Golf : « Les Jeux, ça rapproche ! » (Céline Boutier et Matthieu Pavon, numéros 1 français)

ENTRETIEN - Même génération mais parcours distincts, la Francilienne et le Girondin font vivre un âge d’or à la France. Entretien croisé.
Céline Boutier et Matthieu Pavon.
Céline Boutier et Matthieu Pavon. (Crédits : © LTD / Steven Bisig/USA TODAY Sports/Sipa USA/Icon Sport ; JAMES GILBERT/Getty via AFP)

Une médaille pour le golf français ? L'hypothèse n'est plus saugrenue. Depuis que Céline Boutier et Matthieu Pavon hissent les couleurs, l'herbe est devenue plus verte alentour. Elle a montré la voie en brillant sur le LPGA Tour, circuit de référence, un Majeur à la clé (Évian Championship 2023). Lui a débarqué en trombe sur le PGA Tour cette année, premier Frenchie à s'y imposer (Torrey Pines, fin janvier). Début juillet, on a retrouvé ces deux nouvelles têtes d'affiche du sport français, respectivement 7e et 23e mondiaux, en tenue olympique. Avec en toile de fond le parcours hôte de l'Albatros, à Saint-Quentin-en-Yvelines. Matthieu Pavon y débutera jeudi, Céline Boutier l'imitera une semaine plus tard.

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LA TRIBUNE DIMANCHE - Vous êtes de la même génération, mais est-ce que vous vous connaissez bien ?

MATTHIEU PAVON. Très peu. Tu as quel âge toi, Céline ? 30 ans. Donc plus jeune que moi [d'un an]. En fait, mon cursus n'a pas du tout été fédéral. Je n'ai jamais figuré dans les équipes de France.

Quand je suis passé pro, j'étais 30 e français amateur, 800e mondial, je ne jouais quasiment pas à l'international. Plus jeune, Céline était donc bien meilleure. Je l'ai découverte petit à petit à travers ses victoires. Jusqu'à Évian l'an dernier, où je n'ai pas manqué un seul coup de son dimanche. Mais toujours à distance. On n'a jamais vraiment partagé du temps ensemble.

CÉLINE BOUTIER. Et puis on n'est pas du même coin en France non plus [elle est des Hauts-de-Seine ; il est né à Toulouse et a grandi en Gironde]. D'autant que j'ai très vite déménagé aux États-Unis.

M.P. Les Jeux, ça rapproche !

La dimension collective propre aux JO vous manque-t-elle dans votre sport si individuel ?

C.B. Il y a bien la Ryder Cup et la Solheim Cup. C'est sympa, on fait partie de quelque chose de plus grand que soi, mais on n'y représente pas vraiment son pays [il s'agit de matchs Europe-USA]. En amateurs, quand j'avais de 16 à 18 ans, j'ai joué en équipe de France, et ces semaines restent gravées comme mes meilleurs souvenirs. J'y ai noué des liens avec des personnes qui seront des amis pour la vie.

Vous qui êtes établis aux États-Unis, vous y sentez-vous plus reconnus qu'en France ?

M.P. Je n'étais pas rentré depuis le 3 janvier. Quand tu es là-bas, dans ta bulle, il y a une forme de normalité. Mais quand tu retournes dans ton club ou quand on vient te féliciter au restaurant, tu mesures l'impact. Pour moi, c'est tout nouveau.

C.B. Quand tu as gagné, beaucoup aux États-Unis m'ont envoyé des messages pour me féliciter, moi. « Bravo pour la victoire de Matthieu, vive la France ! »

C'était très drôle d'observer les réactions de ces gens constatant l'arrivée du golf français au plus haut niveau.

M.P. Il se passe quelque chose. Pour les Américains, la France n'existait pas en tant que pays de golf. Un peu plus grâce à Céline, mais ils ignoraient totalement que les Français étaient capables de bien jouer chez les hommes.

Avez-vous conscience de faire vivre au golf français sa plus belle période ?

C.B. On espère que ce n'est que le début.

M.P. Si on pouvait aider à lancer quelque chose, ce serait génial. Je pense que l'on n'a pas à se cacher. En matière de vivier, on a en France énormément de très bons éléments et personne à craindre.

« Quand tu as gagné, beaucoup aux États-Unis m'ont envoyé des messages pour me féliciter »

Céline Boutier

Entre un titre en Majeur et l'or olympique, où va votre préférence ?

M.P. Tu es la mieux placée pour répondre.

C.B. Je mets les Jeux au même niveau, même si je n'ai pas grandi en rêvant de les gagner. Je ne savais même pas que ce serait une option [Le golf est redevenu sport olympique en 2016, après cent douze ans d'absence].

M.P. Gamin, je ne ratais jamais une édition du Masters d'Augusta, avec toutes ses coutumes, les victoires de Tiger Woods... Donc j'aurais tendance à le mettre encore un peu au-dessus. Mais, maintenant que je suis athlète olympique, je me dis qu'une médaille d'or et une Marseillaise en France ça vaudrait autant.

À l'instar du tennis, boudé par les meilleurs après sa réintroduction en 1988 mais désormais très couru, le golf peut-il devenir un rendez-vous olympique incontournable ?

M.P. On le voit avec le champ de joueurs qui va se présenter ici : les meilleurs s'y intéressent de plus en plus. Des Majeurs, on en a quatre par an. Les Jeux, c'est le rapport inverse. C'est rare, et ça compte dans un palmarès.

C.B. Chez les femmes, c'est un peu différent. Dès 2016, tout le monde était déjà là.

Vous souvenez-vous de vos débuts sur ce parcours de l'Albatros ?

M.P. Vers 14 ans, aux championnats de France minimes. J'y ai perdu beaucoup de balles, beaucoup trop de balles !

C.B. Et encore, il était moins difficile que maintenant.

M.P. C'est vrai. À l'époque, je devais être 7 de handicap. À ce niveau et à cet âge, tu es attiré par l'eau. Et sur les trous numéro 1, 15, 16, 18 il y en a partout.

C.B. J'ai fait le pôle France ici, donc je m'y suis entraînée pendant toute une année. C'est un parcours qui est très dépendant du vent. Si tu l'as dans le dos ou non, ça change tout.

Êtes-vous superstitieux, ou avez-vous un rituel pendant la compétition ?

C.B. Outre le fait que j'utilise toujours la même marque de balle, j'y ajoute une ligne noire, en repère.

M.P. Le chiffre 7 est très présent autour de moi. Mon papa [l'ancien joueur de football Michel Pavon] est né le 7 novembre, il jouait avec le 7 aux Girondins. Quand j'ai gagné l'Open d'Espagne [en octobre 2023], j'étais à la place de parking no 7. À Torrey Pines, le fils de mon kiné fêtait ses 7 ans, et on était à la table 7 au restaurant italien avant de jouer le dernier tour. Alors, je mets sept balles dans mon sac. En fait, c'est mon caddie qui le fait depuis que je lui ai raconté ces histoires.

C.B. Tu devrais jouer avec les balles no 7, aussi...

M.P. Je devrais, oui. Ce chiffre me poursuit. Lors du dîner d'intégration sur le PGA Tour à Hawaii, avec tous les rookies, j'étais placé à la table 7. Quand j'ai vu ça, j'ai appelé mon père : « Papa, t'inquiète, l'année va se passer nickel ! »

« Mon papa jouait avec le 7 aux Girondins. [...] Ce chiffre me poursuit »

Matthieu Pavon

Il paraît qu'en décembre en Floride vous serez associés lors d'un tournoi mixte, le Grant Thornton Invitational...

C.B. Apparemment, mais je n'ai pas encore eu la confirmation officielle.

M.P. En début d'année, j'ai envoyé un message à Céline pour savoir si ça la tentait. La demande a été faite, on attend désormais le feu vert. D'ailleurs, pour les Jeux de 2028, je pense qu'une formule avec des matchs entre équipes nationales ou en double, ça pourrait être sympa.

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Commentaire 1
à écrit le 28/07/2024 à 9:47
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