Patrimoine : en Indre-et-Loire, les orfèvres de la chapelle royale d’Amboise

Tailleurs, couvreurs, doreurs et campanistes ont redonné son éclat à ce trésor du gothique flamboyant, qui rouvre aujourd’hui ses portes au public.
Ianek Kocher,
tailleur-sculpteur
en pleine
réfection de
décor de pierre
de la chapelle.
Ianek Kocher, tailleur-sculpteur en pleine réfection de décor de pierre de la chapelle. (Crédits : © LTD / Fondation Saint Louis)

La pierre du tuffeau, issue de Saint-Aignan dans le Loir-et-Cher et travaillée dans les règles de l'art, redonne désormais toute sa blancheur éclatante à la chapelle où Charles VIII et sa femme, Anne de Bretagne, assistaient quotidiennement à l'o ce religieux.  L'édifice, construit à la fin du XVe siècle dans l'enceinte du château d'Amboise (Indre-et-Loire), avait subi les outrages du temps. Il était fermé au public depuis 2022. De quoi pousser la Fondation Saint-Louis, propriétaire des lieux, à redonner son lustre à cette chapelle de pur style gothique flamboyant. « Il s'agit presque d'une cathédrale en miniature où les décors et les sculptures, visibles de près, se devaient à l'époque d'être parfaits, assure Marc Metay, directeur du château d'Amboise. Leur restauration a donc été confiée à des artisans du cru triés sur le volet. »

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Petit-fils de sculpteur de pierre, Ianek Kocher a ainsi pratiqué 200 greffes de pierre sur des décors abîmés ou détruits. Un travail de précision, notamment à l'intérieur de la chapelle, où les frises sont si fines qu'elles ressemblent à de la dentelle. Armés de gouges et de ciseaux, de rifloirs et gratte-fonds, l'artisan de 39 ans et son équipe de compagnons ont dû parfois réinterpréter scènes et personnages disparus. « Au-delà de la maîtrise des outils, les mêmes qu'au XVe siècle, le tailleur-sculpteur de pierre doit également posséder une culture historique et religieuse suffisante pour ne pas commettre d'impairs, précise Ianek Kocher. L'objectif est qu'après notre passage la restauration soit invisible. » Le résultat est probant à Amboise, où les décors de pierre ont retrouvé toute leur profondeur.

Un travail minutieux

Ils ne sont pas les seuls. La toiture en plomb de la chapelle, surmontée de sa flèche, a elle aussi bénéficié d'une cure de jouvence salvatrice, au niveau tant de son étanchéité que de ses ornements. Démontée, elle a été refondue dans un atelier en Angleterre, seul pays à posséder encore une fonderie de plomb coulé sur sable. Ce temps a été mis à profit par Charlotte Duplessis pour restaurer et parfois refaire lambrequins, gables, pinacles et choux décorant la toiture. À la tête de Loire ornements, son atelier installé dans le Maine-et-Loire voisin, l'ornemaniste fait perdurer un métier qui a connu son apogée au XIXe siècle, où charpentes et toitures en métal ont essaimé dans l'Hexagone.

Pendant un temps tentée par l'horticulture et le journalisme, cette fille d'un meilleur ouvrier de France en couverture et ornementation métallique a finalement suivi le chemin familial.    « Participer à la restauration du patrimoine est à la fois une nécessité et un plaisir », explique cette jeune quadragénaire qui a à son actif la restitution à l'identique des décors de toiture de six tours du château de Chambord. Bon sang ne saurait mentir. La dorure à l'or fin d'une vingtaine d'ornements de la toiture de la chapelle, après restauration, est l'œuvre de Lauranne Munk Koefoed. « Massacres » de cerfs, croix et fleurs de lys éclairent de nouveau la flèche de la chapelle, elle-même surmontée de la couronne dorée des rois de France.

Patrimoine : en Indre-et-Loire, les orfèvres de la chapelle royale d’Amboise

(Crédits : ©LTD / © LTD / Fondation Saint Louis)

Un travail minutieux pour lequel Lauranne Munk Koefoed, diplômée de l'École du Louvre, a suivi une formation dans un atelier à Parme, en Italie. « Comme pour d'autres professions artisanales, la formation de doreur à l'or fin est peu répandue, constate cette
professionnelle installée à Chançay, à 15 kilomètres d'Amboise. Bien que la confrérie des doreurs perdure depuis le XVIIe siècle, un seul CAP existe aujourd'hui dans l'Hexagone. Je fais ainsi le maximum pour faire mieux connaître le métier auprès des jeunes en participant notamment à des salons d'orientation, et bien sûr j'accueille régulièrement des apprentis et des stagiaires. »

Le souhait de transmettre leur savoir-faire présent chez les trois artisans habite également Alexandre Gougeon. À la tête de l'entreprise campanaire familiale, située à Villedômer en Indre-et-Loire, cet ingénieur en chimie a redonné vie à la cloche de la chapelle produite à la fin du XIXe siècle par le fondeur parisien Hildebrand. Équipée d'un joug et d'un battant neufs, elle a de nouveau retenti en 2024 dans la vallée de la Loire qui la borde... après plus d'un siècle de silence.

Vice et vertu à Saint-Hubert

Édifice par nature sacré, la chapelle royale du château d'Amboise a été construite par des artisans empreints de traditions médiévales et chrétiennes. À une époque où la religion catholique régissait la société française, ils avaient à cœur d'intégrer dans leurs travaux des décors à drôleries, mettant en scène personnages et animaux symbolisant la dualité entre le vice et la vertu. Non visibles parce que situés sur la partie haute extérieure, au-dessus du chevet de la chapelle, figurent ainsi une femme dépoitraillée, un bouffon tenant son sexe entre les mains, ou encore Ève en position lascive. Les personnages peuplant les frises intérieures n'ont pas non plus été choisis de façon anodine par leurs créateurs. Ainsi des animaux vertueux comme l'escargot et le cerf y cohabitent avec des bêtes jugées vicieuses dans l'imaginaire de l'époque, le serpent et le scarabée notamment. Censée maintenir Charles VIII et Anne de Bretagne dans de bonnes pratiques morales et les inciter au repentir, une partie de l'ornementation de la chapelle est aussi consacrée à la passion première des rois : la chasse.

Le linteau d'entrée est ainsi orné du personnage de saint Hubert, jeune noble toulousain et grand chasseur qui se convertira au christianisme. Devenu le saint patron des chasseurs et des forestiers, il a donné à partir du XVIe siècle son nom à la chapelle, dont la flèche est d'ailleurs surmontée de bois de cerf dorés. Hubert de Liège y cohabite avec une autre célébrité de l'époque qui n'avait pas vocation à reposer dans l'édifice royal. Léonard de Vinci, mort en 1519, était enterré préalablement dans la collégiale Saint-Florentin, également située dans l'enceinte du château d'Amboise et démolie en 1806-1808. C'est après des fouilles archéologiques menées en 1863 sous la houlette de l'écrivain Arsène Houssaye que la dépouille du peintre et savant italien sera exhumée et transférée dans la chapelle située à 100 mètres.

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