Mouton à cinq pattes

ÉDITO - Retrouvez l'éditorial de Bruno Jeudy, directeur délégué de La Tribune Dimanche.
(Crédits : DR)

Une semaine après le second tour des législatives, la confusion règne au point de rendre le pays ingouvernable. Pour reprendre le titre d'un célèbre roman, la dissolution a généré 50 nuances de gris, de cris et de bris ! On comprend dès lors - tous les sondages le confirment - le mécontentement et même le désarroi des Français face à un tel désordre. Aucun camp politique n'est épargné par la déflagration qu'a provoquée la grenade dégoupillée par l'artificier de l'Élysée.

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Victoire à la Pyrrhus, succès au goût amer, autant d'expressions qui définissent la situation paradoxale dans laquelle se trouvent les forces politiques. Si le Nouveau Front populaire peut se targuer d'occuper la première place par le nombre de députés, avec des socialistes ragaillardis, des Verts reverdis et les Insoumis en groupe le plus puissant, il ne parvient pas à masquer les divergences idéologiques et programmatiques et des bisbilles entre ses figures de proue.

Trouver le candidat idéal au poste de Premier ministre revient à découvrir le mouton à cinq pattes ! À chaque jour son nouveau nom... Le camp présidentiel se réjouit d'être ce fameux bloc central qui permettrait alliances et coalitions, gage d'une majorité absolue ou relative. Ce serait oublier la cuisante défaite des européennes, confirmée par la perte de 90 députés un mois plus tard. Et surtout le groupe Renaissance s'apparente davantage à un conglomérat en perte de repères, avec nombre d'élus qui doivent leur survie au désistement de candidats de gauche et de LFI en particulier. La guerre des chefs s'est accélérée et rappelle que la mouvance macronienne est née de ralliements et de débauchages. Avec la fin du quinquennat, Renaissance risque de disparaître.

Le RN, lui aussi, oscille entre le sentiment d'avoir progressé - 10 millions de voix et 37 députés de plus - et le constat d'une cruelle défaite. Marine Le Pen reste confrontée au plafond de verre et peine à trouver des alliés, comme le prouve l'échec de l'OPA sur LR. Ces derniers, s'ils ont échappé à la disparition, doivent refondre un mouvement à bout de souffle et déchiré. L'appellation Droite républicaine pose de nouvelles bases.

À la veille de la réunion de la nouvelle Assemblée, personne ne sait quelle est la majorité, quelle est l'opposition. Notre vie politique ressemble davantage au théâtre de l'absurde. La pièce de Samuel Beckett En attendant Godot pourrait trouver sa version politique, En attendant le Premier ministre. Au président de prendre ses responsabilités et d'appeler un chef du gouvernement. En effet, selon le mot de Mme de Sévigné, « une heure de conversation vaut mieux que cinquante lettres ». Expédier les affaires courantes, certes, mais ces affaires courantes conditionnent le quotidien des Français allergiques à la tambouille politicienne. À douze jours des JO, leur patience trouvera vite ses limites. L'honneur et la réputation du pays exigent de ceux qui prétendent à exercer le pouvoir un dépassement des calculs et des mesquineries.

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Commentaires 2
à écrit le 15/07/2024 à 12:33
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De toute façon c’est un jeu de dupes car si d’aventure Emmanuel Macron laissait le NFP gouverner ce ne serait que temporaire jusqu’à ce que celui-ci s’aperçoive qu’il ne peut appliquer son programme (par exemple la retraite à 60 ans) puisqu’il serait...

à écrit le 14/07/2024 à 6:42
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"le mécontentement et même le désarroi des Français face à un tel désordre." Non je ne suis pas d'accord, c'est d'abord et avant tout un rejet total de la classe politique française, et les multiples sondages nous le hurlent également, dans son...

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