Législatives : le RN à Matignon menacerait des centaines de milliers d’emplois de l’industrie verte

Les filières industrielles installées ou en devenir des éoliennes, des panneaux solaires, des batteries ou encore des pompes à chaleur pourraient être remises en cause si le parti d'extrême droite accédait au pouvoir à l'issue des législatives anticipées. Plus de 177.000 emplois pourraient être menacés ou ne jamais voir le jour, estime la fondation Jean Jaurès. L'avenir de 300 sites dits électro-intensifs pourrait aussi être mis en péril.
Juliette Raynal
La gigafactory d’ACC a commencé à produire ses premières batteries fin 2023.
La gigafactory d’ACC a commencé à produire ses premières batteries fin 2023. (Crédits : Reuters)

Se dirige-t-on vers une casse industrielle en cas de victoire du Rassemblement national aux élections législatives anticipées ? Alors que son président Jordan Bardella entend supprimer le dispositif de compensation carbone dont bénéficient les industriels les plus gourmands en électricité pour rester compétitifs dans un environnement hautement concurrentiel, cette mesure menacerait l'existence de 300 usines en France, a affirmé, jeudi lors d'un point presse, l'alliance Ensemble pour la République.

« Ce sont 300 usines décarbonées qui seraient remises en cause si le RN mettait fin à la compensation carbone. C'est l'équivalent de 115.000 emplois directs et indirects », ont insisté les équipes de campagne.

Les mises en garde de la majorité présidentielle ne sont pas isolées. Selon les calculs réalisés par la fondation Jean Jaurès, et basés sur un recensement non-exhaustif des sites industriels de la transition énergétique, environ 177.300 emplois industriels « verts » pourraient être menacés ou ne jamais voir le jour dans le cas d'une arrivée au pouvoir du RN. Dans une publication intitulée « Arrivée du RN à Matignon : le risque d'un grand plan social dans l'industrie verte », le centre de réflexion estime, en effet, que la politique menée par « le parti d'extrême droite s'attaquerait directement à l'éolien et au solaire », mais aussi au virage « vers la voiture électrique ou encore au déploiement des pompes à chaleur ».

Le risque d'une nouvelle vague de désindustrialisation

Au total, les filières des véhicules électriques, de la production d'éoliennes, de panneaux solaires et des pompes à chaleur représentent un peu plus de 49.000 emplois industriels en France, évalue la fondation. En y ajoutant les opérateurs de maintenance et d'installation, « ce chiffre peut être estimé à environ 85.670 emplois », écrit Neil Makaroff, expert associé à la fondation et auteur de la note. Compte tenu des projets annoncés, un doublement du nombre d'emplois dans ces secteurs industriels est attendu à l'horizon 2035, « soit la création d'en moyenne 25 nouveaux postes par jour dans l'industrie verte », poursuit-il.

Or, « face à des politiques hostiles et à une baisse des soutiens publics, les investisseurs et usines préféreront probablement quitter la France et cibler des pays qui prennent vraiment le virage de la transition écologique », indique l'auteur, qui redoute des délocalisations.

« De Nersac à Merville en passant par Lens, Annonay, Douai ou encore Plabennec, les villes qui doivent leur renaissance économique à la transition écologique pourraient bien subir une nouvelle vague de désindustrialisation », prévient-il.

Lire aussi« La désindustrialisation a bien été une décision idéologique » (Anne-Sophie Alsif, économiste)

L'éolien en mer en première ligne

Cette menace sur les emplois pèse grandement sur l'industrie de l'éolien en mer vers laquelle le parti d'extrême droite affiche désormais clairement son hostilité, après avoir concentré ses critiques pendant des années sur les éoliennes terrestres.

« Au salon Seanergy, [le salon des énergies de la mer qui se tient à Nantes du 26 au 28 juin, ndlr] c'est dans toutes les bouches. Tout le monde s'inquiète des résultats des élections législatives et de l'impact que cela pourrait avoir sur la politique des appels d'offres et donc sur la filière », confie à La Tribune une source syndicale chez GE, dont l'usine de turbines située à Montoire et le site nantais représentent, à eux seuls, quelque 900 emplois.

« Toutes les annonces faites début mai par Bruno Le Maire et Roland Lescure [les deux ministres se sont engagés à attribuer un giga appel d'offres de 10 GW d'ici à octobre 2026, ndlr] peuvent être balayées d'un revers de main », poursuit cette même source, alors que l'usine de Montoire est déjà fragilisée par l'absence de commandes au-delà de 2026. Le site de production ne serait pas viable sans débouchés directs sur le marché tricolore, estiment plusieurs observateurs.

A Saint-Nazaire, la grande inquiétude

Dans les Pays de la Loire, le secteur de l'éolien en mer représente quelque 2.500 emplois, essentiellement concentrés au niveau du bassin saint-nazairois, où l'on retrouve également les usines des Chantiers de l'Atlantique, qui fabriquent notamment les sous-stations électriques, pièce cruciale des champs éoliens. « Il y a également un projet important de développement du port », pour en faire un hub logistique dédié au stockage des éoliennes offshore, souligne Matthias Travel, candidat du Nouveau Front populaire et député sortant de la 8ème circonscription (Saint-Nazaire) de Loire-Atlantique, qui confirme « la grande inquiétude » des industriels du secteur.

« Toute la filière se projette pour atteindre les objectifs de 18 GW en 2030, puis d'au moins 45 GW en 2050. La question de la visibilité et de la planification est donc cruciale alors que des investissements très lourds seront nécessaires pour changer d'échelle de production. Or, si le RN gagne, cette visibilité les industriels ne l'auront pas. Les appels d'offres attendus d'ici à la fin de l'année ne seront pas lancés », prévient-il.

L'intervention sur France 3 de Gauthier Bouchet, le candidat RN pour la même circonscription, n'a pas dû rassurer les acteurs du secteur. Egalement délégué départemental du RN en Loire Atlantique, il a assuré que les industriels « ont eu tort » de se lancer dans cette voie.

L'industrie des pompes à chaleur, victime collatérale ?

Quant au solaire, si le RN n'évoque plus clairement de moratoire comme ce fut le cas pendant la campagne pour la présidentielle de 2022, Jean-Philippe Tanguy, responsable du programme économique du parti, a clairement indiqué qu'il ne s'agissait pas d'une priorité. Son développement serait d'ailleurs conditionné au contenu européen et à la maturité des technologies de stockage de l'électricité. Deux exigences, pour l'heure, inatteignables.

L'industrie des pompes à chaleur n'est, elle, pas directement attaquée, mais « la remise en cause des diagnostics de performance énergétique (DPE), le retour en arrière sur l'interdiction de vente des chaudières au fioul ou encore le soutien accru à la consommation de gaz et de fioul par la baisse des taxes voulus par le RN risquent d'impacter de plein fouet » cette industrie prévient Neil Makaroff. Cette dernière est pourtant bien implantée dans l'Hexagone, avec des sites aussi bien en Alsace qu'en Bretagne et dans la Somme. Par ailleurs, l'ouverture prévue de nouveaux sites pourrait conduire à la création d'au moins 13.000 postes industriels supplémentaires d'ici à 2027, pointe le think tank.

Enfin, le parti d'extrême droite « promet de faire marche arrière sur la fin de vente des voitures thermiques neuves en 2035 », rappelle la note. Or, « la filière de la batterie dénombre d'ores et déjà près de 2.000 emplois et en attend au moins 6.600 de plus d'ici 2026 dans les Hauts-de-France », est-il souligné. Au total, environ 20.000 emplois supplémentaires pourraient être créés dans la chaîne de valeur de la voiture électrique d'ici 2035, estime la fondation Jean Jaurès, qui ne manque pas de rappeler que ces nouvelles usines sont principalement implantées dans le nord et l'est de la France. Des territoires qui ont déjà du faire face à de multiples crises.

Juliette Raynal

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Commentaires 28
à écrit le 29/06/2024 à 17:17
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Je vois que tous les moyens sont bons pour faire peur à la ménagère (et au bon français moyen) en lui promettant les pires catastrophes quand le RN sera au pouvoir ! Bon, même si ce parti aura fort à faire pour rétablir une situation cataclysmique, j...

à écrit le 29/06/2024 à 10:14
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Droite ou gauche çà va changer !

à écrit le 29/06/2024 à 7:19
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"ou ne jamais voir le jour," LOL ! Combien d'emplois vers n'ont jamais vu le jour ? Combien de jeunes se sont précipités motivés à s'orienter dans des métiers durables, j'en connais sans aucun débouché ou bien le seul tourisme ? Il serait quand même ...

à écrit le 29/06/2024 à 7:17
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Le contrôle des naissances est la seule solution. Le reste ne fait que repousser les problèmes. Remerciez vos parents de vous avoir donné la vie plein de malheurs et sans perspectives d'avenir, simplement parce qu'ils voulaient un joli petit bébé.

à écrit le 29/06/2024 à 7:15
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Le contrôle des naissances est la seule solution. Le reste ne fait que repousser les problèmes. Remerciez vos parents de vous avoir donné la vie, simplement parce qu'ils voulaient un joli petit bébé.

à écrit le 29/06/2024 à 2:01
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Le FN/RN a Matignon? Vite...pour s'en débarrasser encore plus vite. A moins que (et c'est le plus grand risque ) qu'il ait suffisamment de temps pour confisquer la démocratie .Ce qui est leur but ultime.

le 29/06/2024 à 9:40
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Valbel89, vous ne croyez pas que vous fantasmez un peu …. On a eu les communistes en 1981, on devait avoir les chars Russes place de la Concorde, et puis finalement des 83, on a eu « le tournant de la rigueur » qui a remis les choses dans le bon sens...

le 30/06/2024 à 17:15
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Pas de Poutine à Matignon

à écrit le 28/06/2024 à 22:19
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Vu la quantité de frustrations accumulées, vu les annonces des uns et des autres, on peut dire qu’il y a de la place pour reformer. Après avoir essayé la gauche, la droite, le centre et n’avoir pu constater aucun résultat, que dire. La fondation Jean...

le 29/06/2024 à 10:15
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@Math - "Les Rennes" du pouvoir! Ceux du Père Noël dont le guide serait Jordan Bardella et le chariot celui du FN/RN?🤣🤣🤣

à écrit le 28/06/2024 à 21:50
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En absence de programmes réaliste, et avec un bilan désastreux, on en est réduit à inventer n'importe quoi pour faire peur aux gens.

à écrit le 28/06/2024 à 20:17
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Tant mieux cette folie est en train de ruiner la France et spolier les gens des campagnes avec ces malus….nous on veut du diesel et vos voitures électriques vous les gardez pour le bobos des villes. En votant Bardella les campagnes purges toutes les...

le 28/06/2024 à 23:27
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Et quand l Europe coupera les vivres de la paC la campagne ou que les marchés arrêterons de financer 50% de notre budget national , on vivra de quoi ? De l air des champs ?….faut bien étre niais ou nul en économie comme Bardella ou là le pen pour ...

le 28/06/2024 à 23:27
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Et quand l Europe coupera les vivres de la paC la campagne ou que les marchés arrêterons de financer 50% de notre budget national , on vivra de quoi ? De l air des champs ?….faut bien étre niais ou nul en économie comme Bardella ou là le pen pour ...

le 29/06/2024 à 10:24
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Il est agréable pour flatter son ego de se payer de paroles afin de calmer ses frustrations. Se payer de paroles n'assure pas les fins de mois.

à écrit le 28/06/2024 à 19:48
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L'industrie verte nous menace trop et nous coûte trop cher. L'écologie est une chose trop sérieuse pour être laissée aux écologistes : ils nous promettent de mourir guéris, je préfère vivre, même malade

à écrit le 28/06/2024 à 19:28
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Ce quil n y aura pkus, cest lecologie punitive qui donne bonne conscience. Pour le reste, a la difference des integristes verts pas sectaires pour deux sous tant quon est daccord avec eux, ils vont vite comprendre ce su est un mix energetique pragm...

le 29/06/2024 à 1:48
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@churchill - Écologie punitive.!!!!Deux mots pour surtout ne rien faire et se contenter de vivre sa petite comme s'il n"y avait pas un problème. La punition est déjà là sous forme d'inondations à répétition, de sécheresse, de fonte des glaciers, d...

à écrit le 28/06/2024 à 19:28
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La vraie question est selon moi, mais je n'y connais rien: auront nous suffisamment une production permanente d’électivité en 2030.. Pour mémoire les installations du numérique consomment de l'ordre de 10% de la production mondiale d'électricité..

à écrit le 28/06/2024 à 19:12
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Industrie verte 🤣🤣🤣🤣🤣🤣🤣🤣 arrêtez j'en ai des crampes 😂😂😂😂 ce foutage de gueule mondialiste est pire que toutes les pollutions précédentes mais tant que ce n'est pas chez nous !!!!

à écrit le 28/06/2024 à 18:18
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les pompes a chaleur ?un gadget qui coute fort cher a la pose et a ll'entretien pour un rendement bien moyen valable pour un plancher chauffant mais pas sur une installation ancienne l'au monte a 40 degre apres ce sont les resistances qui p...

le 28/06/2024 à 22:14
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J'ai discuté avec mon chauffagiste, trés bon en théorie (master énergétique) et en pratique patron d'une vingtaine de chauffagiste). Nous avons recherché la meilleur solution pour réduire la consommation de gaz et la facture, en 4 ans nous sommes pa...

à écrit le 28/06/2024 à 17:04
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Sans compter les vols de sauterelles, le déluge, le soutien à Poutine etc. Etc. La Tribune organe de la Résistance. Bravo les loulous

à écrit le 28/06/2024 à 16:51
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Panneaux solaires et batteries : et bien, c'est l'occasion d'exporter si on démontre que nos usines sont assez productives et font des produits suffisemment technologiques pour soutenir la concurrence. Si ce n'est pas le cas, alors ça démontrerait qu...

à écrit le 28/06/2024 à 16:40
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La gauche menacerait encore plus d'emploi dans le nucléaire et l'industrie automobile entre autres !

à écrit le 28/06/2024 à 16:04
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Quels emplois? La production de panneaux photovoltaique? La production de génératrices d'éoliennes? La production des convertisseurs électriques? ... Tout viens de Chine !! Demandez au ministère de l'industrie quelle sont les obligations de ces so...

le 28/06/2024 à 16:26
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Le manque de compétitivité de la France, à l'origine de notre balance commerciale désastreuse, malgré la propagande sur la réindustrialisation, est bien plus une menace pour l'industrie verte ou pas verte que le RN. Et c'est la conséquence de 43 ans ...

le 28/06/2024 à 16:31
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On peut rajouter la chimère des voitures électriques qui ne va pas conduire à ne de nouveaux emplois sur le territoire français mais plutôt à la fin de notre industrie automobile au profit des chinois. A l'idéologie quant tu nous tiens.

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