« Bruno Le Maire n'est pas crédible sur les 3% de déficit en 2027 », Christian Eckert (ex-secrétaire d'Etat au Budget)

ENTRETIEN - Après la dégradation de la note de Standard & Poor's, le gouvernement a tenté de rassurer les Français à la veille des élections européennes. Le ministre de l'Economie Bruno Le Maire a promis qu'il n'allait pas augmenter les impôts ou faire de l'austérité. Mais cette position peine à convaincre l'ancien secrétaire général au Budget socialiste Christian Eckert.
Grégoire Normand
Christian Eckert a été secrétaire d'Etat au Budget sous le mandat de François Hollande et rapporteur du budget à l'Assemblée nationale.
Christian Eckert a été secrétaire d'Etat au Budget sous le mandat de François Hollande et rapporteur du budget à l'Assemblée nationale. (Crédits : Reuters)

LA TRIBUNE - L'agence de notation Standard & Poor's a dégradé la note de la France vendredi soir. Comment interprétez-vous cette décision ?

CHRISTIAN ECKERT- Cette décision est logique compte tenu de l'incroyable différence entre les résultats budgétaires et les prévisions du gouvernement pour 2023. Avoir 20 milliards d'euros de déficit supplémentaire est relativement inédit. Malgré de nombreuses déclarations, je n'ai pas le sentiment que les remèdes ont été documentés. Une loi de finances rectificative aurait permis de préciser et documenter mieux les choses.

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Comment expliquez-vous un tel dérapage des finances publiques ?

Le gouvernement dit que c'est à cause de l'inflation plus faible que prévu. A court terme, l'inflation est une bonne nouvelle pour les finances publiques. Ce sont des recettes de TVA immédiates. La masse salariale permet d'augmenter le niveau des cotisations. Les dépenses sont plus facilement pilotables. Mais l'écart ne peut pas s'expliquer simplement par une inflation moins forte que prévu. S'agissant de la taxe sur les énergéticiens, elle était censée rapporter 12 milliards d'euros. Elle n'a rapporté que 600 millions d'euros.

En tant que secrétaire d'État au Budget pendant trois ans, je peux affirmer que nous avons accès à une actualisation très régulière des comptes publics. Je n'arrive pas à croire que le gouvernement ait découvert qu'il s'était autant écarté des prévisions de 2023. Le ministère des Finances possède des armées de fonctionnaires très compétents et des spécialistes pour ne pas faire des erreurs aussi grossières. Il y a un manque de transparence sur ce qu'il s'est passé en 2023.

Le ministre de l'Economie Bruno Le Maire a affirmé qu'il allait garder le cap sans austérité et hausse d'impôt pour parvenir aux 3% de déficit en 2027. Quel regard portez-vous sur cette position ?

C'est une position qui n'est pas crédible. Les agences de notation, le Haut conseil des finances publiques, la Cour des comptes ou la Commission européenne n'ont pas confiance à l'objectif de revenir en dessous d'un déficit de 3%. Sur la méthode, le gouvernement veut écarter toute hausse d'impôt. Ce n'est pas le gouvernement qui décide seul des lois de finances. La Constitution confie au Parlement cette mission régalienne. C'est pour cela qu'il y a des motions de censure.

La France va-t-elle échapper à une hausse d'impôt ?

Écarter les hausses d'impôt, c'est se priver d'un outil. Certaines entreprises ont fait des profils exceptionnels. Dans l'histoire fiscale de la France, il y a eu à plusieurs reprises des mesures exceptionnelles de prélèvement. Sur les distributions de dividendes ou les rachats d'actions, le président Macron avait entrouvert la porte sur une taxation. Le gouvernement a dit qu'il n'allait pas augmenter les hausses d'impôts mais il a doublé les franchises médicales.

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La proposition sur les rachats d'actions n'est-elle pas une mesure symbolique ?

Ce prélèvement peut apparaître comme symbolique mais il pourrait tout de même rapporter quelques milliards d'euros au Trésor public. Certaines entreprises rachètent leurs propres actions pour faire monter leur valeur nominale. A partir du moment où le gouvernement a décidé de ne plus taxer les dividendes, il n'y a pas de raison d'écarter une taxation sur les rachats d'actions. Le prélèvement forfaitaire unique (PFU, mis en place en 2017) a en partie plombé les recettes de l'État.

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La politique de l'offre, soutenue sous la présidence de François Hollande dont vous avez fait partie, à coup de baisse d'impôts est-elle responsable ?

Je veux rappeler que les finances publiques en 2017 étaient quasiment revenues à 3% de déficit et la sécurité sociale était quasiment à l'équilibre. Sous le premier mandat d'Emmanuel Macron, il y a d'abord eu des baisses d'impôt excessives. Je pense à la suppression de l'impôt sur la fortune (ISF) et la mise en œuvre du prélèvement forfaitaire unique (PFU). La baisse de l'impôt sur les sociétés aurait pu se faire à un rythme plus ralenti.

Des exonérations de cotisations considérables ont été menées à la suite de la crise des « gilets jaunes ». Ces exonérations doivent répondre au principe de compensation des recettes sociales par un un versement de l'État. S'agissant de la sécurité sociale, il faut reconnaître que la crise sanitaire a joué un rôle important sur la dégradation budgétaire.

Le gouvernement s'apprête à mettre en œuvre sa réforme de l'assurance-chômage et tailler dans les dépenses de santé. Quelles seraient les pistes d'économies à privilégier ?

Il est curieux de taper sur les dépenses d'assurance-chômage alors que l'Unedic est en excédent. On ne choisit pas souvent d'être au chômage pour être indemnisé de façon modeste. Je ne suis pas favorable à cette réforme. Sur les économies à faire, ce fut probablement les coupes qui ont fait échouer la précédente majorité sous Hollande à l'élection présidentielle de 2017, plus que la déchéance de nationalité ou la loi Travail qu'on lui a également reproché. Sur les dépenses de santé, je pense que l'on a fait beaucoup d'économies. Il faut savoir s'arrêter. Sur les arrêts maladie, on tape sur les malades. Il faut faire attention aux recettes. Entre les primes Macron, l'intéressement et la participation, ces revenus n'existent plus pour la sécurité sociale.

En revanche, il est possible par exemple de regarder le fonctionnement des collectivités locales. Il est important de revoir la dotation globale de fonctionnement (DGF). Quand j'étais au gouvernement, nous avions fait quelques propositions pour faire une réforme. Mais certains ont combattu cette révision du calcul de la DGF pourtant opaque, injuste et inégalitaire.

Les collectivités locales reprochent aussi à l'État la baisse de leurs ressources fiscales comme les impôts de production.

Quand j'étais à Bercy, je recevais régulièrement Geoffroy Roux de Bézieux, alors numéro deux du Medef. Il ne cessait de parler des impôts de production. Ces impôts sont désormais passés dans le langage courant. À force d'insister, le patronat a tout de même réussi à faire baisser ces impôts mais nous n'avons jamais touché à ce levier quand j'étais au gouvernement.

Le président Macron a tout de même réussi à quasiment supprimer la CVAE (la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises). Ce qui représente tout de même 20 milliards d'euros. La difficulté est le lien entre les ressources de ces collectivités et ces impôts. C'est le même problème pour la taxe d'habitation. Lorsque l'Etat affirme qu'il va compenser à l'euro près, il faut regarder comment cela évolue dans le temps.

Propos recueillis par Grégoire Normand

Grégoire Normand
Commentaires 33
à écrit le 06/06/2024 à 21:03
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Je ne vois pas ce qui est étonnant. Macron n'a fait qu'augmenter le déficite depuis 2017... et la seul chose qui sait économiser est quand il supprime nos droits et aides... comme faire payer les soins des assurer et les offrir aux etranger par exemp...

à écrit le 05/06/2024 à 8:25
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Cette note de AA- donne une mauvaise image de nos finances publiques ou du fait qu'il y ai trop de fonctionnaires en France (???). Le gouvernement passe pour un gouvernement incomptétent alors que je pense que c'est une fake news de RN. La necessité ...

le 06/06/2024 à 0:46
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En France il y a plus de fonctionnaires qu'ailleurs car comparé à d'autres pays, le secteur privé français, c'est souvent le Moyen-Age! Et intégré ce facteur, quand on compare les finances publiques à des pays comparables, on constate que les grosses...

à écrit le 04/06/2024 à 15:09
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Je pense souvent au livre de Monsieur Eckert (ex secrétaire d'état au budget et adjoint de Mr Macron à Bercy sous l'administration Hollande) "Un Ministre ne devrait pas dire ça" je pense que je vais le relire et il va m'éclairer sur cette politique ...

à écrit le 04/06/2024 à 14:01
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Il n'y a pas de miracles à attendre, l'essentiel des dépenses sert à acheter le vote de retraités ayant gardé une mentalité d'ado gâté et on fait en plus bien trop d'enfants par rapport à la capacité de notre secteur marchand à créer de la valeur, ce...

le 04/06/2024 à 14:59
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Et qui pour s'occuper des vieux s'il n'y a plus d'enfants devenus adultes ?

le 04/06/2024 à 15:52
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tout a fait. Macron ne domine que dans un seul electorat : les retraités (il fait 2.5 % chez les moins de 25 ans). Donc rien de serieux ne sera fait car pour faire de VRAIES economies il faut taper sur les budgets qui vont aux vieux (paiement des pen...

le 05/06/2024 à 21:35
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et il faut surtout augmenter le temps de travail .... 45 heures c'est faisable pour tout le monde ..... les anciens travaillaient même au delà .La France vient de découvrir avec le monde paysan des semaines de 60 voir 70 heures ....Qui va mettre la ...

à écrit le 04/06/2024 à 11:59
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Plus socialiste, y a pas. Protéger le fonctionnariat, l'électorat des protégés de la Nation et imposer les autres , ça ça marche.

le 04/06/2024 à 14:58
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Faudra nous donner votre définition du mot socialiste ! Pour rappel Le Président a supprimé l'ISF en même temps qu'il baissait les APL et qu'il instaurait la flat tax qui consiste à plafonner l'imposition des revenus financiers !!! Pour faire court u...

le 04/06/2024 à 22:01
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@Idx : pour les libéraux, est socialiste tout de qui ne vote pas pour Zemmour

à écrit le 04/06/2024 à 11:30
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Est-il utile de tirer sur l'ambulance? Depuis sa prévision "malheureuse" de 1,4% pour la croissance en 2024, tout le monde sait que la suite de l'histoire ne peut pas se dérouler comme Le Maire l'avait prédit. En tout cas, il n'y arrivera pas sans un...

à écrit le 04/06/2024 à 9:16
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🤬☠️ Christian Eckert, c'est 250 MILLIARDS DE DETTES supplémentaires ‼️ 250 milliards de dettes de 2014 à 2017 en tant que secrétaire d'état chargé du budget et des comptes publics 🤓📉🤪📉💀 AFUERA 🔥‼️

le 04/06/2024 à 11:04
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Vous avez raison. 210 milliards très exactement en trois ans. Pour Sarkozy, il s'est agi de 650 milliards en cinq ans. Macron en est à 850 milliards en 7 ans. Eckert a donc obtenu le meilleur résultat en moyenne annuelle depuis 17 ans. Bon, au pays d...

à écrit le 04/06/2024 à 8:55
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" a promis qu'il n'allait pas augmenter les impôts ou faire de l'austérité." Et là tous les français rient à plein poumon mais jaunes quand même hein... Parce que l'austérité qu'on subi depuis des années on en a plein les bottes. Un mensonge éhonté c...

le 04/06/2024 à 10:40
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Quelle austérité ? On en est loin.

le 04/06/2024 à 11:37
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"On en est loin. " LOL ! Forcément si ton repère c'est le Liban, en France c'est la prospérité ! C'est bien tu essayes de me faire rigoler bonne stratégie... ^^

le 04/06/2024 à 15:04
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Tout est dans les mots , vous n'augmentez pas les impôts mais les taxes et autres contributions etc... et vous supprimez certains abattements !!!

le 04/06/2024 à 18:24
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En fait, on fait de la fausse rigueur, on taille dans des dépenses d'investissement et dans des dépenses servant à des jeunes à mettre le pied à l'étrier tout en pratiquant dans le même temps un clientélisme outrancier en faveur de vieux rentiers...

le 05/06/2024 à 8:06
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Oui jamais nos dirigeants n'ont été aussi jeunes et jamais les jeunes n'ont été autant massacrés. De faibles à cyniques.

à écrit le 04/06/2024 à 8:43
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Pas secrétaire GENERAL! Secrétaire d'ETAT!

à écrit le 04/06/2024 à 8:27
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Ce monsieur est un incompétent sectaire qui en attaque un autre pour donner une illusion de dêbat et de démocratie. Un des membres de cette bande organisé d'enarques qui ont sequestré, infantilisé, pillé et ruiné le pays. Quand il parle de baisses ...

le 04/06/2024 à 12:00
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Je ne suis pas d'accord avec tout. Sectaire, je n'en sais rien. Mais en matière de compétences techniques BLM est au dessous de tout ce qui s'est fait depuis longtemps. A décharge, il n'a pas pu profiter d'un débat parlementaire "constructif" sur la ...

le 04/06/2024 à 12:19
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La différence de recettes entre ISF et IFI est estimé à seulement 3 milliards et sans prendre en compte lees effets positifs d'une moindre délocalisation fiscale et expatriation fiscale que si l'ISF avait été gardé. Qui s'en prend à l'abrogation de l...

le 04/06/2024 à 12:20
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La différence de recettes entre ISF et IFI est estimé à seulement 3 milliards et sans prendre en compte lees effets positifs d'une moindre délocalisation fiscale et expatriation fiscale que si l'ISF avait été gardé. Qui s'en prend à l'abrogation de l...

le 04/06/2024 à 18:37
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@AdieuBCE : si cette bande organisée est au pouvoir, c'est qu'il y bien des gens votant pour elle et pour sûr, la génération des boomers a été d'une grande immaturité, ce qui avait commencé en 1969 quand la droite l'avait manipulée pour torpiller le ...

à écrit le 04/06/2024 à 8:05
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Qu'il soit crédible ou pas ne prête pas à conséquence, puisque le plan de l'euroreich pour la destruction des états nations continue dans l'ombre de Dragui et de Davos. Asselineau l'a bien expliqué : il s'agit de rayer la France de la carte du monde,...

le 04/06/2024 à 9:23
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@Emilie : 👍 🇲🇫 Pour retrouver notre souveraineté monétaire, reconstruire le tissu industriel français et cheminer de nouveau vers la prospérité économique, l'UPR de François Asselineau prône le FREXIT, la sortie de l'otan et la sortie de l'euro 🇲🇫🕊️...

le 04/06/2024 à 10:28
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Qui qu'on pense de votre projet son préalable indispensable est la le redressement des finances publiques et donc un plan très strict d'économies et de rationalisation des dépenses. Sinon pas de souveraineté. Donc il faudrait proposer des solutions.

à écrit le 04/06/2024 à 8:04
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Bruno Lemaire sait qu’il ne peut prétendre à rien d’autre que ce qu’il a su conquérir. Seule façon de se maintenir: accepter d’aller à l’encontre de ses convictions, être dans le mensonge, et l’ »après-moi le déluge ». Sa présence au gouvernement, so...

à écrit le 04/06/2024 à 7:50
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Bruno le Maire est mauvais pour l'inflation, les déficits et la dette !

à écrit le 04/06/2024 à 7:15
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Il n' est surtout pas " crédible " avec les " choix " qu' il avance ! D' ABORD DÉGRAISSER LA FONCTION PUBLIQUE et SIMPLIFIER LES DÉMARCHES ADMINISTRATIVES et SUPPRIMER LE PARASITISME SOCIAL et c' est justement cela qu' un énarque nourri à l' impôt ne...

le 04/06/2024 à 11:15
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Vous avez raison, il faudrait commencer par tailler dans les retraites car c'est de loin ce qui coûte le plus cher et leur montant est d'un montant anormalement élevée par rapport à ce qu'elles devraient être dans un système de retraite par répartiti...

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