Les résultats de Safran s'envolent malgré ses difficultés à livrer ses moteurs

Difficile de gagner en rentabilité alors que son produit phare est à la peine. C'est pourtant ce qu'a fait Safran au premier semestre 2024, compensant les baisses de livraisons des moteurs Leap par une croissance renforcée sur les services. Ce qui ne manquera pas d'interpeller les avionneurs en attente de livraisons.
Léo Barnier
Les livraisons de Leap ont beau avoir baissé, les résultats de Safran sont en hausse.
Les livraisons de Leap ont beau avoir baissé, les résultats de Safran sont en hausse. (Crédits : Reuters)

Bien que fortement touché par les tensions à l'œuvre sur la supply chain (chaîne d'approvisionnement) aéronautique, Safran se porte bien sur le plan financier. Les principaux indicateurs du groupe sont ainsi en nette hausse au premier semestre 2024 par rapport à la même période l'an passé. Cela est le cas tant sur le niveau d'activité, avec un chiffre d'affaires en hausse de 19 % à plus de 13 milliards d'euros, que sur le résultat opérationnel. Celui-ci s'envole de pas moins de 46 %, à près de 2 milliards d'euros, avec une marge atteignant des niveaux plus que confortables pour le secteur industriel, à savoir 14,9 % (en hausse de 2,7 points). Le résultat net bondit lui aussi, de 37 %, à 1,4 milliard d'euros.

 « Safran réalise un très bon début d'année avec une marge opérationnelle dépassant les 15 % du chiffre d'affaires. Cette performance s'explique en grande partie par la croissance des services pour les moteurs et les équipements aéronautiques ainsi que par la nette amélioration des activités d'Aircraft Interiors, qui ont réussi à atteindre l'équilibre opérationnel », n'a pas manqué de se réjouir Olivier Andriès, directeur général de Safran.

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Le Leap en difficulté

Il aurait pourtant été facile d'imaginer une tout autre situation à la vue de la performance industrielle de l'activité Propulsion, la plus importante du groupe. Safran a livré 15 % de moteurs Leap en moins lors des six premiers mois de l'année (664 exemplaires contre 785 au premier semestre 2023). C'est pourtant la production phare du groupe, qui motorise tant la famille A320 NEO d'Airbus que le 737 MAX de Boeing. Sans compter que, sur le reste de l'activité Propulsion, les livraisons de moteurs M88 qui équipent le Rafale étaient également en baisse de moitié. Seuls les moteurs d'hélicoptères ont progressé.

Comme l'indique le patron du groupe, ce sont bien les services associés à ces moteurs qui ont tiré la Propulsion - tout comme le groupe - vers le haut. Avec la reprise forte du trafic commercial, les activités de services pour moteurs civils ont généré quasiment 30 % de revenus en plus. La part des services dans l'activité du groupe ne fait ainsi que croître - conformément à la stratégie établie - au point désormais de représenter les deux tiers du chiffre d'affaires de l'activité Propulsion. Malgré les baisses de livraisons, celle-ci a donc amélioré son chiffre d'affaires de pas moins de 14 %.

« Notre principal objectif est aujourd'hui de gérer au plus près la performance de nos fournisseurs afin de respecter les engagements pris auprès de nos clients, notamment concernant les livraisons de moteurs, et d'atténuer les éventuels impacts associés », a indiqué Olivier Andriès.

Également touché par la crise de la supply chain, la branche Aircraft Interiors arrive tout de même à monter significativement en puissance (+27 %), tirée par la hausse des livraisons de sièges et encore plus par la croissance des services associés, tant sur les sièges que les cabines. Mais Safran signale néanmoins que le niveau d'activité reste encore inférieur de 14 % au niveau de 2019. Enfin, le chiffre d'affaires de la partie Équipements & Défense augmente lui aussi fortement (+23 %), avec une forte dynamique sur les services et encore plus sur les activités de première monte, avec des hausses de livraisons sur les nacelles, les trains d'atterrissage ou encore les systèmes électriques.

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Des services rentables

Cette croissance des services profite également au groupe sur le plan de la rentabilité. Les activités Propulsion et Équipements & Défense améliorent très significativement leurs résultats opérationnels courants, ainsi que leur profitabilité avec des marges opérationnelles qui atteignent désormais respectivement 20 % et 12 %. Déficitaire depuis plusieurs années, avec une restructuration qui traîne en longueur, la branche Aircraft Interiors repasse enfin dans le vert. Néanmoins, sa marge est tout juste positive à 0,7 %.

De quoi conforter Safran, qui confirme ses prévisions annuelles, à savoir un chiffre d'affaires d'environ 27,4 milliards d'euros, pour un résultat opérationnel courant proche de 4 milliards et un flux de trésorerie libre (free cash-flow) d'environ 3 milliards. « Nous sommes très confiants dans notre capacité à atteindre nos objectifs financiers pour 2024, particulièrement en ce qui concerne le résultat opérationnel et avec une certaine pression quant aux flux de trésorerie, notamment en raison du calendrier d'acomptes clients », a appuyé Olivier Andriès.

Mais ces prévisions comprennent tout de même un changement important : la hausse des livraisons de Leap devrait être comprise entre 0 et 5 % seulement, là où le groupe tablait sur une fourchette de 10 à 15 % précédemment. Un sacré bond en arrière. Cela devrait être en partie compensé par une hausse plus importante du chiffre d'affaires des services pour les moteurs civils, d'environ 25 % contre 20 % prévus précédemment.

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Les avionneurs subissent

Ces résultats ne manqueront sans doute pas d'interpeller chez les avionneurs. Ralenti par les tensions sur la supply chain, Airbus n'arrive toujours pas à augmenter ses livraisons dans les proportions attendues malgré des efforts importants. Et sa rentabilité en pâtit. Lors des résultats de l'avionneur, mardi, son président exécutif Guillaume Faury a pointé « principalement des équipements de cabine, en particulier les sièges mais pas seulement, cela vient des moteurs, de Pratt & Whitney comme de CFM International, ou encore des trains d'atterrissage ». Autant d'activités dans lesquelles Safran est impliqué.

D'autant plus que Guillaume Faury a indiqué que les difficultés venaient désormais d'un nombre réduit de problèmes significatifs venant de fournisseurs plus importants, là où le secteur connaissait ces dernières années de multiples perturbations chez des acteurs de moindre taille. Ce qui n'est pas sans rappeler, là aussi, des acteurs tels que Safran.

Léo Barnier

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