La campagne piratée

Par Bruno Jeudy, directeur délégué de la rédaction  |   |  551  mots
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ÉDITO - Retrouvez l'éditorial de Bruno Jeudy, directeur délégué de La Tribune Dimanche.

Les élections européennes sont désormais devenues un rendez-vous électoral majeur dans notre pays. En témoignent le nombre pléthorique de listes, l'investissement - pour ne pas dire le surinvestissement - d'Emmanuel Macron et de Gabriel Attal, et la volonté du RN de faire de ce scrutin un désaveu de la politique élyséenne.

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Pour ce dixième scrutin depuis 1979, l'enthousiasme a cédé le pas au scepticisme voire à l'hostilité envers les institutions européennes. Notre pays ne constitue pas une exception, comme le montrent les sondages favorables aux partis nationalistes dans la moitié des 27 pays de l'UE. Le Brexit, qui a chamboulé le paysage politique européen et entraîné des effets ravageurs pour le Royaume-Uni, ne semble pas dissuader les électeurs de remettre en question le mode de fonctionnement et les acquis de l'UE. Qui, aujourd'hui, contesterait les avantages de la monnaie unique, d'Erasmus et de la libre circulation des biens et des personnes ? Les leaders populistes européens sont devenus amnésiques sur ces sujets comme sur la lutte contre le Covid-19, dans laquelle l'UE a joué un rôle efficace.

Référendum anti-Macron

La guerre en Ukraine contribue à donner à ces élections une importance historique et à rappeler à chacun que la paix n'est jamais définitivement acquise. D'où l'espoir que nos compatriotes se mobilisent pour voter afin de ne pas faire des indifférents et des blasés le premier parti de France. En 1979, 62% des inscrits avaient voté ; se rapprocher de cette participation serait un signe de vitalité de notre démocratie. Face à Poutine, les Européens ont affiché jusqu'à présent une solidarité sans faille. Qu'en sera-t-il demain si le Parlement est paralysé par des partis extrémistes perméables aux velléités hégémoniques du maître du Kremlin ? Funeste perspective...

En France, la campagne a viré à un référendum anti-Macron. Deux ans après sa réélection, le président a sous-estimé le niveau de colère de Français davantage soucieux des questions de pouvoir d'achat, de sécurité et d'immigration que de l'impérieux soutien à l'Ukraine. À l'évidence, le chef de l'État n'est pas parvenu à réorienter le débat sur la cause européenne, ciment du macronisme. Rien n'a marché : ni son discours à la Sorbonne, ni sa volonté de mettre le soutien militaire à l'Ukraine au centre du jeu. Sa candidate Valérie Hayer n'a pas su positiver son programme européen. Enfin, l'activisme - parfois maladroit - du Premier ministre n'a pas permis de contrer la stratégie attrape-tout de Jordan Bardella, populiste lisse et souriant, héritier d'un lepénisme fondamentalement antieuropéen.

À gauche, Raphaël Glucksmann a certes redonné des couleurs aux socialistes, mais la bagarre fait rage avec les Insoumis de Jean-Luc Mélenchon, autre eurosceptique, capable de tout y compris de brandir le drapeau palestinien dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale. Jusqu'au bout, cette triste campagne aura été détournée de son objet initial.

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