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Cela n'est pas écrit noir sur blanc dans le programme officiel du Rassemblement national, mais Jean-Philippe Tanguy, chargé de définir le programme économique du parti d'extrême droite, en a malgré tout fait une nouvelle promesse de campagne : annuler la hausse moyenne de 11,7% de la facture du gaz, effective depuis ce lundi 1er juillet pour des millions de Français. Une mesure également prônée par le Nouveau Front populaire (NFP).
Cette hausse était annoncée depuis des mois mais sa mise en œuvre, précisée le 10 juin au lendemain des élections européennes, est venue percuter le calendrier politique et a enflammé la campagne éclair des élections législatives anticipées, largement marquée par la question du pouvoir d'achat.
Interrogé dimanche soir sur Franceinfo après que l'actuel Premier ministre Gabriel Attal ait annoncé la suspension de la réforme de l'assurance chômage, Jean-Philippe Tanguy a réagi en demandant également l'annulation de la hausse de la facture de gaz. « Nous l'avons demandé. Et si les Français nous font confiance, nous l'annulerons », a-t-il assuré au micro de la radio publique.
Réinstaurer un tarif réglementé de vente du gaz serait illégal
Mais le Rassemblement national peut-il réellement annuler cette hausse de la facture de gaz ? « Il n'a aucune marge de manœuvre », tranche d'emblée Nicolas Goldberg, expert énergie chez Colombus Consulting. Avant toute chose, « il faut garder à l'esprit que c'est le prix repère du gaz défini par la CRE [la commission de régulation de l'énergie, ndlr] qui augmente au 1er juillet. Il ne s'agit, en aucun cas, du tarif réglementé du gaz, qui a disparu en juillet 2023 », rappelle Maxime de La Raudière, directeur général délégué du comparateur Selectra. « C'est un prix indicatif qui permet de donner une information aux consommateurs. Il n'y a rien de réglementaire, complète Jacques Percebois, économiste spécialiste des marchés de l'énergie. Chaque mois, le régulateur de l'énergie dit 'compte tenu du prix du gaz sur le marché international, voici le prix que vous pourriez négocier avec votre fournisseur », complète-t-il.
Autrement dit, les pouvoirs publics ne fixent plus les prix du gaz. Et, le Rassemblement national ne pourra pas réinstaurer un tarif réglementé de vente du gaz (TRV). En effet, dans une décision du 19 juillet 2017, le Conseil d'Etat a jugé que le maintien de ce TRV était contraire au droit de l'Union européenne.
Un prix en hausse sur le marché de gros
Les fournisseurs sont donc libres de fixer les prix qu'ils souhaitent indépendamment de ce prix repère. Reste que, sauf mise en place d'un bouclier tarifaire très coûteux pour les contribuables, ces derniers répercuteront vraisemblablement cette évolution étant donné la hausse des prix observée depuis le début d'année sur les marchés de gros, là où les fournisseurs négocient et achètent leur approvisionnement en gaz avant de le commercialiser sur le marché de détail. « Le contrat à terme du TTF néerlandais, [référence du gaz naturel en Europe, ndlr] était, en début d'année, à 25 euros du mégawattheure. Il est aujourd'hui à 35 euros », précise Jacques Percebois.
Cette augmentation du prix sur le marché de gros s'explique notamment parce que la demande asiatique repart à la hausse. Mais aussi par le fait que l'Europe s'approvisionne désormais essentiellement en gaz naturel liquéfié (GNL) importé par voie maritime, ce qui est plus cher que le gaz importé par gazoduc. D'autant que les méthaniers font désormais le tour de l'Afrique afin d'éviter le canal de Suez. Dernier facteur : la persistance d'un problème technique qui limite les exportations depuis la Norvège. « La hausse du tarif repère s'explique ainsi à 40% par la hausse du prix de la molécule à l'échelle mondiale. Or le Rassemblement national n'a pas de marge de manœuvre sur le cours de ce marché », explique Jacques Percebois.
Bloquer la hausse des coûts du réseau, un pari risqué
Néanmoins, le parti d'extrême droite pourrait actionner un autre levier. En effet, la hausse du prix repère du gaz tient aussi, et principalement (à hauteur de 60%), à la forte revalorisation pour les quatre années à venir des coûts d'acheminement du gaz supportés par le gestionnaire du réseau de distribution GRDF. Revalorisation qui peut être ajustée par le régulateur de l'énergie tous les ans, en juillet, pour tenir compte d'éléments conjoncturels. Or, ce coût avait été initialement sous évalué en 2020 lors de la crise du Covid et n'avait pas fait l'objet d'un réajustement à l'été 2022 car le prix de la molécule de gaz s'était envolé en raison de la guerre en Ukraine, rappelle Jacques Percebois. Deux facteurs qui expliquent un fort effet rattrapage aujourd'hui. Par ailleurs, le coût unitaire augmente mécaniquement puisque les coûts de réseau restent fixes tandis que la consommation de gaz, elle, diminue.
Le Rassemblement national pourrait donc décider de ne pas suivre les recommandations du régulateur de l'énergie et bloquer cette hausse du coût d'acheminement du gaz, dont doivent obligatoirement s'acquitter les fournisseurs. Lesquels ne répercuteraient donc pas de nouveaux coûts dans leurs offres destinées aux particuliers. Mais là encore, cette approche se heurte à une grande limite : qui paierait les investissements nécessaires au maintien du réseau de distribution de gaz et à son adaptation pour accueillir du gaz vert ? Et ce alors qu'il faut « raccorder de plus en plus d'unités de production de biogaz, éparpillées sur le territoire et parfois éloignées du réseau », relève Jacques Percebois.
Jouer sur les taxes... au détriment des contribuables !
Dernière solution pour jouer sur le prix du gaz auquel sont exposés les ménages : baisser le niveau des taxes, qui constituent la troisième composante de la facture, après le coût de la molécule et le coût des réseaux. C'est d'ailleurs la mesure phare du Rassemblement national : baisser la TVA sur l'énergie à 5,5%, au lieu des 20% actuellement en vigueur.
« Concrètement, cela se traduirait par une baisse du prix du kilowattheure de plus de 10%. Il passerait ainsi de 10,26 centimes à 9,02 centimes », détaille Maxime de La Raudière. Pour un ménage consommant du gaz naturel cela représenterait en moyenne 125 euros d'économies par an, estime ainsi Sélectra. « Ce qui annulerait presque la totalité de la hausse du prix repère », pointe son directeur général délégué. En revanche, le coût pour le contribuable s'élèverait à 2,3 milliards d'euros rien que pour la baisse de TVA sur le gaz, selon les calculs de Bercy. Et ce, « alors même que nous sortons d'une crise énergétique durant laquelle les particuliers ont été protégés par un bouclier tarifaire au coût exorbitant », pointe Selectra. Enfin, une baisse générale de la TVA sur l'énergie, y compris sur les carburants, serait contraire à la directive européennes de 2006.
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