Au pied des sommets du Piolit et du Vieux Chaillol, déjà recouverts de neige, une lumière chaude d'hiver rayonne sur les bâtiments de l'ancienne usine Badin, à deux pas du centre-ville de Gap. C'est là que s'est installée, il y a tout juste un an, la Cinémathèque d'images de montagne, un lieu unique en son genre, fruit de vingt-sept ans de combat mené par deux passionnés, Gilles Charensol et Valérie Bonfé. Heureux hasard, la construction de l'usine Badin a commencé en 1895... soit la même année que l'invention du cinéma par les frères Lumière.
L'aventure de la Cinémathèque de montagne débute en 1996. Gilles Charensol et Valérie Bonfé fondent une association. Son but : sauver de l'oubli ou de la destruction les films, amateurs ou professionnels, tournés depuis l'invention du cinéma qui ont pour thème la montagne. « Qu'ils témoignent de la vie quotidienne, des pratiques sportives ou d'un écosystème spécifique, tout nous semblait important à préserver, raconte Gilles Charensol. Mais la dimension régionale, elle, ne nous intéressait pas. On voulait montrer que les montagnards du monde entier - qu'ils vivent sur les hauteurs de Gap ou dans une vallée de l'Himalaya - partagent un mode de vie similaire. » Dans leur garage s'entassent alors des centaines de bobines « qui font notre patrimoine », récupérées dans les décharges ou chez des particuliers grâce au bouche-à-oreille.
Un pan de leur histoire entre nos mains
Peu à peu, des alpinistes, des réalisateurs connus ou leurs proches, commencent aussi à s'intéresser au projet. La famille Terray, celle de l'alpiniste Lionel Terray, sera la première célèbre à leur déposer ses fonds en 2009. « Dès lors, un lien très fort se noue avec ces familles, car c'est tout un pan de leur histoire qu'ils laissent entre nos mains », confie Valérie Bonfé.
« Mais si l'on voulait continuer à se développer, poursuit-elle, il fallait disposer d'un lieu bien identifié. » Pendant dix ans, Gilles Charensol et Valérie Bonfé se battent pour rassembler les 2,8 millions d'euros nécessaires à la rénovation de l'ancienne usine Badin et à la création d'une salle de cinéma attenante, de 160 places. Depuis l'inauguration du lieu - en septembre 2022 -, le garage du couple s'est vidé et les milliers de bobines sont désormais stockées dans une petite salle située derrière le bar, cet « espace convivial » où se poursuivent les discussions à la sortie des projections. Quand on entre dans la petite réserve maintenue à 16 °C, une forte odeur de pellicules acétate emplit la pièce - un trésor, car ces 10 000 documents constituent probablement le plus grand fonds d'images de montagne au monde.
La majorité d'entre eux ont été numérisés en haute définition, indexés, puis déposés sur une base de données accessible à tous. « L'idée, c'était bien sûr de les conserver mais aussi de les faire vivre », insiste Valérie Bonfé.
D'où la naissance des Rencontres de la Cinémathèque de montagne, qui fêtent cette année leur 15e anniversaire du 22 au 26 novembre - 10 000 personnes sont attendues. Ces archives servent aussi à nourrir deux belles expositions qui explorent l'histoire du cinéma d'alpinisme et les techniques cinématographiques en milieu montagneux. On y apprend comment filmer la spéléologie alors qu'il n'y a pas de lumière dans une cavité souterraine ou comment on filmait quelqu'un descendant le long d'une paroi avant l'invention du drone. « Les guides disent que la montagne n'est jamais aussi belle que dans les yeux de leurs clients, nous que la cinémathèque n'est jamais aussi belle que dans ceux de nos visiteurs », concluent nos passionnés.
Pour visionner les films de montagne de la cinémathèque : cimalpes.fr
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