Le sujet était évoqué en une petite ligne dans le programme de Marine Le Pen pour les élections présidentielles de 2022. La « privatisation de l'audiovisuel public » doit permettre, écrivait la cheffe de file du Rassemblement national (RN), de « supprimer la redevance », et donc de « rendre immédiatement du pouvoir d'achat aux ménages, des plus modestes aux classes moyennes ». Cette petite musique a de nouveau été jouée par Sébastien Chenu, le vice-président du parti d'extrême droite et député du Nord. Il a affirmé, ce lundi sur BFMTV, que cette privatisation pourra « être mise en place rapidement » en cas de victoire aux législatives.
Cette perspective constituerait un séisme pour France Télévisions, Radio France et France Médias Monde (RFI et France 24). Mais pas seulement. TF1 et M6, les deux géants du paysage de la télévision privée en feraient aussi les frais. C'est d'ailleurs ce qui explique leur chute en Bourse. Ce mardi, en milieu d'après-midi, le titre TF1 perdait plus de 8%, à 8 euros, quand celui de son grand rival M6 reculait de 3,7%, à près de 13 euros.
Un impact « très négatif » pour TF1 et M6
A l'AFP, les analystes d'Oddo BHF rappellent qu'une privatisation de l'audiovisuel public « serait naturellement très négatif pour les acteurs privés ». Ceux-ci pourraient alors voir leurs revenus et leurs marges fondre. Pourquoi ? Parce que l'arrivée de nouveaux acteurs sur le marché renforcerait fortement la compétition. Trop même, estiment les analystes d'Oddo BHF. Ces derniers affirment même que « la situation de marché pourrait rendre impossible une privatisation totale ».
Les revenus de TF1 et M6 proviennent de la publicité. Une privatisation les obligerait, primo, à partager ce gâteau avec des concurrents. Secundo, l'arrivée de nouveaux rivaux engendrerait sans doute une guerre des prix, avec d'évidentes conséquences sur les revenus des acteurs historiques. Enfin tertio, ce projet de privatisation interviendrait alors que l'avenir s'annonce déjà difficile pour les chaînes privées.
Baisse des recettes publicitaires
En janvier dernier, une étude prospective commandée par l'Arcom, le régulateur de l'audiovisuel, soulignait que les recettes publicitaires nettes de la télévision (en incluant la publicité sur la télévision linéaire, celle sur les espaces numériques des chaînes, et la publicité ciblée), qui étaient de 3,5 milliards d'euros en 2022, allaient progressivement baisser de 1,4% par an jusqu'en 2030. A cette date, ce gâteau ne devrait plus peser que 3,1 milliards d'euros. Pourquoi ? Parce que l'audience de la télévision vieillit, avec des jeunes qui privilégient chaque jour davantage les plateformes numériques pour s'informer ou se divertir. L'étude de l'Arcom précise, d'ailleurs, que la durée d'écoute de la télévision (DEI) devrait passer de 206 minutes par jour en 2022, à 182 minutes en 2030. Ce qui a des conséquences sur le marché de la publicité.
La possibilité d'une privatisation constitue, dans tous les cas, un nouveau sujet d'inquiétude pour l'audiovisuel public. Ces dernières semaines, les syndicats de France Télévisions et de Radio France étaient montés au créneau contre le projet de fusion du gouvernement. Celui-ci est désormais gelé par la convocation des élections législatives anticipées. Cela fait des années que le RN critique France Télévisions comme Radio France, accusés, entre autres, de manquer d'impartialité.
Sujets les + commentés