![Sans mécanisme de soutien financier ou d'obligation d'incorporation, difficile pour les producteurs de biométhane de rivaliser avec le gaz naturel, toujours beaucoup moins cher malgré l'augmentation récente des prix.](https://static.latribune.fr/full_width/1140841/biogaz.jpg)
À l'Expobiogaz, qui s'est ouverte à Strasbourg ce mercredi, le sujet provoque l'effervescence : le gouvernement publiera-t-il très bientôt un décret attendu depuis près de deux ans pour accélérer le développement du biométhane, ce « gaz renouvelable » issu de la fermentation de matières organiques ? Faut-il s'attendre à en connaître les contours au Congrès France Gaz, qui se tiendra dès le lendemain à Paris en présence d'Emmanuelle Wargon, à la tête de la Commission de régulation de l'énergie (CRE), ou encore de Jean-Pierre Clamadieu, président d'Engie ? Une chose est sûre : « Pour la filière, l'attente est énorme », souligne Cécile Frédéricq, déléguée générale de l'association France gaz renouvelables.
Et pour cause : ce texte, envoyé au Conseil d'Etat fin mai pour être examiné, devrait permettre de débloquer de nombreux projets, en mettant en place des « certificats de production de biogaz » (CPB). Car sans mécanisme de soutien, impossible pour les producteurs de ces molécules renouvelables de rivaliser avec le gaz naturel, toujours beaucoup moins cher malgré l'augmentation récente des prix. « En tarif de rachat du biogaz, on se situe entre 90 et 120 euros le mégawattheure (MWh) », précise Cécile Frédéricq. Contre environ 30 euros par MWh pour son équivalent fossile.
Obligations d'incorporation pour les fournisseurs
Surtout, cet outil ne risque pas, a priori, de sauter pour des raisons budgétaires. Et pour cause. Alors que le gouvernement multiplie les coups de rabot (sur l'hydrogène, les toitures photovoltaïques ou encore la rénovation des bâtiments), l'idée est justement de réaliser des économies. Le principe : obliger les fournisseurs de gaz à constituer une part de leur portefeuille en biométhane, afin que les producteurs trouvent des débouchés sans soutien direct de l'Etat.
« C'est le même mécanisme que pour les biocarburants : ces opérateurs devront avoir dans leur offre commerciale une part donnée de biométhane, calculée sur leur portefeuille de clients résidentiels et tertiaires », développe Cécile Frédéricq.
Jusqu'ici, il n'existait qu'un autre mécanisme de l'Etat pour soutenir la filière méthanisation en injection dans les réseaux gaz : les tarifs de rachat. Mis en place en 2011, ceux-ci garantissent, pour les sites inférieurs à 25 gigawattheures (GWh) et pendant 15 ans, une rémunération fixe au producteur pour chaque MWh de biométhane injecté. Seulement voilà : « Au regard du volume total de production attendu, de 44 térawattheures (TWh) en 2030, le soutien direct de l'Etat devenait compliqué d'un point de vue budgétaire », précise Cécile Frédéricq.
Ne pas peser sur le budget de l'Etat
Ainsi, les CPB seront réservés à de plus gros projets, au-dessus de 25 GWh et qui « ne disposent aujourd'hui pas de solution pour se rémunérer », en-dehors de contrats privés. Pour les faire vivre, les fournisseurs devront donc restituer à la puissance publique des certificats qu'ils obtiendront en acquérant le biogaz émis par les producteurs (ou en le produisant eux-mêmes). Ce qui doit « permettre le développement » de ces infrastructures « dans le cadre d'un marché concurrentiel ne pesant pas sur le budget de l'Etat, tout en maîtrisant les volumes développés », précisait il y a quelques mois la Commission de régulation de l'énergie.
Reste à connaître quel sera le niveau d'obligation d'incorporation de biogaz, ainsi que le nombre de clients concernés par ce dispositif. Mais aussi les sanctions financières en cas de non-respect, desquelles découleront le montant maximum que les fournisseurs seront prêts à payer pour acheter les certificats.
Le consommateur perdant ?
Or, si ces pénalités sont élevées, le consommateur risque de ne pas en sortir gagnant, alertait la CRE en février dernier.
« Il est probable qu'au démarrage du dispositif, seuls deux fournisseurs de gaz disposeront de la très grande majorité des CPB. Les fournisseurs ne disposant pas de CPB devront alors payer la pénalité de 100 €/MWh, au détriment de leurs consommateurs et du fonctionnement du marché de détail du gaz naturel », écrivait l'autorité administrative dans un avis sur le sujet.
Celle-ci avait donc émis un « avis défavorable » sur le projet de décret, et recommandait une baisse d'au moins 40% du volume cumulé d'obligation sur les années 2026 à 2028, « compte tenu du potentiel d'installations identifié à ce stade et de la trajectoire de consommation prévisionnelle ». En l'état, l'obligation d'incorporation concernerait « 0,8 TWh en 2026, 3,1 TWh en 2027 et 6,5 TWh en 2028 », détaille Cécile Frédéricq (des chiffres à comparer aux 381 TWh de gaz consommés au global en Franc en 2023).
« Puisque demain, les fournisseurs vont payer plus cher, les consommateurs aussi, forcément. Mais puisque ce sera a priori réparti sur l'ensemble des clients et que les volumes attendus à court terme sont très faibles, l'impact sera limité à quelques centimes », assure la déléguée générale de France gaz renouvelables.
Enfin, ces CPB pourraient finir par favoriser les plus grosses exploitations industrielles plutôt que les petits méthaniseurs à la ferme, en n'incluant que les infrastructures supérieures à 25 GWh. Un risque à nuancer, selon Cécile Frédéricq « Ce qu'on appelle de gros projets en France, ce sont des petits projets ailleurs en Europe. Sur le Vieux continent, la moyenne des méthaniseurs s'établit autour de 70 GWh, contre 15 GWh dans l'Hexagone », conclut-elle. Interrogé sur la date exacte de publication du décret, le ministère délégué à l'Industrie et à l'Energie ne fait pas de commentaire.
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