’est accrue de 12,7 points de PIB en France, contre en moyenne 4,5 points dans la zone euro et 3,9 points dans l’Union européenne.

à écrit le 16/07/2024 à 19:04
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Il nous a ruinés en augmentant de 50% l'endettement de la France en seulement 7 ans : un malfaisant...

à écrit le 16/07/2024 à 18:10
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Un cancre parmi les cancres, doublé, comme tant d'autres, d'une girouette. S'il a pu durer, c'est qu'il possédait les "qualités requises" pour figurer dans de tels gouvernements à un plus haut degré que d'autres. Il aura donc durablement participé ...

à écrit le 16/07/2024 à 17:28
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La periode n etait pas si difficile que ca et rien ne justifiait le quoi quil en coute, hormis atrznuer les vociferations de la gauche hyperbiznveillante car de gauche. Avzc la remontee des taux on rzndre dans le dur, la patate chaudz est pour le sui...

le 16/07/2024 à 20:03
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La principale raison des déficits, c'est que Macron s'est maintenu au pouvoir en achetant le vote de l'électorat LR, réputé pour être particulièrement capricieux, la seule revalorisation des retraites en début d'année ayant coûté pratiquement aussi c...

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