L'engagement d'Emmanuel Macron sur le « Pass rail » a-t-il vraiment été tenu, comme l'a affirmé le président mardi sur les réseaux sociaux ? Interrogé en septembre dernier par le youtubeur HugoDécrypte sur le « Deutschlandticket », un abonnement qui, depuis le 1er mai 2023, permet de voyager en Allemagne sur tous les réseaux urbains (métro, bus, tramways) et dans les trains régionaux du pays pour 49 euros par mois, le chef de l'Etat s'était dit « favorable » à mettre en place « le même dispositif » en France. « Toutes les régions qui sont prêtes à le faire avec l'Etat, banco », avait-il déclaré.
C'est finalement un pass rail très restreint dont Emmanuel Macron a annoncé le lancement à partir de ce mercredi. Ce dispositif, financé par l'État et les régions, ne concerne que les jeunes entre 16 et 27 ans, n'est valable que pour une durée d'un mois entre le 1er juillet et le 31 août 2024 et ne s'applique que sur les TER et Intercités.
Les voyages en TGV, y compris les Ouigo, ne sont pas couverts par le pass rail. Les déplacements entre gares d'Ile-de-France non plus. Le ministère de la Transition écologique précise toutefois sur son site que « les TER régionaux qui desservent Paris sont inclus, ainsi que certaines villes d'Ile-de-France (par exemple : Versailles, Rambouillet, Longueville, Château Thierry, Mantes la Jolie, etc.) ».
« Le seul point commun avec l'Allemagne, c'est le montant : 49 euros par mois », ironise Gilles Laurent, vice-président de la Fédération Nationale des Associations d'Usagers des Transports (FNAUT) Hauts-de-France. « Ça partait d'un bon sentiment mais ça s'est un peu dégonflé à la manière d'une baudruche par rapport à l'ambition initiale. »
Un trajet par jour depuis la même ville
Car les restrictions ne s'arrêtent pas là. Gilles Laurent se dit « surpris des conditions de souscription et de fonctionnement » dévoilées mardi. Selon le ministère de la Transition écologique, le dispositif est limité à « un trajet par jour maximum au départ de la même ville (y compris en cas de correspondance) », à « un trajet par jour maximum sur un même créneau horaire » et à la « réservation de six billets simultanés à venir maximum ».
Le voyageur doit ensuite réserver en ligne un billet « à 0€ dans les TER à réservation obligatoire (NOMAD et TER Grand Est) et les Intercités de jour et de nuit (en siège inclinable) », « à 0€ sur les TER sans réservation » et « à 19,50€ avec réservation en couchette sur les Intercités de nuit », selon SNCF Voyageurs, contacté par La Tribune.
« Ça enlève de la souplesse au système », regrette le vice-président de la FNAUT Hauts-de-France. « Ça va permettre à la SNCF de savoir combien de personnes utilisent le pass et de limiter l'affluence », affirme-t-il, redoutant que certains trains affichent complet. Les TER grande vitesse (TERGV) dans les Hauts-de-France sont également exclus du dispositif, et Gilles Laurent craint que le même sort soit réservé aux Transiliens hors Ile-de-France.
Découvrir le patrimoine contre abandonner la voiture
Les pass rail français et allemand n'ont « rien à voir en termes d'ambition et de public visé », résume pour La Tribune Patricia Perennes, économiste spécialiste du transport ferroviaire. « En France, le seul public, ça va être des jeunes qui ont envie de découvrir la France et son patrimoine. En Allemagne, les gens ont pris le pass parce que c'était moins cher que leur abonnement de transport. Le discours, c'était : "Les gens vont pouvoir abandonner leur voiture et se déplacer autrement" ».
Cette ambition revue à la baisse s'explique, selon Patricia Perennes, par le coût important qu'aurait représenté le modèle allemand pour l'Etat et les régions en France, que l'économiste évalue « entre 1 et 2 milliards d'euros ». En Allemagne, le dispositif a coûté 3 milliards d'euros la première année, contre 15 millions d'euros en France.
Un an après son lancement, le modèle allemand se révèle pour l'instant être un échec. À peine plus de 11 millions de personnes, dont seulement 8% n'utilisaient pas les transports publics auparavant, se sont abonnées au « Deutschlandticket », loin des 16 millions attendues par les autorités pour atteindre l'équilibre financier.
Des jeunes déjà familiarisés avec le train
Avec une cible restreinte, le Pass rail français connaîtra-t-il le succès attendu ? Le gouvernement table sur la vente de 700.000 pass, selon une source gouvernementale. Pour Patricia Perennes, le dispositif ne va séduire qu'une « petite frange de la population », par exemple « des Bordelais qui vont rester à Bordeaux tout l'été et qui seront contents pour 49 euros d'aller à Arcachon tous les dimanches », ou « des jeunes qui n'avaient rien prévu pour les vacances et qui vont partir en mode baroudeur ».
L'économiste s'attend moins à ce que le pass rail conquiert de nouveaux usagers qu'il ne permette à des jeunes déjà familiarisés avec le train de se déplacer davantage. Selon un sondage commandé par le site de vente de billets Trainline, près d'un jeune sur deux (48%) ayant l'intention de partir en vacances cet été compte acheter un passe rail.
Un pass rail estival réservé aux jeunes a déjà existé en France en 2020 et 2021. Pour 29 euros par mois, le « Pass jeune TER » permettait aux 12-25 ans d'emprunter à volonté les TER - sauf en Ile-de-France -, mais pas les Intercités, ni les trains de nuit. La SNCF en a écoulé 70.000 en 2020 et 84.000 en 2021. Proposé à titre exceptionnel, ce pass n'avait ensuite pas été renouvelé par les régions. « Ce qui change, c'est qu'en 2020 et 2021, les trains étaient un petit peu vides en sortie de Covid, alors qu'aujourd'hui en France, il y a des difficultés de saturation des trains, en particulier en Bretagne, en Nouvelle-Aquitaine et en Pays de la Loire », compare Patricia Perennes. « C'est aussi pour ça que les régions ne souhaitaient pas que le pass rail soit trop attractif », estime l'économiste spécialiste du transport ferroviaire, qui explique que la saturation des trains entraîne des coûts supplémentaires pour les régions.Un pass jeune TER à 29 euros après la crise Covid
Sujets les + commentés