Natation : Maxime Grousset, le banlieusard des îles

Le triple champion du monde vit depuis 2021 en Île-de-France, loin de la Nouvelle-Calédonie où il a grandi. Récit d’une adaptation forcée.
Au Giant Open de Saint- Germain-en-Laye, en mars 2023.
Au Giant Open de Saint- Germain-en-Laye, en mars 2023. (Crédits : © LTD / Christophe Geyres/ABACAPRESS)

Quand il empruntera le périphérique à bord du bus des athlètes, Maxime Grousset ne sera pas dépaysé. C'est en habitué qu'il se fera déposer à la Paris la Défense Arena de Nanterre (Hauts-de- Seine), transformée en piscine olympique. Mardi matin, le sprinteur de 25 ans se présentera aux séries du 100 mètres nage libre presque en voisin, même si sa banlieue à lui se situe 30 kilomètres plus à l'est, à Nogent-sur-Marne (Val-de-Marne). « Je connais le site et j'adorese délecte-t-il. J'y suis venu pour assister à des matchs de rugby du Racing 92. J'ai pu commencer à me projeter, à sentir le potentiel de l'endroit. C'est une arène avec des gradins très proches des nageurs, on va avoir une ambiance de folie, beaucoup mieux que dans les piscines en plein air. »

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Cette familiarité avec l'environnement est un ingrédient du home advantage dont bénéficient les champions du pays hôte. Maxime Grousset en profite à plein. Paris et sa région, il connaît. Depuis 2021, il est banlieusard. Pour ce natif de Nouméa (Nouvelle-Calédonie), ce n'était pas écrit. Pas même une envie. Pour vivre son rêve olympique, celui qui porte des espoirs de médaille sur 100 mètres nage libre (finale mercredi), 100 mètres papillon (finale samedi) et sur les relais (finales dimanche) a suivi son entraîneur Michel Chrétien à l'Insep, l'usine à champions tricolores nichée au cœur du bois de Vincennes.

Un palmier sur sa terrasse

La transition avec l'Océanie a été amortie par un passage par Amiens (Somme), où officiait son coach, quand le surdoué a débarqué en métropole, à 17 ans. Elle n'a pas été simple pour autant. « Amiens est une petite ville, ça m'allaitconfie-t-il. À Paris, je craignais d'être étouffé par quelque chose de trop grand. J'avais découvert la capitale à 14 ans, à l'occasion d'une compétition. J'étais allé directement sur les Champs-Élysées, où j'avais été marqué par la grandeur des bâtiments, de l'avenue, par tout ce monde. Ça me mettait mal à l'aise. Moi, je venais d'une île tranquille, avec un horizon et des plages tout près de chez moi, à Nouméa. »

Trois ans plus tard, après quelques hésitations, ce fils de deux passionnés de natation a finalement posé planche et maillots dans un 40 mètres carrés du Perreux-sur-Marne, près de la station de RER Neuilly-Plaisance (Seine-Saint-Denis). « Je n'étais pas malheureuxrembobine-t-il, mais l'environnement ne m'a pas plu. Trop de passage. Heureusement que la Marne était à une minute à pied. »

Cet éternel décontracté découvre alors les transports en commun et ses voyageurs crispés : « Je viens d'une île où on se dit tous bonjour, même quand on ne se connaît pas. Alors, au début, je saluais tout le monde. On me prenait pour un fou. » Le futur champion du monde comprend vite les ressorts de cette vie de stress. « Il y a une pression constante, parce que tout va très vite. Tu es pressé pour avoir tes transports et tu répercutes ça sur toute la journée. Tout ça donne l'impression qu'à Paris les gens s'évitent tout le temps, que tout le monde se fout de son voisin. Alors qu'en fait le Parisien est plutôt cool. Mais les énergies sont comme ça. » Celles des autres, pas les siennes. « Je m'en sors bien, je ne suis pas rattrapé par ce rythme. Je suis resté un îlien. »

Rapidement, « l'Îlien-de-France » s'est reconstruit un monde. Sa banlieue à lui, protégée par le cocon d'une maison à Nogent-sur-Marne, où il passe le plus clair de son temps. Un palmier sur sa terrasse lui rappelle même le pays. « J'ai bien galéré pour le rempoter, il pesait un âne mort, assure le colosse de 92 kilos et de 1,92 mètre. Je me suis défoncé les mains, mais je suis très fier, j'ai mis un palmier chez moi. » Le cliché l'amuse.

Au début, je saluais tout le monde. On me prenait pour un fou

À deux pas de chez lui se trouve le bois de Vincennes, où il cultive ses rituels. Il y promène chaque matin Luffy, son cocker anglais de 2 ans, et retrouve des retraitées du quartier : « Elles s'appellent Béatrice, Laëtitia ou Ève, elles sont devenues mes amies. Elles suivent mes performances et me font des commentaires, du genre "ç'a été dur pour toi ce week- end", ou "c'est bien, tu as gagné, bravo". On échange sur tous les sujets. L'une me parle de ses projets immobiliers, l'autre me conseille des commerces sympas dans le centre-ville. Ce sont de petites discussions tranquilles. » À la néo-calédonienne. Comme les activités de ces autres voisins, « des gens sympas qui font beaucoup de sports de plein air ». Un mode de vie dans lequel il se retrouve : « En Nouvelle-Calédonie, quand on sort du travail, on va courir, faire du vélo, nager en mer. À Nogent, quand je vois mes voisins revenir de ces activités, ils ont retrouvé le sourire. Comme par hasard... »

En manque de surf

D'autres divertissements remplissent les week-ends du nageur : les sorties cinéma au multiplexe d'Ivry-sur-Seine, le golf dans les Hauts-de-Seine et le Val-de-Marne, les sorties au Louvre, « l'endroit préféré de [sa] copine ». Le couple apprécie les grands magasins, ou le Marais, en raison de « son ambiance sympa et multiculturelle ». « C'est ce que j'aime dans cette vie franciliennesavoure Maxime Grousset, l'accès à tout, partout, tout le temps. Toutes les marques de vêtements, toutes les activités... sauf une vague artificielle pour surfer - c'est la seule chose qui me manque. » Tel un bon Parisien, il file aussi régulièrement le samedi en Normandie, où vit sa compagne ostéopathe.

Après sa vie de champion, Maxime Grousset n'envisage pourtant pas plus de s'installer en province qu'à Paris. Il se projette plutôt chez lui, en Nouvelle-Calédonie, parce qu'il « n'envisage pas d'élever des enfants ici, dans ces espaces clos ». « Quand je terminais les cours à Nouméapoursuit-il, j'avais une voiture sans permis, et avec un copain on allait voir le coucher de soleil. C'est ce genre d'expérience qui me manque. » Celle qui l'attend cette semaine à la Paris la Défense Arena, devant 15 000 spectateurs survoltés, valait bien quelques sacrifices.

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