Bruno Le Maire riposte. Alors que la Commission de régulation de l'énergie (CRE) a officialisé, lundi, une hausse de la facture de gaz de millions de Français de 11,7% à partir de juillet prochain, comme nous l'annoncions déjà en février dernier, le ministre de l'Economie n'a pas attendu très longtemps pour lancer une promesse : celle de faire baisser la facture d'électricité, cette fois-ci, de 10 à 15% en février 2025.
Cette annonce, faite sur BFMTV/RMC ce mardi 11 juin, n'a rien d'un hasard. En effet, l'envolée des factures d'énergie s'est imposée comme un des sujets phares de la campagne pour les élections européennes alors que le pouvoir d'achat figure parmi les principales préoccupations des citoyens. Lesquels sont appelés à retourner aux urnes dès le 30 juin prochain, dans le cadre des élections législatives anticipées provoquées par la dissolution de l'Assemblée nationale.
Alors, cette promesse est-elle réellement tenable ? Selon plusieurs experts du marché de l'électricité, un tel recul est effectivement probable, même s'il est impossible d'en avoir la totale certitude. Pour le comprendre, il faut revenir à la composition du tarif réglementé de vente (TRV) d'électricité. Celui-ci repose sur trois coûts distincts : le coût de fourniture, le coût du réseau et les taxes.
Une baisse à retardement
La promesse de Bruno Le Maire repose sur la baisse attendue du coût de fourniture, qui se compose lui-même de deux parties : la part Arenh (pour accès régulé à l'électricité nucléaire historique) avec un mégawattheure à 42 euros et une part dite de « complément de marché », amenée à évoluer en 2025. En effet, dans cette partie, le prix du mégawatheure correspond à la moyenne des prix observés sur le marché de gros (là où l'électricité est négociée et achetée par les fournisseurs aux producteurs avant d'être commercialisée sur le marché de détail) au cours des deux dernières années. « Donc pour fixer le TRV au 1er février 2024, la CRE a pris en compte la moyenne des prix de gros en 2023 et en 2022, année pendant laquelle les prix étaient très élevés », pointe l'économiste spécialiste des marchés de l'énergie Jacques Percebois. Pour rappel, en 2022, le prix moyen observé sur le marché spot en France a dépassé les 276 euros du mégawattheure.
« Ce mode de calcul a l'avantage d'être protecteur pendant une crise car cela permet de lisser la hausse des prix, mais une fois la crise terminée, les prix mettent plus de temps à baisser », résume Nicolas Goldberg, expert énergie au sein du cabinet Columbus Consulting.
En 2025, le régulateur du secteur n'intègrera plus les prix de gros de 2022 dans le calcul du TRV et il prendra en compte la moyenne des prix de marché observée en 2023 et en 2024. Or, en 2023, les prix de l'électricité sur le marché ont baissé et, en 2024, ils ont carrément chuté. Sur le marché spot français, ils oscillent, en moyenne, entre 40 euros et 60 euros du mégawattheure. Des niveaux bien en deçà de ceux observés chez nos voisins allemands.
« Ils sont très bas pour deux raisons. D'une part, il y a plus de nucléaire disponible, ce qui permet de moins faire appel aux compléments de production reposant sur les énergies fossiles. Ensuite, la production des renouvelables est très abondante ce qui conduit à observer régulièrement des prix négatifs sur le marché. Le complément marché dans le TRV calculé en février 2025 devrait donc être beaucoup moins élevé que le complément de marché calculé pour le TRV de février 2024 », expose Jacques Percebois.
Le retour de la taxe TICFE toujours au programme
Toutefois, deux nuances doivent être apportées à la promesse politique faite par Bruno Le Maire. D'abord, celle-ci repose sur l'hypothèse que les prix de marché resteront faibles au cours des six prochains mois. Pour le moment, les acteurs n'anticipent pas de flambée des prix au second semestre, hors événements exceptionnels, mais il n'existe aucune certitude. « On ne s'attend pas à ce que les prix de l'électricité sur le marché de gros remontent mais on ne peut pas exclure d'éventuels problèmes nucléaires ou le risque que le prix du gaz se remette à monter », note Jacques Percebois. Or, le prix du gaz influence le prix de l'électricité sur le marché de gros.
Ensuite, il faut que cette baisse de la part « complément marché », compense la hausse prévue de la taxe intérieure sur la consommation finale d'électricité (TICFE). En effet, cette taxe avait été drastiquement abaissée dans le cadre du bouclier tarifaire, mis en place à l'automne 2021 afin de protéger les consommateurs de la flambée des prix. Mais dans l'optique de sortir complètement du bouclier tarifaire, l'exécutif avait annoncé un rétablissement de cette taxe à 32 euros le mégawattheure en février 2025, après l'avoir déjà remontée à un premier palier de 21 euros en février dernier, conduisant à une hausse moyenne de la facture de 10%.
Du côté de Bercy, il n'y a aucun doute sur cet effet de compensation. Contacté par la rédaction, l'entourage de Bruno Le Maire assure que la baisse annoncée « intègre la sortie totale des boucliers ».
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