Elon Musk, parce qu’il le vaut bien

CHRONIQUE L'ŒIL DE L'ÉCO — Retrouvez chaque semaine la chronique de Philippe Mabille, directeur de la rédaction de La Tribune.
(Crédits : © DR)

C'est un autre scrutin qui engage l'avenir d'un président à l'ego démesuré, au comportement fantasque et au destin hors du commun. Non, il ne s'agit pas des prochaines élections législatives décidées à la surprise générale par Emmanuel Macron, dimanche 9 juin au soir, et qui ont provoqué la plus forte chute de l'indice CAC 40 en une semaine depuis l'invasion de l'Ukraine par la Russie en février 2022. Mais bien du vote emporté jeudi 13 juin par Elon Musk auprès de ses actionnaires pour valider, pour la seconde fois, son plan de rémunération extravagant de 56 milliards de dollars.

Lire aussiClassement Forbes : la France s'enrichit de dix nouveaux milliardaires, Bernard Arnault devance Elon Musk

Au terme d'une campagne populiste digne de Donald Trump (qu'il ne dit pas officiellement soutenir même s'il partage ses idées et pourrait l'aider financièrement d'ici aux élections de novembre), Elon Musk a annoncé lui-même sa victoire, dans un message lunaire sur le réseau social X (qui lui appartient), avant la conclusion du vote à l'assemblée générale.

Deux résolutions étaient soumises aux actionnaires : la confirmation de son plan d'acquisition d'actions Tesla au prix de 2018, négocié quand le constructeur de voitures électriques valait moins de 60 milliards de dollars - autant que le mégabonus qu'il revendique -, alors qu'il affiche désormais une capitalisation de 500 milliards après avoir brièvement dépassé les 1 000 milliards au mieux de sa forme, fin 2021. Depuis, le cours de Tesla a été divisé par deux, mais le constructeur américain vaut dix fois plus que Stellantis et deux fois Toyota.

« Votre vote est crucial »

Les actionnaires ont aussi accepté le transfert du siège de Tesla du Delaware au Texas, État réputé plus souple sur les questions de gouvernance. Il faut dire que, à la suite d'une plainte d'un actionnaire, la cour de la chancellerie du Delaware avait annulé le package colossal du PDG de Tesla, au motif qu'il avait été accordé sans que les actionnaires aient été convenablement informés par le conseil d'administration, de toute façon à la botte du fondateur.

Qu'à cela ne tienne. Musk a demandé à ses petits porteurs, qui représentent près du tiers de son actionnariat, un nouveau plébiscite. « Votre vote est crucial pour la croissance et la réussite futures de Tesla et pour la valeur de votre investissement », a insisté le groupe automobile, pour souligner l'alignement des intérêts des actionnaires et du fondateur, indispensable pionnier de l'électrification de l'automobile aux États-Unis. Pour les convaincre, Tesla a mené une véritable campagne politique, proposant par tirage au sort des visites de la gigafactory d'Austin au Texas en présence d'Elon Musk et de son chef designer. Le groupe a aussi lancé un site Internet, Votetesla.com, et alimenté le débat par des vidéos avec le robot-ouvrier Optimus, dont Musk veut faire le futur de ses usines. Il promet que, grâce à cette robotisation, le cours de l'action Tesla pourrait atteindre 2 600 dollars en 2029, contre 165 actuellement !

Sa parole vaut toutes les garanties pour ceux qui veulent bien y croire

Musk à même dit un jour que la valeur du constructeur pourrait dépasser les 25 000 milliards de dollars grâce à ce robot humanoïde. De quoi appâter les gogos, qui n'ont pas hésité à accorder à nouveau à Elon Musk son plan de rémunération. Mais pas de quoi convaincre les investisseurs professionnels, notamment les grands fonds d'investissement, qui ont rejeté une nouvelle fois « ce salaire délirant », à l'image du fonds de pension des enseignants de Californie. Même chose pour le fonds souverain norvégien NBIM, qui détient près de 1 % de Tesla.

Que dit toute cette affaire de l'évolution du capitalisme américain ? Que quand les bornes sont franchies, il n'y a pas de limites au greed, à la cupidité humaine. Entre les 56 milliards de dollars d'Elon Musk et les 36,5 millions d'euros de Carlos Tavares, le patron de Stellantis, on n'est pas dans la même échelle. Certes, l'un est le fondateur et premier actionnaire d'une entreprise dans laquelle il dit d'ailleurs vouloir se renforcer pour atteindre les 20 % du capital. L'autre est un manager de talent, récompensé pour avoir su créer de la valeur pour ses actionnaires.

Acheter Tesla les yeux fermés

Mais ce qui est frappant, c'est qu'Elon Musk est devenu une telle icône que sa parole vaut toutes les garanties pour ceux qui veulent bien y croire. Une foi presque irrationnelle relie les intérêts des petits actionnaires de Tesla et ceux de son patron, au risque de la chute finale. Après des débuts fantastiques, portés aussi par la vogue de l'ESG dans la finance, qui a conduit nombre de gestionnaires d'actifs à acheter des actions Tesla les yeux fermés, les marchés ont commencé à redouter l'hubris d'Elon Musk.

Car, à bien y regarder, les performances de Tesla sont à la baisse, comme le montrent les résultats du premier trimestre. Et l'action a quitté les rangs des Sept Magnifiques, ces géants de la tech que les investisseurs du monde entier s'arrachent et dans lesquels on trouve Apple, Nvidia, Microsoft, Meta, Google et Amazon... Dans la course à la voiture électrique, on voit bien que Tesla n'arrive pas à sortir de son petit modèle compétitif face à la déferlante chinoise. De sorte que, si Elon Musk ne tient pas ses promesses de création de valeur, il aura surtout réussi à abuser ses petits porteurs...

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 1
à écrit le 16/06/2024 à 8:29
Signaler
Dans un contexte de morosité économique concernant les bagnoles électriques c'est complètement déments. 50 milliards de graisse et de cellulites que va devoir porter l'entreprise ou le déclin du capitalisme qui n'en fini plus. Dividendes partout dyna...

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.