Le match plancha-barbecue

Depuis l'apparition de la plancha, le barbecue a dû monter en gamme, transformant la grillade en art culinaire à part entière.
(Crédits : © LTD / Le Marquier)

C'est une bergerie adossée à la colline, au-dessus de Nice, avec son jardin en terrasse, ses oliviers, ses citronniers et... ses cinq barbecues. « Bienvenue les boys », entonne le maître des lieux, le truculent Big T, alias Thierry Cornuet, ancien pilier de rugby dijon-nais exilé un temps au Québec avant de revenir en France et d'ouvrir le Bootgrill, un restaurant de barbecue le long de la départementale 202. Distingué au Gault & Millau, Big T s'est forgé une belle clientèle au point de devenir le rôtisseur attitré du prince Albert de Monaco et du milliardaire Jeff Bezos lors de ses haltes sur la Riviera. Enveloppé dans son tablier de cuir, claquettes de piscine aux pieds, l'imposant barbu commence sa master class ce samedi matin de juillet face à une demi-douzaine d'élèves hilares.

Lire aussiLa Caesar salad par ses meilleurs avocats

C'est parti pour trois heures de cours suivi d'un délicieux déjeuner. Thomas, Niçois de 31 ans, cadre dans le bâtiment, explique : « Je suis venu améliorer ma cuisine au barbecue. Ici, je découvre de nouvelles astuces comme la cuisson de saucisses trempées dans de la bière, c'est original. » Contre 105 euros, Big T distille ses conseils et montre qu'une gril party réussie, c'est avant tout une bonne préparation, des épices variées (les « rubs ») et surtout un foyer fermé à couvercle pour garder l'humidité des aliments. Aux oubliettes la grille entre deux parpaings et les merguez carbonisées : le barbecue devient un art, ce qu'atteste la montée en gamme des appareils vendus en France. Près de 2 millions par an tous types confondus (électricité, gaz, charbon, plancha...), de 110 euros pour le tout premier modèle Kettle Weber de 47 centimètres de diamètre jusqu'à plusieurs milliers d'euros pour les modèles connectés high-tech.

Comment en est-on arrivé là ? En cause : la concurrence féroce de la plancha, ce mode        de cuisson venu du Sud-Ouest et démocratisé en France avec des marques comme Le Marquier, Campingaz ou encore Forge Adour. Preuve de l'engouement, le constructeur américain de barbecues Weber vient de lancer sa propre gamme de plancha ce printemps, à 400 euros l'entrée de gamme. « Démarrer un barbecue est souvent rébarbatif, on se retrouve avec des aliments trop cuits et de la fumée plein les yeux, évoque Catherine Hessenbruch, autrice du livre Ma plancha et moi (éd. Larousse). À l'inverse, la plancha offre la convivialité de la cuisine en extérieur avec en prime la simplicité d'allumage, le contrôle précis de la température et la possibilité de cuire des mets délicats : poissons, fruits de mer, légumes,      et même des desserts. »

Les appareils à pellets sont très simples d'utilisation et libèrent la créativité

Laure Rizou, autrice du blog « Blondie_Camp_BBQ »

Alors, forcément, avec un tel challenger, le barbecue à la papa devait se renouveler, d'où l'apparition des Grill Academy ou encore de la chaîne YouTube de Raphaël Guillot « Le barbecue de Rafa », aux 169 000 abonnés et 359 000 followers Facebook. On y apprend par des tutos didactiques à allumer son âtre à coup sûr, à pratiquer des cuissons indirectes par convection comme dans un four ou à transformer son barbecue en fumoir, qu'il soit à charbon ou à gaz (mais à couvercle, bien sûr). « Il suffit d'installer dans le fond une boîte à fumage avec des copeaux de bois humidifiés », explique le blogueur passionné, ostéopathe de profession. C'est d'ailleurs le principal inconvénient de la plancha, l'absence de goût fumé, mais selon Marion Guillemard, auteur de Je cuisine à la plancha (éd. Pour les nuls), il existe une solution : le brasero-plancha.

« Imaginez un brasero de jardin avec, sur le pourtour de l'âtre, une plaque de fonte permettant de cuire des morceaux de viande et de poser un wok pour les légumes, décrit-elle. On retrouve alors le goût fumé qui manque à la plancha classique, et surtout l'aspect convivial du feu de camp. » Cette formule pourrait être un bon compromis, sauf qu'un feu en extérieur nécessite du bois bien sec. Le compromis idéal est plutôt à chercher du côté du barbecue à pellets (granulés), un procédé inventé en 1987 par la marque américaine Traeger qui consiste à alimenter un foyer avec des granulés de bois. Le brasier s'allume tout seul et régule automatiquement sa température au degré près comme un four, en conservant le bon goût fumé. Selon Laure Rizou, autrice du blog « Blondie_Camp_BBQ », « les appareils à pellets sont très simples d'utilisation et libèrent la créativité en sortant du classique brochettes-ribs-côtes de bœuf ». « Sur mon blog, poursuit-elle, je propose par exemple des recettes de clafoutis de rhubarbe ou de légumes rôtis à réaliser très facilement. »

Les systèmes à pellets coûtent plus cher, autour de 1 000 euros pour un modèle de jardin d'entrée de gamme, et bien plus si affinités. C'est le cas de celui proposé par la start-up française Montvel, qui vient de commercialiser un appareil ultra-haut de gamme, coloré et connecté au wi-fi, au tarif élitiste de 4 500 euros. Avantage : en plus du foyer à granulés de bois pour fumer ou favoriser une cuisson lente, le Montvel propose une plancha électrique sur le côté pour snacker les pièces de viande avant de les servir. Ce modèle a donc été choisi pour équiper la cuisine du président de la République car, entre plancha et barbecue, c'est la version « en même temps » par excellence.

Sélection

Le kamado dernier cri

Le Konnected Joe de la marque Kamado Joe est un grill-four-fumoir à charbon de bois de type kamado japonais, en version entièrement automatique qui s'allume tout seul et se contrôle en wi-fi depuis une application.

2 200 euros, kamadojoe.com

L'accessoire indispensable

La sonde qui se connecte à un smartphone. Il suffit de la planter au cœur d'une côte de bœuf pour être sûr de ne jamais rater sa cuisson : bleue à 45 °C, saignante à 50 °C, à point à 55 °C, quels que soient sa taille et son poids, c'est immuable. De 50 à 100 euros.

Le degré zéro de la plancha

LaplaQue, c'est une grosse tôle de fonte brute forgée sur quatre pieds, avec une rigole pour récolter le jus. À utiliser avec un brûleur à gaz ou directement sur la braise de cheminée ou de barbecue. 265 euros. plaqueout.fr

3 questions à Régis Flusin

PDG de la marque de plancha française Le Marquier et distributeur de la marque Traeger

LA TRIBUNE DIMANCHE - Vous venez de chez Weber, comment vous êtes-vous retrouvé à la tête de Le Marquier ?

RÉGIS FLUSIN - À l'origine, j'ai commencé chez Quaker Oats dans le groupe Nestlé, avant de redresser la marque de produits d'arrosage Gardena à partir de 1993. C'est alors que j'ai découvert aux États-Unis les barbecues Weber, dont j'ai lancé l'importation en France à partir de 2000. À ce moment-là, le marché était constitué principalement de foyers ouverts ; on nous a pris pour des fous avec nos barbecues fermés plus chers que la moyenne. Nous avons développé tout le marché européen. Je suis même devenu salarié actionnaire de cette entreprise familiale américaine, jusqu'à sa vente à un fonds de pension en 2010. La façon de travailler a évolué : je suis parti en 2016. J'ai assouvi mon envie d'entreprendre en rachetant la société Le Marquier à son fondateur, Guy Cours.

Qu'est ce qui vous a séduit dans cette entreprise de plancha ?

Je voulais faire du made in France. Chez Le Marquier, tout est assemblé près de Bayonne depuis plus de cinquante ans. Nous sommes certifiés origine France garantie, et ça couvre jusqu'au design de nos produits réalisés par le Stellantis Design Studio (ex-Peugeot Design Lab). En 2017, c'était une entreprise de 25 personnes avec 6 millions d'euros de chiffre d'affaires ; nous sommes maintenant 80 salariés avec 16 millions d'euros de CA par an, et nous produisons entre 25 000 et 35 000 planchas par an avec un prix de départ à 350 euros.

Alors vous êtes plus plancha que barbecue ?

Disons que la plancha est notre produit phare, réputé pour son écoconception et sa garantie à vie, mais Le Marquier fabrique toujours des barbecues à charbon de bois, comme notre modèle Mendy à cuisson verticale avec sa broche, ou encore le tout nouveau modèle dessiné par Stellantis baptisé Le Barbecue français. Enfin, depuis 2019, nous distribuons les barbecues à pellets Traeger. J'ai donc du mal à choisir : j'utilise les trois types d'appareils chez moi !

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.