Football : l’équipe de France a perdu le Sud

Il n’y a aucun joueur issu du pourtour méditerranéen chez les Bleus. Une première. Anatomie d’une anomalie.
(Crédits : © LTD / FRANCK FIFE / AFP)

« Pourquoi le foot des campagnes a disparu de l'équipe de France ? » s'interrogeait L'Équipe avant le début de l'Euro, propos illustrés par une carte des premiers clubs des Bleus. Outre la surreprésentation de la région parisienne et la difficulté des joueurs issus de la ruralité, un autre fait sautait aux yeux : il n'y a aujourd'hui en sélection aucun joueur issu de Provence-Alpes-Côte d'Azur (Paca) ; le désert sudiste s'étend même jusqu'en Occitanie. En métropole, seule la Région Centre-Val de Loire est dans le même cas. Mais, à la différence du pourtour méditerranéen, elle n'est pas un gros bassin démographique nanti de quatre clubs de Ligue 1, dont l'Olympique de Marseille.

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La donnée est d'autant plus intrigante que c'est la première fois que cela arrive lors d'un tournoi international ; Théo Hernandez est, certes, né à Marseille (ainsi que son frère Lucas) mais il a commencé à jouer au foot en Espagne, au Rayo Majadahonda. Ancien dirigeant de l'OM et de Nice, Julien Fournier ne peut que constater « l'anomalie », qu'il juge « passagère ». « La Région Paca est une énorme Région de foot mais pas la première, développe-t-il. L'Île-de-France est le plus grand fournisseur et ce n'est pas près de s'arrêter ; les clubs européens la considèrent comme un pays à part entière à "scouter" [superviser]. La région lyonnaise, aussi, est au-dessus. » Et le nord de la France l'est historiquement.

Reste que les Bouches-du-Rhône sont, par exemple, le troisième département pourvoyeur d'internationaux depuis 1904 (37). Le sixième rapporté au nombre d'habitants. Mais ce qui apparaît crûment aujourd'hui au niveau régional était latent depuis trois décennies, masqué par les parcours au long cours du Marseillais Zinédine Zidane puis du Niçois Hugo Lloris.

Il n'y a pas de grand club formateur comme Rennes, Lyon ou le PSG

Président de la Ligue Méditerranée, Éric Borghini avance parmi les pistes d'explication possibles les dispositifs d'accès au haut niveau, tels sport-études, « moins ancrés sur [son] territoire ». Mais il en revient au sujet initial soulevé par L'Équipe et estime que le maillage territorial s'améliore ces dernières années. « Le travail de détection a été renforcé au sein de notre ligue, précise-t-il. Afin qu'il porte ses fruits, il faut encore que les mentalités évoluent en ce qui concerne le recrutement, afin que ces joueurs soient identifiés par les clubs pros. »

Encore faut-il aussi que ce soient ceux de la Région. Or, pour Julien Fournier, « le réservoir est de qualité mais va se former ailleurs car il n'y a pas de grand club formateur comme Rennes, Lyon ou le PSG ». Soit les trois premiers du classement des centres de formation révélé la semaine passée par la Fédération française de football. Monaco apparaît en quatrième position mais « n'a pas de préformation et recrute (très bien) partout en France ». À l'image de Kylian Mbappé il y a onze ans. La formation, c'est l'éternel tourment de l'OM. Elle manque aussi de régularité à Nice. Dans ce panorama méditerranéen, on peut ajouter Montpellier, qui a un savoir-faire mais a reculé dans la hiérarchie.

Un déficit de terrains et d'espace

Chez les amateurs de Cavigal Nice, on évoque « des conflits » ou des « différences de point de vue » avec les clubs pros comme cause de la déperdition de talents locaux. « Nous, on estime qu'un enfant, même très fort, doit rester jusqu'à 15 ans, explique leur président, Diego Noto. Or, les pros veulent les meilleurs dès 8 ou 9 ans. » Comme beaucoup, le dirigeant doit aussi composer avec la difficulté à trouver des encadrants passionnés. Julien Fournier cite Burel à Marseille ou La Garde dans le Var parmi les clubs amateurs réputés « qui travaillent très bien avec leurs (manque de) moyens ».

Un déficit de terrains et d'espace sur ces territoires côtiers est aussi pointé. « Peut-être qu'aujourd'hui en Méditerranée, les enfants ne jouent plus tellement dans la rue ou les jardins », émet par ailleurs Diego Noto, qui se réjouit d'avoir eu dix joueurs recrutés par des centres de formation professionnels au cours des trois dernières années après « un creux de dix à quinze ans ». Éric Borghini partage un constat porteur d'espoir : « Actuellement, de nombreux jeunes issus des clubs professionnels de notre ligue sont internationaux, et trois internationaux de la génération 2006 sont issus de notre pôle espoirs. Mais arriver en équipe de France est un Graal que tout le monde n'atteint pas. »

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Commentaire 1
à écrit le 30/06/2024 à 8:32
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Avec tous les gros riches qui voulaient leur place au soleil et que les autochtones leur ont vendu bien cher, m'étonne pas qu'il n'y ai plus de place pour des terrains de foot. Puis les jeunes c'est pénible, ça fait du bruit, ça s'agite puis c'est be...

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