À Rouen, la Seine tient le rôle principal

LA VILLE ET LE FLEUVE (4/5). Autour de la cité normande, le fleuve n'apparaît plus comme une ligne de démarcation. Sur les quais du centre-ville rendus aux promeneurs, la renaturation a pris le pas sur la bétonisation.
La partie aval des bords de Seine avant et après les aménagements
La partie aval des bords de Seine avant et après les aménagements (Crédits : DR)

Sur la berge en pente douce du bassin, un héron et une poignée de goélands se dorent au soleil, avec en arrière-plan un bosquet touffu de jeunes arbres, plantés de fraîche date. Sur l'autre rive distante de 25 mètres, des barrières en métal ferment les lieux inaccessibles au public pour encore quelques semaines. Bienvenue devant le futur « parc & canal Camille Claudel », à Rouen.

Aménagé perpendiculairement à la Seine, au droit du nouveau quartier Flaubert, le site abritera à terme trois bassins (d'une longueur totale de 400 mètres) accessibles aux paddles, aux pédalos ou aux modélistes. Entouré d'un parc paysager d'une petite dizaine d'hectares, l'ensemble remplira aussi la triple fonction de « zone d'expansion des crues, de réceptacle pour les eaux de pluie et d'îlot de fraîcheur », précise le dossier de présentation.

L'endroit est emblématique du parti-pris « végétalo-centré » adopté par Laurent Fabius, alors président de l'agglomération, lorsqu'il s'est agi de transformer les quais de la rive Sud après ceux de la rive Nord. On est au tournant des années 1990 et les quais en question ressemblent à un no man's land, encombré de rails, de parkings et d'entrepôts vieillissants.

« Le processus de reconquête des bords du fleuve a démarré plus tardivement que dans des villes comme Baltimore, Londres ou Bordeaux, rappelle le géographe rouennais Arnaud Brennetot. Ce qui le distingue, c'est qu'il a davantage intégré la renaturation en réponse à la montée en puissance des questions environnementales ».

rouen seine

Vue d'artiste du futur parc & canal Camille Claudel (crédits Atelier Osty)

« Un nouveau lieu de centralité »

De fait. Si Rouen sacrifie à la mode des « gestes architecturaux » (Marc Mimram et Jacques Ferrier signent chacun un édifice en bord de Seine), le végétal l'emporte sur le minéral au jeu du gagne terrain. Sous la houlette de la paysagiste Jacqueline Osty, une promenade arborée est aménagée sur trois kilomètres le long du fleuve, englobant même l'ancien dépôt charbonnier situé à la pointe.

Plusieurs milliers d'arbres et de vivaces sont plantés un peu anarchiquement à la manière d'un jardin à l'anglaise. Le tout parsemé ici et là d'espaces de pique-nique, de terrains de jeu et de sports.

« L'idée directrice était de ramener de la nature afin de privatiser le moins possible l'espace public pour créer un nouveau lieu de centralité », résume Bertrand Masson, directeur des grands projets à la Métropole.

Pari gagné. Lauréat du grand prix national du paysage en 2018, le projet est plébiscité par l'Homme de la rue. Un temps décontenancés, les Rouennais finissent par se réapproprier les rives que leurs aînés avaient abandonné - par force - aux infrastructures portuaires après la seconde guerre. « Le premier restaurant qui s'est installé sur les quais n'osait pas ouvrir  le week-end. C'est dire si les liens s'étaient distendus avec les habitants », se souvient Bertrand Masson. Aujourd'hui, force est de constater que la greffe a pris. Six ans après son inauguration, l'endroit est devenu un lieu de balade incontournable pour des centaines d'habitués, de jour comme de nuit.

Pas encore de quoi réconcilier complètement la rive droite bourgeoise et la rive gauche ouvrière. Mais au moins, le fleuve n'apparaît plus comme une ligne de démarcation, se félicite Nicolas Mayer Rossignol, maire de Rouen et président de l'agglomération : « Les aménagements ont ouvert un nouveau rapport au fleuve pour les habitants comme pour les visiteurs. Autrefois coupure, la Seine devient centrale. De  lieu, elle s'est transformée en lien ». CQFD.

Retrouvez les autres épisodes de la série :

Rhône, Saône : Lyon à la reconquête de ses cours d'eau

Les pieds dans la Loire : comment Orléans s'est réapproprié son fleuve

À Strasbourg, la logistique fluviale à la rencontre du vélo

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