Alain Bernard : « L’extraterrestre, c’est Léon Marchand »

ENTRETIEN - Le quadruple médaillé olympique est fasciné par le quintuple champion du monde, star attendue des JO, en lice pour les championnats de France dès aujourd’hui.
Léon Marchand lors du 200 mètres 4 nages qu’il a remporté aux championnats du monde en 2023.
Léon Marchand lors du 200 mètres 4 nages qu’il a remporté aux championnats du monde en 2023. (Crédits : © LTD / DAVID J. PHILLIP/AP/SIPA)

À l'antenne d'Eurosport, Alain Bernard est un consultant heureux. L'état de la natation française, dans toutes ses disciplines, présage une moisson olympique. Le double champion olympique (100 mètres nage libre en 2008, 4×100 mètres nage libre en 2012), 41 ans, se régale à l'avance des courses de Léon Marchand, 22 ans, et Maxime Grousset, 25 ans, têtes d'affiche présentes aux championnats de France à Chartres (Eure-et-Loir), jusqu'à vendredi.

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LA TRIBUNE DIMANCHE - Quels pièges faut-il éviter dans la dernière ligne droite avant les JO ?

ALAIN BERNARD - Il faut aborder l'événement comme des Mondiaux ou des championnats d'Europe. La pression doit porter nos nageurs, pas les plomber. On a tous envie qu'ils nous fassent rêver, mais disons-leur que nous serons fiers d'eux quels que soient leurs résultats. Je suis envieux de leur expérience à venir à Paris et, en même temps, en vivant les JO à l'autre bout du monde [Pékin en 2008], je m'étais senti préservé.

Avez-vous déjà vu Léon Marchand stressé ?

Tout semble facile pour lui. Il faudrait voir sa réaction si un jour il stagnait. Mais à moins qu'un extraterrestre ne se révèle, il a une avance confortable. Aujourd'hui, l'extraterrestre, c'est lui. On ne connaît pas ses limites et c'est fascinant. D'autant qu'il continue de gagner en maturité. Ces derniers mois, il s'est beaucoup protégé pour éviter d'avoir trop de choses à gérer. Pour autant, il est resté accessible.

Sa coulée est-elle son atout principal ?

Oui, Léon est très rapide sous l'eau. Les nageurs qui parviennent à exploiter la distance réglementaire de 15 mètres sous l'eau ont un véritable avantage, et il l'a très bien compris. Réussir sa coulée nécessite beaucoup d'entraînement sur la technique de nage et sur le souffle. Avant lui, on n'avait jamais vu un nageur faire une coulée de 15 mètres à la fin d'un 400 mètres 4 nages. Il faut imaginer, pour le commun des mortels, trois minutes trente d'effort intense suivies d'une apnée d'une douzaine de secondes. J'admire d'autant plus sa faculté que la coulée était mon talon d'Achille et que j'ai beaucoup envié Amaury Leveaux, Florent Manaudou et Michael Phelps.

Vous reconnaissez-vous dans son corps assez fin ?

Sa silhouette mince et élancée peut surprendre. Léon est sculpté mais pas bodybuildé. Je ne saurais pas dire si l'archétype du nageur évolue, mais on a rarement vu des profils comme celui de Maxime Grousset, assez costaud, puissant et massif, exceller sur 400 mètres 4 nages, une course qui réussit d'abord aux nageurs longilignes et endurants.

Il faut imaginer 3 minutes 30 d'effort intense suivies d'une apnée d'une douzaine de secondes

Quel regard portez-vous sur les couples que Léon Marchand et Maxime Grousset forment avec leurs entraîneurs ?

L'entraîneur est le premier repère. La connivence et la cohésion sont deux facteurs essentiels pour la confiance en soi. J'ai vécu cette relation avec Denis Auguin. Léon s'est construit à Toulouse avec Nicolas Castel. Leur travail a porté ses fruits après son départ aux États-Unis auprès de Bob Bowman. Le report d'un an des JO de Tokyo lui a été profitable : sa première expérience olympique à 19 ans lui a permis d'arriver extrêmement fort et compétitif juste derrière [deux médailles d'or aux Mondiaux 2022]. Maxime Grousset, lui, a suivi son entraîneur Michel Chrétien, d'Amiens, à l'Insep. Leur relation, très forte, s'est prolongée. L'un comme l'autre sont les produits d'une coconstruction.

Florent Manaudou a-t-il le moteur pour glaner une cinquième médaille, douze ans après sa première ?

J'ai cru comprendre qu'il envisageait de participer aux championnats d'Europe 2026 à Paris. C'est peut-être une perspective qui réduira la pression aux Jeux. L'imaginer sur un podium lors d'une quatrième édition n'est pas irréaliste.

Derrière ses têtes d'affiche, la natation française se porte-t-elle bien ?

On peut citer Anastasiia Kirpichnikova, qui s'entraîne avec Philippe Lucas, nos plongeurs, Marc-Antoine Olivier en eau libre... De nouvelles générations émergent grâce à une politique sportive beaucoup plus rigoureuse depuis l'arrivée à la tête des équipes de France de Jacco Verhaeren [il partira après les JO pour la formation cycliste Visma-Lease a bike]. Une stratégie d'écoute et d'accompagnement, des moyens ont permis à des jeunes d'éclore. Le vivier s'est densifié en sprint, en papillon, en quatre nages. Ça bosse énormément pour mettre en valeur toutes les compétences, et les anciens - Charlotte Bonnet, Mélanie Henique et Florent Manaudou - coexistent avec les plus jeunes, de Maxime Grousset à Mary-Ambre Moluh [18 ans]. Notre équipe est éclectique et porteuse d'espoirs.

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