Avec Llama 3.1, Meta veut bouleverser l'écosystème de l'IA

Mark Zuckerberg estime que son modèle - l'un des plus grands en open source - pourrait permettre à l'industrie de faire un bond. Au-delà de faire avancer l'écosystème, la firme a bien un but commercial. Elle intègre son modèle à l'ensemble de ses plateformes via Meta AI, un assistant virtuel qui devrait être l'IA la plus utilisée au monde d'ici la fin de l'année, promet le PDG. Le but, toujours le même : générer plus de revenus publicitaires.
Llama 3.1 compte 405 milliards de paramètres.
Llama 3.1 compte 405 milliards de paramètres. (Crédits : Meta)

Sa sortie était attendue de pied ferme chez les férus d'intelligence artificielle. Signe de l'impatience de l'écosystème, Product Hunt, site américain qui référence les nouveaux services et outils numériques, avait affiché un compte à rebours pour l'occasion. Finalement, Meta leur a coupé l'herbe sous le pied en lançant son modèle une heure avant l'heure prévue. Un petit cirque de communication devenu presque routinier avant chaque sortie de nouveau modèle. Celui-ci, de son petit nom Llama 3.1, compte 405 milliards de paramètres. C'est la plus grande version du modèle d'intelligence artificielle générative de Meta, capable de produire du texte à partir d'une simple instruction. Il a été entraîné avec 16.000 GPU de Nvidia H100, ces processeurs essentiels à la création des modèles d'intelligence artificielle, ce qui laisse penser que le coût d'entraînement du modèle atteint des centaines de millions de dollars.

Comme d'autres modèles de ce type, Llama 3.1 sait coder, résumer des documents, écrire en 8 langues différentes... Son modèle serait à la hauteur de GPT-4 d'OpenAI selon différents benchmarks. Comparé à GPT-4o, il serait meilleur en code et en génération de graphiques, mais ses capacités multilingues seraient plus faibles. Et il est moins performant que Claude 3.5 Sonnet en programmation et en raisonnement général. Reste que ces grilles d'évaluation des intelligences artificielles ne sont pas toujours fiables ni à jour selon plusieurs experts de l'écosystème.

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En avril, Meta donnait déjà un avant-goût de son nouveau modèle, avec deux premières déclinaisons de la troisième version de son modèle d'intelligence artificielle : Llama 8b et Llama 70b. Le « b » faisant référence au nombre de milliards de paramètres de l'IA, c'est-à-dire à sa taille. Ses « petits » modèles - qui viennent d'être mis à jour - se veulent moins coûteux à entraîner et à déployer. Ils sont de plus en plus appréciés par le monde professionnel et les développeurs, les plus grands modèles restant intéressants pour la réalisation de tâches complexes.

Cette nouvelle déclinaison de Llama pourrait bouleverser l'écosystème, car Meta adopte une stratégie différente d'OpenAI et d'Anthropic. La firme de Mark Zuckerberg a la particularité de proposer ces modèles en open source, avec une licence d'exploitation qui permet à quasiment n'importe quelle entreprise de les utiliser gratuitement, là où ses principaux concurrents développent des modèles propriétaires dont ils facturent l'exploitation. L'open source est un moyen pour Meta d'attirer les meilleurs chercheurs, précisait Joelle Pineau, la directrice de la recherche de l'entreprise à La Tribune.

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Mark Zuckerberg vante les mérites de l'open source

Dans un post de blog du 23 juillet, Mark Zuckerberg fait une nouvelle déclaration d'amour à l'open source, intérêt qui teinte son discours médiatique depuis plusieurs mois déjà. Il compare Llama 3 à Linux, un système d'exploitation open source qui a permis à l'informatique mondiale de faire un bond, en donnant la possibilité aux développeurs de modifier le code. Il assure que les modèles open source rattrapent voire surpassent déjà les modèles propriétaires. « Je pense que la sortie de Llama 3.1 sera un point d'inflexion dans l'industrie (de l'IA) où la plupart des développeurs commenceront à utiliser principalement l'open source, et je m'attends à ce que cette approche ne fasse que croître à partir de maintenant », explique le PDG de Meta.

Par ailleurs, le géant des réseaux sociaux peut se permettre d'« offrir » une partie de son travail à la communauté. Contrairement à OpenAI, Meta ne compte pas générer de revenus en vendant l'exploitation de son modèle, mais en l'intégrant à ses plateformes WhatsApp, Instagram, Facebook, mais aussi à ses lunettes connectées et bientôt ses casques de réalité virtuelle, sous la forme d'un assistant baptisé « Meta AI ». Il est disponible dans 22 pays pour le moment, mais pas encore en France. Le but est toujours le même : proposer de nouveaux formats et fonctionnalités pour faire rester les utilisateurs sur ses plateformes et générer des revenus publicitaires. Meta AI est également disponible via un site dédié, façon ChatGPT.

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Dans une vidéo de présentation postée sur ses réseaux sociaux, Mark Zuckerberg annonce que Meta AI sera directement mis à jour avec la dernière version de Llama 3.1. Elle sera disponible cette semaine aux États-Unis. L'assistant serait déjà utilisé par « des centaines de millions d'utilisateurs », précise-t-il, « nous sommes en chemin pour en faire l'assistant d'IA le plus utilisé au monde d'ici à la fin de l'année ». Soit devant ChatGPT. Dans les prochaines semaines, Meta AI sera agrémenté de nouvelles fonctionnalités, l'une pour créer sa propre IA, une autre pour générer des images « en temps réel », c'est-à-dire qui évoluent au fur et à mesure que l'on modifie le prompt. Une autre encore appelée « Imagine Me » permettra de scanner son visage et de demander à Meta AI de changer son apparence.

Reste que les grandes ambitions de Meta se heurtent déjà au cadre réglementaire. Il y a quelques semaines, l'entreprise a changé sa politique afin de pouvoir entraîner ses IA sur les images et textes postés par les utilisateurs de ses plateformes, y compris sur leur page privée. L'entreprise s'est attirée les foudres de milliers d'utilisateurs et de l'association Noyb de l'activiste Max Schrems, qui estime que cette pratique est contraire au Règlement général sur la protection des données (RGPD). Meta avait fait marche arrière quelques jours plus tard en suspendant l'utilisation des données des utilisateurs pour l'IA dans l'Union européenne. Et elle fait désormais pression en repoussant sine die la sortie de son futur modèle multimodal (qui comprendra le texte, les images, les fichiers audio) dans l'U.E.

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Le message envoyé est clair : pas de data, pas d'IA. Mais en se privant du marché européen, Meta pourrait saper son ambition de devenir l'IA la plus utilisée au monde. Cet incident montre en tout cas que l'industrie doit faire face à la grogne grandissante des utilisateurs soucieux de préserver leurs données.

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Commentaires 2
à écrit le 24/07/2024 à 6:49
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Ca y est nous en sommes à bouleverser le bouleversement. le buzz IA a du plomb dans l'aile.

à écrit le 23/07/2024 à 23:25
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"Mais en se privant du marché européen, Meta pourrait saper son ambition de devenir l'IA la plus utilisée au monde." Je ne suis pas du tout un fan de Zuckenberg, mais l'Europe c'est 260 millions de personnes grand max, que dalle par rapport au reste ...

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