Climat : les JO de Paris 2024 sont-ils vraiment les jeux « les plus écologiques de l'Histoire » ?

PARIS 2024. Ce devait être la promesse du Comité d’organisation des JO de Paris dès 2017 : faire de ces jeux d'été les plus écologiques de toute l'histoire de la compétition. Mais les ONG environnementales ont pointé plusieurs lacunes. Interrogé par La Tribune, le Comité d'organisation se défend de ces accusations. Décryptage.
Mathieu Viviani
Diviser par deux les émissions de CO2 par rapport aux JO de Londres ou de Rio, c'est l'objectif que s'est fixé que le comité d'organisation des Jeux de Paris.
Diviser par deux les émissions de CO2 par rapport aux JO de Londres ou de Rio, c'est l'objectif que s'est fixé que le comité d'organisation des Jeux de Paris. (Crédits : © LTD / Riccardo Milani / Hans Lucas)

Une compétition... dans la compétition : les JO de Paris 2024 vont-ils décrocher la médaille d'or des jeux les plus écologiques de l'Histoire de l'olympisme, comme l'a assuré la ministre des Sports Amélie Oudéa-Castéra il y a six mois ? C'est aussi la promesse faite, dès 2017, lors de l'attribution des jeux. Pourtant, les ONG environnementales ont régulièrement tiré la sonnette d'alarme : « Un faux départ sur l'écologie », selon Greenpeace, ou encore, « des efforts écologies insuffisants », d'après Carbon Market Watch.

« Le plus difficile a été de sortir des modèles préexistants d'organisation », se défend Pierre Rabadan, adjoint à la maire de Paris, en charge du sport, des Jeux olympiques et paralympiques. « Il ne fallait pas que livrer les JO. Mais les mettre au diapason de l'Accord de Paris pour le climat de 2015 ».

Un budget carbone en sourdine ?

À ses tout débuts, la promesse est très ambitieuse : faire des JO de Paris 2024 une compétition « neutre en carbone », avec des émissions totalement compensées. Mais, en 2019, cette ambition semble avoir été abandonnée au profit d'un budget carbone qui fixe une nouvelle règle : au global, ne pas aller au-delà de 1,58 million de tonnes équivalent CO2 (soit l'empreinte carbone annuelle d'environ 180.000 Français), en comparaison avec les éditions de Rio de 2016 (3,6 millions de tCO2) et celles de Londres en 2012 (3,4 millions de tCO2).

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Un objectif certes louable et inédit, mais est-il réellement atteignable, lorsqu'on sait que les derniers JO à Tokyo, ont émis environ 2 millions de tCO2... sans spectateurs du fait de la pandémie de Covid ?

« Ce budget carbone de 1,58 million de tonnes CO2, nous l'avons fixé en 2019, et il a permis à ce que tous les acteurs impliqués dans l'organisation s'alignent sur un cap. Mais après, le projet évolue, lorsqu'on agit dans la réalité ». Mais d'ajouter, dans un second temps, ce qui semble être le nouvel axe de communication« Aujourd'hui, notre cap est de diviser par deux les émissions par rapport à Londres et Rio. Et vu les immenses efforts fournis, nous sommes sereins », répond Georgina Grenon, directrice de l'« Excellence environnementale » du Comité d'organisation (Cojop).

L'atout numéro un de la décarbonation

La haute cadre peut en effet se targuer de gros efforts réalisés sur les bâtiments, qui selon cette récente étude scientifique de l'université australienne de Queensland, est un des deux postes d'émissions les plus émetteurs de CO2 dans ce genre d'événement. Ceci, aux côtés des transports.

« La gestion durable des bâtiments est, en effet, notre levier le plus important pour décarboner les JO de Paris. L'idée était de construire le moins de bâtiments possible et d'utiliser le plus d'infrastructures existantes », affirme Georgina Grenon.

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Concrètement, 95% des infrastructures de l'événement sont soit, déjà existantes, soit temporaires, selon le Cojop. Pour ces dernières, est aussi prévu un démontage et un recyclage partiel des matériaux utilisés. De sorte qu'un seul grand bâtiment pérenne a été construit de zéro. Il s'agit du Centre aquatique, situé à Saint-Denis, en banlieue parisienne. Aux JO de Londres, pas moins de six bâtiments de ce type avaient dû être créés, tandis qu'à ceux de Rio et Tokyo, neuf structures furent nécessaires pour répondre aux besoins des épreuves de la compétition.

Autre exemple emblématique de cet effort : le Village des Athlètes, qui sera reconverti en « quartier de ville durable », composé de logements, bureaux et commerces, à partir de 2025. Aussi, celui-ci, ainsi que d'autres sites temporaires des Jeux, ont bénéficié de nouvelles méthodes de construction, plus écologiques (réemploi de matériaux, béton bas carbone, recours au bois, etc). Ce qui, selon, le comité d'organisation, a permis de s'affranchir de 30% d'émissions de CO2, par rapport à une conception classique.

L'apport des renouvelables

« On a également fait un gros effort sur le mix énergétique pour alimenter les différents sites », ajoute Georgina Grenon, qui a fait une grande partie de sa carrière dans le secteur des énergies vertes, notamment chez Engie et au ministère de la Transition écologique.

Elle précise : « La plupart des installations des JO ont été raccordées au réseau public d'électricité, via Enedis. Cela peut paraître étonnant, mais beaucoup de sites sportifs français utilisent encore des groupes électrogènes alimentés à l'essence ! Notamment, le Stade de France. Résultat, on va pouvoir réduire de 80% les émissions carbone liées à l'énergie, par rapport aux JO de Londres, qui pour l'anecdote, avaient utilisé 4 millions de litres de diesel. »

Autre initiative sur le volet énergétique : six parcs éoliens et deux parcs solaires apporteront leur contribution, dont une centrale photovoltaïque mobile flottante de 400m², installée sur la Seine, qui produira l'équivalent de la consommation d'environ trente appartements de trois pièces.

Les transports, montagne de carbone infranchissable

Reste tout de même un éléphant dans la pièce. Les émissions liées aux transports des visiteurs, athlètes et délégations. Selon l'étude de l'université de Queensland, celles-ci représentent pas moins d'un quart des émissions d'un méga-événement.

« Si on regarde les grands événements sportifs, la partie transport est toujours le poste d'émission le plus problématique », souligne Alexis Lepage, membre de l'association The Shifters (qui regroupe 22.000 experts sur le climat) et co-auteur d'un rapport indépendant sur le sujet. Selon son étude, l'impact carbone des déplacements aux JO pourrait dépasser 1,2 million de tonnes. Soit plus du double que ce qu'ont prévu les organisateurs, qui tablent sur 540.000 tCO2.

Pour calculer ce chiffre, l'association a pris comme point de comparaison les JO de Londres, dont la position géographique est proche de ceux de Paris, et le nombre de visiteurs étrangers (700.000) proche des projections des JOP, soit 770.000 visiteurs venant en transport. « Parmi ce contingent, on a estimé que 300.000 viendront d'en dehors de l'Europe, et en avion, un transport beaucoup plus carboné que le train », détaille le co-auteur.

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Et d'ajouter : « Pour ce type de manifestation sportive, la majeure partie des émissions est générée par des spectateurs extra-européens ». En outre, d'après le rapport, en prenant l'avion, un visiteur américain émet 10 fois plus de CO2 (2,5 tonnes pour parcourir en moyenne 15.000 km) qu'un spectateur allemand, qui peut se déplacer en train (0,26 tonne pour 1.300 km).

« Je respecte le travail des Shifters, qui nous l'ont présenté d'ailleurs. Mais, je pense qu'il est plus pertinent d'attendre la fin des JO pour avoir un vrai bilan. Encore aujourd'hui, nous n'avons pas le chiffre exact du nombre de visiteurs, d'où ils viennent, comment, etc. », répond, de son côté, Georgina Grenon.

« Bien conscient » de cette problématique des transports, l'adjoint au sport de la mairie de Paris tient à rappeler que « de nombreuses délégations européennes se sont engagées à venir en train. Notamment l'Espagne, l'Italie, le Royaume-Uni, les pays du Bénélux, ou même l'Allemagne ». Et le Comité international olympique a fait « un gros travail de sensibilisation auprès des athlètes », assure-t-il.

De son côté, François Gemenne, politologue et co-auteur du 6e rapport du GIEC, temporise : « Globalement, ces JO de Paris seront plus écologiques que les précédentes éditions. Ceci étant dit, la facture CO2 des visiteurs étrangers, c'est un problème, qui est malheureusement inévitable. Tant qu'on n'aura pas supprimé les énergies fossiles, ce sujet se posera toujours... »

Les ONG sur le qui-vive sur le sujet des bouteilles en plastique

Subsiste un autre problème sur lequel les organisateurs sont attendus au tournant par les ONG environnementales : les emballages plastiques, dont une grande partie sera issue des boissons vendues sur place.

En juin, sous la pression des associations, le comité d'organisation a précisé le détail des 18 millions de boissons qui seront distribuées : 9,6 millions à partir de fontaines ou de bouteilles en verre, 6,2 millions dans des gobelets produits à partir de bouteilles en plastique recyclé, 2,2 millions de bouteilles en plastique recyclé pour les athlètes, qui se verront aussi proposer des gourdes, et auront accès à des fontaines.

Mais il y a déjà eu un raté. Selon une note confidentielle du comité d'organisation de février 2023, que s'est procurée le réseau d'associations France Nature Environnement (FNE), les trois quarts des sodas servis par Coca-Cola durant les JOP proviendront de bouteilles en plastique, tout en étant servis dans des gobelets réutilisables de type « éco-cups ».

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« Sur la prévision de distribution et de vente de 18 millions de boissons Coca-Cola, plus de 10 millions proviendront de bouteilles en plastique », a calculé la fédération, qui a dénoncé un « green washing » de la part du géant américain, partenaire majeur des JO de Paris 2024. « Dans ce type de grand événement, il y a toujours un risque de greenwashing, on peut le déplorer », commente François Gemenne.

De son côté, la firme s'est défendue en expliquant que ces bouteilles en plastique seront collectées et recyclées. Sans convaincre la FNE, qui enjoint l'entreprise à réduire ses déchets à la source. Par ailleurs, Coca-Cola met en avant les centaines de fontaines qu'elle mettra à disposition pour distribuer ses sodas.

Mathieu Viviani

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Commentaires 11
à écrit le 28/07/2024 à 6:31
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Si la flamme olympique brûle sans utiliser d'énergies fossiles, c'est parce que ce sont des ampoules électriques LED qui sont allumées à la base du ballon captif à Paris. Mais alors , que devient la flamme alluée à Olympie et ramenée jusqu'en France ...

à écrit le 26/07/2024 à 22:40
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Les plus mouillés..assurément 😆

à écrit le 26/07/2024 à 19:14
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Plus écologique,mais moins de bouffe: La délégation de la Grande-Bretagne fera l’impasse sur la cantine du village olympique. Les athlètes britanniques auront un chef cuisinier et ils pourront se restaurer au pavillon de performance à Clichy. Une ...

le 27/07/2024 à 18:45
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@la chose - Si on a l'esprit mal tourné, c'est peut être que les Britanniques ont besoin d'une nourriture "spécifique " pour améliorer leurs performances. 🤣

le 28/07/2024 à 5:55
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Idem pour la Coree du Sud qui a affrete un avion rempli de bouffe avec des chefs coreens pour que tout ce petit monde puisse manger a sa faim. Tu parles d'une organisation, tout par a volo en France, tout.

à écrit le 26/07/2024 à 8:58
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Pour ne pas émettre de CO2 je préconise de ne respirer qu'une fois sur 2 et surtout de ne pas faire de sport ((comme Churchill (le vrai) :"No Sport")). La sieste reste donc l'activité la plus raisonnable et la plus recommandable. 😃

à écrit le 26/07/2024 à 8:55
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J.O. 2024 ? Ne manquez pas de lire "Oxymore" de Jean Tuan chez C.L.C. Éditions. L'auteur observateur attentif de la Chine, le pays de son père, nous dévoile comment la Chine utilise tous les moyens pour que ses athlètes triomphent au niveau mondial....

à écrit le 26/07/2024 à 8:02
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Que c'est bete, ces objectifs carbone. Si on a avait vraiment voulu etre ecolo, on n'aurait pas organise ces jeux olympiques

à écrit le 26/07/2024 à 7:59
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Associer l' écologie à ces jeux olympiques, c'est vraiment se moquer du monde

à écrit le 26/07/2024 à 7:55
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Si déjà au lieu d'organiser des JO paralympiques ont utilisait cet argent pour équiper les personnes handicapés qui manquent de tout, parce que c'est ça la réalité, l'impact écologique aurait été bien moindre. Nos dirigeants sont intellectuellement d...

à écrit le 26/07/2024 à 7:54
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Si déjà au lieu d'organiser des JO paralympiques ont utilisait cet argent pour équiper les personnes handicapés qui manquent de tout, parce que c'est ça la réalité, l'impacte écologique aurait été bien moindre. Nos dirigeants sont intellectuellement ...

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