« Le soutien des entreprises, enjeu crucial pour les océans » (par Robert Calcagno, directeur général de l’Institut océanographique de Monaco)

À six jours de la Journée mondiale de l’océan, le 8 juin, Robert Calcagno, directeur général de l’Institut océanographique de Monaco, incite les bailleurs privés et publics à investir dans « l’économie bleue ». Selon l’ONU, 90% des populations de gros poissons sont épuisées et 50% des récifs coralliens sont détruits.
Robert Calcagno, Directeur général de l’Institut océanographique de Monaco
Robert Calcagno, Directeur général de l’Institut océanographique de Monaco (Crédits : © LTD / THIERRY AMELLER/INSTITUT OCÉANOGRAPHIQUE DE MONACO)

À six jours de la Journée mondiale de l'océan, le 8 juin, nous publions cet appel à la mobilisation, signé du directeur de l'Institut océanographique de Monaco. L'océan est essentiel à la survie de l'humanité. Sans son active participation à l'organisme Terre, nous ne serions pas là pour en parler ! Or ce que l'on a pris pendant des siècles pour un acquis se révèle d'une grande fragilité. Indifférence, négligence, surexploitation, avidité... La liste des inconséquences humaines est longue. Aujourd'hui, l'océan est abîmé.

Lire aussi« Les droites et les extrêmes droites pactisent contre l'écologie » (Marie Toussaint, tête de liste des Ecologistes)

Il est temps de se retrousser les manches. Durant des décennies, l'océan a été le grand
absent des échanges diplomatiques. Il a peu à peu gagné sa place dans les débats internationaux. En témoignent deux récentes victoires. La première concerne l'accord sur la protection de la biodiversité et de la haute mer (BBNJ) - soit environ les deux tiers de l'océan - adopté en septembre dernier aux Nations unies. La principauté de Monaco a été le premier État européen à le ratifier, et il est certain que de nombreux pays le feront prochainement. La seconde victoire concerne l'accord de la COP15 biodiversité, qui prévoit, entre autres, une protection de 30 % de la biodiversité sur terre et aussi en mer d'ici à 2030. Cela exige que 30 % de la surface de l'océan soit transformée en aires marines protégées ou fasse l'objet de mesures de conservation. Correctement déployées, ces initiatives peuvent assurer une protection très efficace du milieu marin.

Mais les défis persistent, notamment en matière de financement et d'organisation, pour protéger cet espace vital qui couvre 71 % de la surface de la planète. Le temps de la prise de conscience est révolu, celui de l'action est désormais une priorité. Nous aurons besoin de l'engagement des citoyens, des gouvernements, des ONG, des organismes multilatéraux comme des fondations philanthropiques. Mais pas seulement. Le soutien et la mobilisation des entreprises privées et publiques sont cruciaux pour la mise en place et la promotion d'une économie « bleue ». Et, si possible, avec l'exigence de développer une activité économique non seulement durable, mais aussi régénérative pour le milieu et inclusive pour les communautés locales.

Economie bleue

Deux chiffres illustrent cette urgence d'agir. Le premier montre que la valeur de l'économie maritime - sans considération de durabilité -, qui était estimée à 1500 milliards en 2010, devrait, selon l'OCDE, être multipliée par deux d'ici à 2030 pour atteindre 3000 milliards. Et cette tendance devrait se poursuivre. Le deuxième concerne le financement de l'Objectif de développement durable no 14 des Nations unies. Il faudrait le multiplier par sept pour atteindre les 175 milliards de dollars nécessaires chaque année à la protection de l'océan.

Si l'on fait le pari d'une économie bleue, les actions doivent alors être menées simultanément dans ces deux directions. D'une part en soutenant les entreprises dans leurs démarches vers une économie plus durable. D'autre part, en aidant à financer la résilience bleue et un océan plus pérenne.

Prenons l'exemple des transporteurs maritimes. Ils doivent être accompagnés et incités à consommer moins d'énergies fossiles, à utiliser des moteurs plus économes, et finalement à basculer vers une mobilité décarbonée... Concernant la résilience bleue, des financements sont nécessaires pour, par exemple, la protection des coraux et des mangroves, le maintien d'une pêche artisanale et la construction d'un tourisme durable et responsable. L'algoculture est aussi une voie prometteuse qui permet, sous certaines conditions, de fixer du dioxyde de carbone, de dépolluer l'océan ou de produire de l'alimentation animale ou humaine.

Un marché de crédits biodiversité

Le défi consiste à faire coïncider les fonds disponibles avec les projets existants, et à mettre en œuvre le tout à une échelle appropriée. Les millions, ou milliards, de dollars mobilisables par le secteur public ou privé sous forme d'obligations et d'actions ou dans certains cas de « partenariats public-privé », sont essentiels. Autre piste en réflexion, celle de la création d'un marché de crédits biodiversité, sur lequel se penche un groupe de travail international (l'International Advisory Panel on Biodiversity Credits) mis en place pour en identifier la forme et définir des règles afin d'éviter tous les écueils constatés avec le marché carbone.

Ce qui est enthousiasmant dans les secteurs en pleine croissance comme celui du financement de l'océan, c'est le sentiment qu'une course a commencé - un marathon qui récompensera les plus clairvoyants. Nous appelons toutes les entreprises qui partagent notre vision à se mobiliser et à développer des partenariats, des solutions et des projets novateurs. À un an du Blue Economy and Finance Forum (BEFF) - qui se déroulera à Monaco les 7 et 8 juin 2025, en amont de la conférence des Nations unies sur l'océan à Nice -, nous attendons leurs précieuses contributions. Il est temps de considérer l'invention de nouveaux modèles de production ou de consommation durables comme un moteur de profit et de solutions pour relever les défis environnementaux qui nous attendent. Mobilisons-nous ensemble pour créer un avenir plus vertueux et durable dès maintenant !

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 1
à écrit le 02/06/2024 à 10:04
Signaler
Ben adieu les océans alors ! ^^

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.