Coup de frein dans la consolidation du ciel européen : IAG renonce à Air Europa

La maison mère de British Airways et d'Iberia a annoncé jeudi soir qu'elle n'allait pas racheter la compagnie aérienne espagnole à cause, selon elle, du « contexte réglementaire » européen. Cette annulation du rachat dans laquelle elle s'était engagée lui coûtera pas moins de 50 millions d'euros d'indemnisation.
IAG, qui contrôle la compagnie British Airways, est le troisième groupe aérien en Europe derrière Ryanair et Lufthansa.
IAG, qui contrôle la compagnie British Airways, est le troisième groupe aérien en Europe derrière Ryanair et Lufthansa. (Crédits : HANNAH MCKAY)

[Article publié le vendredi 2 août à 10h26, mis à jour à 12h38] Marche arrière pour le groupe IAG. La maison mère de British Airways et d'Iberia a renoncé à racheter la compagnie aérienne espagnole Air Europa... pour la deuxième fois. « International Airlines Group (IAG) annonce aujourd'hui sa décision de mettre fin à l'accord (dans lequel il) s'était engagé à acquérir les 80% restants du capital social émis d'Air Europa », a indiqué jeudi le groupe dans un communiqué transmis par le gendarme boursier espagnol. IAG conservera tout de même sa part de 20% dans la compagnie aérienne espagnole, a déclaré l'entreprise jeudi.

IAG, qui contrôle aussi la compagnie irlandaise Aer Lingus, est le troisième groupe aérien en Europe derrière Ryanair et Lufthansa. Air Europa est quant à elle la troisième compagnie ayant la plus forte présence en Espagne, après IAG et Ryanair. Air Europa dispose actuellement d'une flotte de 50 appareils. Elle effectue non seulement des vols intérieurs espagnols, mais aussi des liaisons européennes et long-courriers vers l'Amérique latine et les Caraïbes. Elle a transporté 10 millions de passagers en 2022.

Finalement, « le conseil d'administration a estimé que, dans le contexte réglementaire actuel, la poursuite de l'opération ne serait pas bénéfique pour les actionnaires », continue IAG qui précise qu'il versera 50 millions d'euros d'indemnisation à Globalia, le groupe espagnol propriétaire d'Air Europa, en compensation de cette résiliation.

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Un faux pas dans sa stratégie de liaisons vers l'Amérique latine

« Nous pensons que c'est la meilleure décision pour protéger les intérêts de nos actionnaires. IAG reste attaché à sa stratégie, qui comprend une concurrence efficace depuis son hub de Madrid, une stratégie qui donne des résultats positifs », a commenté Luis Gallego, patron d'IAG.

Dans une note, des analystes de J.P.Morgan ont indiqué que la résiliation de l'offre d'acquisition pourrait permettre à IAG d'économiser 350 millions d'euros en indemnité de rupture, ce qui pourrait entraîner un meilleur retour aux investisseurs. Résultat, après cette annonce, le cours de l'action IAG grimpait de 7,35% vers 12h30 à la Bourse de Londres.

Pour rappel, IAG avait annoncé cette acquisition dès 2019 avec l'idée de renforcer ses liaisons vers l'Amérique latine et faire de Madrid l'un des principaux hubs européens. Mais le projet avait été mis à mal par la pandémie de Covid-19, qui avait conduit IAG à diviser par deux son offre initiale, puis par les réticences de la Commission européenne, inquiète d'une réduction de la concurrence sur le marché espagnol.

En février 2023, IAG avait cependant annoncé l'acquisition d'Air Europa pour 500 millions d'euros auprès de la société espagnole Globalia, quelques mois après la conversion en actions de 20% d'un prêt de 100 millions d'euros à Globalia. Il ne lui restait plus qu'à acquérir désormais les 80% restants pour 400 millions d'euros. La marque Air Europa devait être conservée, sous la gestion d'Iberia, mais l'opération était soumise au feu vert des autorités européennes.

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La stratégie d'IAG dans le viseur de Bruxelles

Une stratégie qui a été mise à mal, en janvier, quand Bruxelles avait ouvert une enquête sur ce projet de rachat, redoutant que l'opération ne réduise la concurrence sur plusieurs liaisons. La Commission européenne s'alarmait des conditions de concurrence sur les liaisons intérieures espagnoles, particulièrement entre la péninsule et les îles Baléares et les Canaries, sur les liaisons entre Madrid et certaines des principales villes européennes, ainsi qu'avec Israël et le Maroc. Les liaisons long-courriers entre Madrid et l'Amérique du Nord et l'Amérique latine étaient également concernées.

C'est donc à cette enquête que se réfère IAG lorsqu'il évoque le « contexte réglementaire », même s'il a précisé qu'il maintenait sa participation minoritaire de 20% dans Air Europa.

Le groupe britannique avait bien tenté la négociation en se disant en avril prêt à céder à la concurrence 40% des liaisons assurées par cette société afin d'obtenir le feu vert de Bruxelles à cette acquisition. « Nous garantissons qu'après la clôture de cette transaction, il n'y aura pas une seule liaison où Iberia et Air Europa opéreront de façon exclusive: il y aura toujours un concurrent », avait même assuré à l'époque Luis Gallego. Finalement, ça n'aura pas suffit à convaincre la Commission.

Air Europa affirme qu'elle est « solide et viable »

Ce vendredi, Air Europa a tout de même voulu rassurer et affirmé qu'elle était « solide et viable ». Air Europa « veut réaffirmer la solidité et la viabilité de son projet d'entreprise, qui lui permet d'affronter un futur durable sur le long terme après la décision de la multinationale » IAG, a indiqué dans un communiqué Globalia, la société propriétaire de la compagnie aérienne.

Même si l'entreprise « n'est pas à l'abri de l'instabilité que présentent certains marchés ni des retards dans la livraison de nouveaux avions », elle a réitéré « son ferme engagement en faveur du développement, de l'expansion et de la qualité du service à ses clients », précise le texte.

Fortement frappée par la pandémie de Covid comme les autres entreprises du secteur aérien, Air Europa, deuxième compagnie aérienne derrière Iberia, a dû être sauvée par le gouvernement espagnol en 2020 grâce à un prêt de 475 millions d'euros. Madrid était venue à la rescousse de l'entreprise au moment même où elle entrait dans le processus de rachat par IAG pour un milliard d'euros.

Lufthansa parvient à racheter ITA Airways

Pendant que IAG renonce à son projet de rachat, le 3 juillet, Lufthansa a obtenu de son côté le feu vert de la Commission européenne pour l'acquisition partielle - dans un premier temps du moins - de la compagnie étatique italienne, héritière de feu Alitalia.

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Cela faisait plus de six mois que la Commission européenne menait une enquête approfondie pour déterminer les conséquences du rapprochement entre Lufthansa et ITA Airways sur le marché du transport aérien européen et le maintien du niveau de concurrence. Devant ces investigations qui traînaient en longueur, les spécialistes du secteur en venaient même à se demander si l'opération se concrétiserait un jour.

Les instances bruxelloises ont fini par déterminer que Lufthansa pouvait racheter ITA Airways, car « leurs activités sont dans une large mesure complémentaires, puisqu'elles opèrent à partir de différents hubs en Europe centrale et en Italie respectivement ». Elles ont aussi pris en compte le fait que « si ITA obtient de bons résultats aujourd'hui, sa viabilité à long terme en tant que transporteur autonome serait restée très incertaine en l'absence de l'opération ».

A noter : la prochaine grande opération attendue est la privatisation de TAP Air Portugal pour laquelle les groupes Air France-KLM et Lufthansa ont exprimé leur intérêt. L'échec d'IAG avec Air Europa pourrait aussi relancer l'intérêt du groupe britannico-espagnol pour la compagnie portugaise.

Le bénéfice d'IAG en baisse au deuxième trimestre

IAG a avancé à l'occasion de cette annonce la publication de ses résultats semestriels, initialement prévue vendredi.

Le groupe aérien a dévoilé un chiffre d'affaires en augmentation de 8% à 14,7 milliards d'euros mais un bénéfice net part du groupe en repli de 1,7% à 905 millions d'euros, grevé par des coûts financiers et impôts plus importants qu'un an plus tôt et par un effet de change négatif.

« Nous continuons à voir une forte demande de voyages (...) en Atlantique nord, Amérique latine et au sein de l'Europe » a commenté le directeur général Luis Gallego, qui qualifie de « bonne performance » les résultats du premier semestre. « Nous sommes heureux d'annoncer le retour au versement d'un dividende, ce qui reflète notre confiance dans l'entreprise », et ce pour la première fois depuis la pandémie qui avait durement heurté le secteur aérien, conclut Luis Gallego.

 (Avec AFP)

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Commentaires 3
à écrit le 03/08/2024 à 7:41
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"ciel européen " C'est plus vendeur que "gros tas de ferrailles qui polluent et rendent les gens bêtes".

à écrit le 02/08/2024 à 12:03
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Trop d'avions.

à écrit le 02/08/2024 à 12:03
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Tr

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