IATA veut structurer le marché du carburant durable pour accélérer la décarbonation du transport aérien

La production de carburants d'aviation durables (SAF) va tripler en 2024, mais avec un total de 1,5 million de tonnes, cela ne couvrira même pas 1 % de la demande mondiale. Présentés tous comme le principal levier de la décarbonation du secteur - avec les deux tiers de l'effort - les SAF ont décidément du mal à changer d'échelle. D'où la volonté du secteur de structurer enfin le marché.
Léo Barnier
Le marché des SAF doit gagner en taille et en visibilité.
Le marché des SAF doit gagner en taille et en visibilité. (Crédits : Reuters)

Les multiples déclarations d'intentions n'y changent rien. La production de carburants d'aviation durables (SAF) n'accélère pas assez vite pour répondre à la demande. Confronté à un dilemme proche de l'œuf et de la poule - entre des compagnies souhaitant des SAF mais freinées par le manque de disponibilité et les prix, et des producteurs peu enclins à développer leur capacité tant que le secteur ne leur offre pas assez de visibilité au vu de ses volumes - le secteur aérien mise sur la structuration d'un véritable marché pour accélérer le mouvement. C'est du moins le postulat avancé par l'Association internationale du transport aérien (Iata) à l'occasion de son assemblée générale annuelle, qui vient de débuter à Dubaï.

Marie Owens Thomsen, vice-présidente chargée du développement durable et économiste en chef de Iata regrette ainsi l'absence de transparence des prix pour les SAF. « Ce n'est pas comme sur les marchés financiers, où les actions, les obligations, les matières premières sont échangées en permanence. Sur les marchés financiers, nous avons des écrans où nous pouvons voir les prix monter et descendre en permanence et c'est ce qui donne cette transparence des prix », analyse-t-elle.

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« Le marché des SAF est encore si minuscule que les seules transactions qui s'y déroulent sont des transactions privées » entre producteurs et compagnies aériennes, dans le secret des affaires, poursuit l'économiste en chef. Elle juge ainsi que « cela complique le développement du marché. Ce que nous voulons, c'est bien sûr un marché large, sain, dynamique, transparent et souple, tout comme celui des carburants en général. »

Marie Owens Thomsen est toutefois bien consciente qu'il s'agit d'un « argument quelque peu circulaire, était donné que la transparence des prix est, sans aucun doute, un élément qui favorise le développement d'un marché, mais qu'il faut déjà qu'il y ait une certaine activité sur le marché pour obtenir cette transparence. »

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Un registre pour accélérer la structuration

L'Iata veut mettre sa pierre à l'édifice en créant un registre afin d'accélérer l'adoption des SAF. Celui-ci ne va pas créer le marché en soi, mais doit contribuer à le structurer en arrêtant une méthodologie pour comptabiliser et garantir les réductions d'émissions dues à l'utilisation des carburants durables.

Pour Willie Walsh, directeur général de Iata, c'est en tout cas une pierre à l'édifice en permettant à toutes les parties prenantes - gouvernements, clients, compagnies, producteurs - d'avoir des données fiables « pour suivre la qualité et les quantités de SAF utilisées » et établir leur bilan carbone :

« Le registre répondra à tous ces besoins. Ce faisant, il contribuera à créer un marché mondial des SAF en garantissant que les compagnies aériennes ont accès aux SAF où qu'ils soient produits, et que les producteurs ont accès aux compagnies aériennes où qu'elles se trouvent. »

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Ce registre est attendu pour le premier trimestre 2025. L'Iata travaille actuellement à sa constitution avec un groupe pilote comprenant 17 compagnies aériennes, un groupe aérien, 6 autorités nationales, 3 industriels aéronautiques et un producteur de carburant.

Marie Owens Thomsen est convaincue du caractère structurant de cette démarche et que, combiné avec des efforts sur la transparence des prix, cela peut contribuer au développement du marché des SAF : « Avec ce registre, il n'y a pas forcément de miracle, mais sans registre, il n'y a pas de miracle. »

Tout en disant ça, Iata ne se prive pas de rappeler que le secteur a besoin de l'appui des Etats et des fonds publics pour réellement faire décoller le marché des SAF.

Léo Barnier

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