Un véritable séisme dans le monde de l'audiovisuel public. Les députés ont approuvé mardi une fusion de France Télévisions et Radio France en 2026. Après une « phase intermédiaire » sous un régime de holding en 2025, « la finalité » de cette réforme est « l'entreprise unique », rassemblant France Télévisions, Radio France, France Médias Monde (RFI, France 24) et l'INA (Institut national de l'audiovisuel) au 1er janvier 2026, a rappelé Rachida Dati, ministre de la Culture. L'amendement clé a été adopté par 30 voix pour, 18 contre, celles de la gauche et du MoDem. L'allié de la majorité présidentielle appelle à ne pas aller « trop loin trop vite ».
« Le sujet est mûr », plaide pour sa part Rachida Dati. D'après elle, l'audiovisuel public dispose de « forces indéniables » mais aujourd'hui « dispersées », ce qui l'expose à un « risque d'affaiblissement » face à la concurrence des plateformes internationales comme Netflix.
Dès sa prise de fonction en janvier, la ministre avait dit vouloir « rassembler les forces » de l'audiovisuel public en allant plus loin que les rapprochements en cours entre France Télévisions et Radio France. Les députés de la commission des Affaires culturelles ont cependant exclu France Médias Monde (FMM) de la future holding, lors d'un vote serré. « FMM ne répond pas du tout aux mêmes objectifs et aux mêmes enjeux », a fait valoir Martine Froger (groupe Liot). Cependant, les parlementaires pourraient revenir ultérieurement sur cette disposition.
Les syndicats de Radio France appellent à la grève
Le texte, validé dans la nuit en commission, doit passer en première lecture dans l'hémicycle les 23 et 24 mai, sauf embouteillage législatif qui la repousserait au 24 juin voire à septembre. Opposés au projet, les syndicats de Radio France ont déjà appelé à la grève pour les deux journées de mai.
De son côté, dans un entretien récent accordé à La Tribune, Sibyle Veil, PDG de Radio France, avait expliqué qu'elle n'était pas favorable à une grande fusion : « Une fusion de l'audiovisuel public affaiblirait la radio. Et ce n'est pas le moment d'affaiblir l'audio quand on voit les ravages du trop d'écrans sur la santé publique en général et le bien-être des jeunes en particulier ! Sans compter qu'une fusion très consommatrice en temps et en énergie managériale pourrait aboutir à un grand ensemble bureaucratique. »
Pour garantir une adoption, la ministre, issue du parti Les Républicains (LR), a repris à son compte un texte adopté en juin 2023 au Sénat, dominé par la droite. Porté par Laurent Lafon (Union centriste), il prévoit la création d'une simple holding nommée France Médias. « L'ensemble des biens, droits et obligations » de ces sociétés « sont transférés à la société France Médias » avec effet au 1er janvier 2026, détaille l'amendement gouvernemental clé d'une vingtaine de pages, déposé à l'identique par les députés Renaissance et Horizons, membres de la majorité présidentielle.
Superpuissant, « le PDG de la société France Médias est nommé pour cinq ans par l'Arcom », l'autorité de régulation de l'audiovisuel, « aux termes d'une procédure transparente, ouverte, effective et non discriminatoire », prévoit un autre amendement gouvernemental. « Cette réforme de l'audiovisuel public doit permettre de proposer une offre plus riche, mieux mise en avant sur tous les canaux de diffusion pour qu'elle puisse s'adresser à tous les Français », est-il notamment expliqué. La société géante aurait un budget de quatre milliards d'euros et la réforme concernerait 16.000 salariés.
Mardi, le député LR Maxime Minot a manifesté « le soutien » de son groupe au projet et à son « ambition. » Le groupe RN y est également favorable. La gauche, elle, est vent debout contre la réforme. C'est « l'aboutissement du dénigrement et de l'affaiblissement » du service public à l'œuvre depuis l'arrivée d'Emmanuel Macron au pouvoir, a estimé l'insoumise Ségolène Amiot. Le gouvernement avance « à l'aveugle » avec une politique « au doigt mouillé » a lancé le socialiste Iñaki Echaniz. « C'est pas le retour de l'ORTF qui va nous permettre de concurrencer Netflix », a renchéri l'écologiste Sophie Taillé-Polian.
Le sujet épineux de la publicité
Le chef de l'Etat avait prôné un rapprochement dès 2017 en dressant un constat sévère sur l'audiovisuel public. Franck Riester, prédécesseur de Rachida Dati, avait porté en 2019 un projet de holding stoppé par le Covid-19. La ministre assure qu'il faut faire la réforme au plus vite, avant la fin du mandat de la présidente de France Télévisions, Delphine Ernotte Cunci, en 2025. Mais, selon un acteur du secteur, c'est aussi un moyen pour elle d'avoir « un bilan » à la Culture avant de briguer la mairie de Paris en 2026.
Pour rassurer sur le plan financier, le député Renaissance Quentin Bataillon a préparé avec Jean-Jacques Gaultier (LR) un texte actant un fléchage pérenne depuis le budget de l'Etat au profit de l'audiovisuel public (« prélèvement sur recettes »), sur le modèle du financement des collectivités. Depuis la suppression de la redevance en 2022, le secteur est financé par une fraction de TVA, selon un mécanisme provisoire.
Le sujet sensible de la publicité a aussi animé les échanges en commission. Un amendement gouvernemental projetant de déplafonner les recettes publicitaires de l'audiovisuel public a été adopté. Mais le sujet doit être retravaillé, se sont engagés les parlementaires. Les acteurs privés de l'audiovisuel sont farouchement opposés à ce déplafonnement et les députés LR en font un point dur. « C'est une course à l'audience, et la logique commerciale n'est pas celle du service public », a prévenu Jean-Jacques Gaultier.
(Avec AFP)
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