![Le transport public ne s'est pas imposé dans les débats.](https://static.latribune.fr/full_width/2078172/greve-des-controleurs-de-la-sncf-en-france.jpg)
Pouvoir d'achat, services publics, environnement... Les thèmes sociaux-économiques n'ont pas manqué au cours de cette campagne éclair des législatives. Cela n'aura pas été le cas des transports. Déjà peu présents lors des élections européennes, ils ont été très peu mis en avant dans les programmes des principaux blocs, si ce n'est dans une faible mesure par le Nouveau Front populaire. Et ils ont tout simplement été occultés dans les débats. Une absence que regrettent les associations représentant les usagers et les professionnels du secteur, qui tiennent à rappeler que les transports sont pourtant à la croisée des chemins de nombreux sujets.
Jean-Philippe Peuziat, directeur du département des affaires publiques de l'Union des transports publics et ferroviaires (UTP), déplore le manque d'intérêt de l'ensemble des partis pour cette question des mobilités, qu'il s'agisse du transport ferroviaire ou des mobilités du quotidien. « Il est important d'offrir aux gens des solutions de transports, dont fait partie la voiture, de façon abordable dans un contexte de contrainte du pouvoir d'achat », explique-t-il, notamment pour les zones rurales et périurbaines qui souffrent du manque de connectivité avec les centres urbains. Ce qui avait joué notamment lors du mouvement des Gilets jaunes de 2018-2019. Et pour lui, cela passe par le développement de l'offre de service public au travers des transports en commun et des trains régionaux, qui revient moins cher que la voiture individuelle.
Parmi les autres questions liées intrinsèquement aux mobilités, Jean-Philippe Peuziat cite l'aménagement du territoire ou encore la compétitivité industrielle.
« On ne sait pas où nous allons, déplore de son côté François Delétraz, président de la Fédération nationale des associations d'usagers des transports (Fnaut). Aucun programme ne fait de choix clairs en ce qui concerne les trains du quotidien, la desserte du territoire... ».
Vers un renforcement de la voiture ?
François Delétraz, président de la Fnaut, se désespère aussi de cette situation sur le plan de la décarbonation. Il craint même que les mesures avancées par le Rassemblement national (RN) pour abaisser la TVA à 5,5 % sur les carburants (même si cela ne semble pouvoir être fait qu'à titre temporaire sauf à déroger aux règles européennes) ne favorisent encore l'utilisation de la voiture face aux transports en commun. Il rappelle ainsi qu'en France métropolitaine, la voiture reste ultra-dominatrice avec 80% des déplacements contre 15% pour le train et une bascule qui ne s'opère réellement qu'au-delà de 500 km.
C'est d'ailleurs la seule véritable mesure du RN en termes de mobilité, qui refuse « l'écologie punitive », en promettant l'abrogation de la fin des véhicules thermiques en 2035 ou des zones à faibles émissions (ZFE). La proposition des élections européennes de permettre aux États de déroger aux règles de concurrence de l'Union pour permettre un redéploiement du transport ferroviaire a, quant à elle, disparu.
Face à ce manque d'éléments, Arnaud Aymé, spécialiste des transports au sein du cabinet SIA Partners, cherche à se projeter et donc à envisager une possible majorité d'extrême-droite à l'Assemblée nationale. Il se demande ainsi quel sera l'impact pour les transports publics de la volonté du RN de renforcer la sûreté et donc, par exemple, si elle s'appuiera sur la police, financée par l'Etat, ou sur la sûreté ferroviaire de la SNCF, financée par les passagers.
Pas de nouveauté pour Renaissance
La majorité sortante n'aborde pas le sujet des transports dans son programme. Elle semble uniquement se reposer sur les dispositions prises précédemment pour le développement de l'offre ferroviaire à travers la « nouvelle donne ferroviaire » de février 2023, Elisabeth Borne alors Première ministre ayant promis 100 milliards d'euros d'investissements d'ici 2040 pour accompagner le doublement de la part modale du train. Mais le président de la Fnaut rappelle que ces crédits n'ont jamais été fléchés. De même, Jean-Philippe Peuziat rappelle que l'UTP avait demandé l'inscription de cette ambition dans une loi de programmation pluriannuelle pour sécuriser une trajectoire, ce qu'il n'a jamais obtenu malgré le soutien du ministère des transports.
Arnaud Aymé et Jean-Philippe Peuziat rappellent d'ailleurs l'un et l'autre que ces élections anticipées ont aussi eu pour conséquence de reporter à la rentrée la conférence de financement des Services express régionaux métropolitains (SERM). Lancés fin 2022 par Emmanuel Macron sous l'étiquette RER métropolitains, ils doivent notamment contribuer à renforcer la connexion entre les espaces péri-urbains et les centres urbains. Or, la loi prévoyait que cette conférence se tienne avant le 30 juin (un délai qui n'aurait pas été tenu de toute façon), afin de définir les modalités de financement des investissements (avec un apport de l'Etat) puis de l'exploitation (subventionnée par les collectivités locales). Elle est désormais entre les mains du futur gouvernement.
Une ambition qui devra se concrétiser
Reste le Nouveau Front populaire, dont le programme est plus détaillé en raison du contrat de législature qu'il a dû passer entre ses différentes composantes. Pour les « 100 premiers jours », cela reste indirect avec l'annonce « d'un moratoire sur les grands projets d'infrastructures autoroutières » dans le cadre de la lutte contre le changement climatique, ou vague avec la mention des transports parmi les services publics à « réparer ». Pour « les mois suivants », les choses se précisent avec la volonté affichée de « développer les transports publics et écologiques » à travers des tarifs accessibles, des mesures de gratuité ciblée et une baisse de la TVA pour les transports en commun, la préservation des petites lignes, le développement du fret ferroviaire et la fin de la « privatisation » de Fret SNCF (parler de démantèlement serait sans doute plus juste). Enfin, le NFP reprend aussi à son compte la création des SERM.
Ce manque d'intérêt ne choque pas Arnaud Aymé chez SIA Partners, qui rappelle que ces enjeux de mobilités ne sont mis en avant que lors des élections régionales. Jean-Philippe Peuziat se montre d'ailleurs confiant : « Les transports n'ont jamais été le sujet n°1 des campagnes quelles qu'elles soient, mais ils viennent toujours à être traités quand les gouvernements se mettent en place. » En attendant le verdict des urnes, les associations fourbissent donc leurs armes. Si la Fnaut et l'UTP ne sont pas entrées en contact avec les différents candidats dans cette campagne, aussi prompte qu'imprévue, elles se préparent l'une et l'autre « à monter au créneau » dès que l'Assemblée nationale et le nouveau gouvernement seront en place.
Politique du long terme
François Delétraz n'entend ainsi pas tarder, car un véritable report modal de la voiture vers le train nécessite d'agir sur le niveau d'offre, la facilité d'usage et le prix. Or, si la baisse du prix du carburant peut se faire immédiatement sentir sur l'utilisation de la voiture, le développement d'une offre de transport public demande du temps et une volonté politique sur le long terme qu'il peine à ressentir pour le moment. Un investissement dans une infrastructure ferroviaire mettra par exemple des années avant de se concrétiser et de générer pleinement ses apports sur le niveau d'offre.
Le patron de la Fnaut estime d'ailleurs que l'Etat doit s'engager davantage pour favoriser le développement de l'offre. Il cite le besoin de régénération mais aussi de modernisation du réseau ferroviaire français, très gourmand en investissements, ou encore la tarification des péages ferroviaires. Bien que celle-ci relève normalement de l'Autorité de régulation des transports (ART), indépendante, il estime qu'il peut y avoir une volonté politique de faire baisser les prix pour permettre le développement de l'offre comme ce fut le cas - avec succès - en Italie. D'autant que les tarifs des péages en France sont parmi les plus élevés d'Europe.
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