Tour de France 2024 : chaud derrière !

Les longues heures passées sur la selle traumatisent l’intimité des coureurs. Histoires de grandes douleurs et de petites astuces.
Première étape du Tour de France 2024, entre Florence et Rimini, le 29 juin.
Première étape du Tour de France 2024, entre Florence et Rimini, le 29 juin. (Crédits : © LTD / ÉTIENNE GARNIER/PRESSE SPORTS)

« Vous n'avez pas tout le temps mal aux fesses ? » La question est posée à Guillaume Martin avant chaque course de trois semaines ou presque alors que, selon son expérience, ce sont les premières sorties hivernales qui traumatisent le plus les derrières. Au Tour de France, « passé les deux ou trois premiers jours, ça va », rassure le leader de Cofidis. À moins de porter des vêtements de qualité moyenne, comme cela lui est arrivé lors d'une édition disputée sous les couleurs de Wanty-Groupe Gobert qui lui avait ainsi paru « très longue ».

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Reste qu'à pédaler sur une assise en carbone pendant 3 498 kilomètres, soit au moins quatre-vingts heures, les douleurs de selle - euphémisme répandu dans le peloton - sont inévitables. À la lecture du communiqué quotidien di usé par le service médical du Tour, on complète vite son champ lexical : irritations, douleurs périnéales, hémorroïdes... « La plus grande préoccupation des coureurs, ce n'était ni les cols ni la pluie, c'était les furoncles », disait le truculent directeur sportif Raphaël Géminiani, disparu il y a neuf jours.

Savon de Marseille et crèmes antibactériennes

Aucun coureur n'est totalement épargné mais peu en parlent volontiers. « On est obligé de communiquer le moindre pépin au docteur, nuance Pierre-Luc Périchon, sept participations à la Grande Boucle. Dans une équipe où tous les coureurs se douchent en même temps, il est compliqué d'être pudique. » Au contraire, cela nuirait à la préparation. Chez DSM-Firmenich PostNL, le spécialiste Nelis Koeken réalise à chaque intersaison une analyse biomécanique individuelle. « Nous partageons les résultats avec notre équipementier, afin de concevoir des combinaisons mieux aérées et éviter que les textiles retiennent trop de transpiration », explique l'entraîneur de Romain Bardet et Warren Barguil.

Vainqueur d'étape et 15e du Tour d'Italie l'an dernier, Aurélien Paret-Peintre n'avait pas échappé à « de petites douleurs d'assise causées par l'humidité ». Selon lui, « les coureurs qui n'en souffrent pas ont un petit avantage en troisième semaine, quand la majorité a vraiment mal aux fesses ». Et peine à conserver un pédalage propre, surtout en danseuse. Pour s'en prémunir, Nans Peters, son équipier chez Decathlon-AG2R La Mondiale, porte un soin particulier à sa tenue : « Passer des heures dans un cuissard mouillé ou mal lavé peut provoquer une irritation, voire un bouton mal placé. »

Vainqueur du Tour en 1987, l'Irlandais Stephen Roche s'occupait personnellement de sa lessive, « à l'éther et au savon de Marseille ». Certains sont si pointilleux qu'ils font livrer un fond de cuissard chez l'équipementier pour préparer une dizaine de modèles par saison. Les peaux synthétiques ou en latex - qui ont remplacé le chamois - amortissent moins les chocs et les vibrations une fois tassées ou durcies. Nans Peters, vainqueur de l'étape de Loudenvielle en 2020, se passe une pommade pour éviter les frottements. Des crèmes antibactériennes assez grasses réduisent le risque de microfissures cutanées, voire d'infection. Un astucieux nous a raconté qu'il ajoutait parfois du cirage sur la selle de son vélo afin de fluidifier le contact. Lors de sa seule participation au Tour (2013), Maxime Méderel avait souffert dès la deuxième semaine. « Malgré les tenues rembourrées, raconte-t-il, je ne serais pas allé très loin sans l'application quotidienne d'une crème qui aide à reconstituer la peau, très irritée en haut des cuisses. »

Les douleurs intimes peuvent contraindre à l'abandon. En 2013, le double champion du monde de poursuite Taylor Phinney avait quitté le Giro à cause de « plaies de selle ». Il y a deux ans, une « infection cutanée » mal placée avait mis fin prématurément au dernier Tour de France de l'accrocheur Alexis Vuillermoz ; le fidèle de Jean-René Bernaudeau avait dû être opéré. Un simple bouton sur la fesse peut s'avérer « dévastateur » d'après Allen Lim, consultant pour plusieurs équipes World Tour, cité par Outside Magazine.

Les escalopes « très fines » de Périchon

Un léger changement de position peut amoindrir la performance. Aussi, les fabricants de vélo proposent plusieurs modèles de selle. Et des tests. L'Australien Adam Hansen, 20 participations consécutives aux trois grands Tours (un record), se souvient d'avoir collaboré avec une marque de cycles afin de mesurer la pression et d'adapter au mieux sa selle. Mais le confort est précaire. « Quand je ne montais pas sur mon vélo pendant deux semaines, mon corps avait besoin de plusieurs jours pour se réhabituer », indique l'actuel président du syndicat des coureurs (CPA).

Le progrès technique et médical propose des solutions efficaces aux pratiquants de la petite reine. Mais certains ne dédaignent pas des méthodes de grand-père. D'après une rumeur apparue dans les années 1980, des coureurs très irrités glissaient une escalope de veau sur leur peau de chamois. « Une année, sur le Tour, j'ai été proche de l'abandon, confie Pierre-Luc Périchon, rare interlocuteur à son aise sur ce sujet délicat. Perdu pour perdu, j'ai tenté le coup de l'escalope, coupée très fine. Ça m'a vraiment soulagé ! Du coup, mes parents, présents au bord des routes, m'ont ravitaillé en viande fraîche pendant plusieurs jours. »

Pogacar a tapé du poing sur la table

Une réaction de champion. Frustré par la résistance inattendue de son rival Jonas Vingegaard ces derniers jours, notamment à l'arrivée au Lioran mercredi, le maillot jaune Tadej Pogacar (UAE Team Emirates) a, cette fois, attaqué dans les quatre derniers kilomètres vers Saint-Lary-Soulan Pla d'Adet et creusé 39 secondes d'écart sur le Danois, qui perd du terrain (1'57") tout en remontant à la 2e place du classement général, devant le Belge Remco Evenepoel (Soudal Quick-Step). Mis sur orbite par son équipier Adam Yates, le Slovène sera-t-il encore à la manœuvre aujourd'hui, sur 198 kilomètres et quatre cols de première catégorie (Peyresourde, Menté, Portet d'Aspet, col d'Agnes) en direction du plateau de Beille, à près de 1 800 mètres d'altitude ? Un terrain propice à une nouvelle bataille entre le leader du Tour et ses concurrents.

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Commentaire 1
à écrit le 14/07/2024 à 7:11
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Merci je me demandais bien comment ils faisaient ! Mais donc malgré leur métier ils en bavent donc... est-ce que les femmes cyclistes connaissent les mêmes déboires ? Normalement elles sont plus résistantes à la douleur.

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